Il était de tradition que la fin de l'année ramène l'émission du « Message à la Nation » auquel j'avais habitué mes auditeurs et lecteurs, soit pour la Noel, soit le plus souvent au 2 janvier. Cette année, ayant décidé de respecter le fait que mon rôle et mes attributions ont naturellement changé pour être transposés avec plaisir à qui cela incombe de droit, mon message sur « l'Etat de l'Union » en quelque sorte, se verra substituer par un « Manifeste » ou « Profession de Foi » d'un historien-politologue posant un diagnostic sur les leçons à tirer des constantes et des variantes qui sont les paramètres du passé-présent et du « que faire ? » haïtiens au point d'aboutissement de la tragi-comédie sans fin prévisible de la déchéance nationale, sauf un sursaut inscrit mais pas encore réalisé dans notre agenda pour le moment à la page où je lis cette sentence mienne : « une révolution est nécessaire mais impossible dans ce pays dans son état», après avoir dessiné le profil historique des deux cent vingt ans d'existence de l'Etat haïtien. Que faire ? Devient alors comment faire ?
La tentation d'aller aux élections est forte pour les partis et leurs candidats. Elle est déraisonnable vu que ces comices sont piégées et que tout a été arrangé pour y assurer la victoire programmée du pouvoir, sauf s'il en sortait une majorité cohérente d'opposants, avec une nouvelle loi électorale, un nouveau CEP et un appareil électoral nouveau garanti d'être indépendant, pour avoir la chance de pouvoir constituer l'équipe de l'alternative capable de nettoyer les écuries d'Osias, changer le personnel politique et gérer la gouvernance en vertu de la compétence, de l'intégrité, de la priorité aux démunis, mettre sous les verrous les promoteurs de la corruption pour être jugés, et donner la priorité á la solution progressivement réalisable des besoins fondamentaux primaires, secondaires et tertiaires de notre peuple souffrant, sans que l'international ne s'y oppose en faveur du statu quo, comme la dernière fois avec l'élection « fo mamite » de la piscine de Montana et des bulletins blancs qui ont, non seulement frauduleusement mais illégalement « prévalu »et comme à l'accoutumée. Mais y a-t-il une majorité pour un tel programme ? Il faudrait la forger avant les élections ! L'alternative, c'est nous, comme le disait notre slogan ? Il faudrait l'initiative de dé-piéger la machine toute huilée en place et en fonctionnement, ou alors faire intervenir un « grain de sable » dont je rappelle à satiété la théorie à dessein en histoire, car elle s'associe avec l'intervention humaine délibérée pour réussir l'exploitation d'un fait ou d'une situation non provoquée a cette fin, mais rendue stratégiquement efficace par des opérateurs, à la différence des théories sur le hasard de Cournot qui calculent mathématiquement certes, mais en spéculant sur une contingence fortuite prévisible attendue qui pourrait ne jamais se produire. Le grain de sable c'est le petit rien qui, bien mis a profit, vient tout perturber. Il y faut le sceau de l'intelligence sagace du déclenchement approprié, en connaissance de l'apport de l'expérience charriée par le passé.
Ceci peut aider à comprendre le « divertissement intellectuel » ( toujours dans le sens pascalien sous ma plume) qui suit, dans sa toute dernière version finale présente d'un retraité de l'engagement politique actif et responsable, mais qui a beaucoup réfléchi et écrit sur la nature de la société haïtienne et sur la réforme indispensable de ses structures et de ses lignes d'orientation au milieu de la crise de dépérissement de la société traditionnelle dans laquelle elle est en train de sombrer. Oui, que faire ? Faire la politique autrement, restructurer l'économie, moderniser les mentalités, refaçonner la société, dynamiser les capacités d'initiatives privées et publiques, moraliser les conduites collectives en assainissant les moeurs et jouer sur l'échiquier de la diplomatie et des relations internationales. J'y reviendrai tout a l'heure. J'ai passé le plus clair de ma vie à préconiser le culte de ces sept vierges.
Un nouveau testament politique ? Pourquoi pas à mes âges « crépusculaires » ? J'ai eu envie de redire et dire mieux ce que j'avais sur le coeur à propos d'un pays, le mien, qu'on a fourvoyé et qui s'est fourvoyé, et qui, pour renverser la vapeur, doit réussir à construire un contre-courant devant la dérive catastrophique du passé-présent.
Le projet d'une édition de poche, en 15 volumes, de mon Eventail d'Histoire Vivante revue, corrigée, augmentée et surtout totalement refondue est né de ce besoin d'histoire qu'éprouvent la collectivité, et surtout sa jeunesse, dans ce combat incessant pour les nouvelles vérités en marche.
Les neuf (9) premiers volumes, de I à IX, de l'édition de poche de l'EVHIVIHA refondue (en attendant les six autres, de l'édition de poche également, de l'Histoire de la Diplomatie et des Relations Internationales d'Haiti de Toussaint Louverture à nos jours, volumes X à XV).
Volume I
De l'édition de poche de l'EVHIVIHA revue, corrigée, augmentée et totalement refondue en 15 volumes, 510 pages du volume I.
« Une Histoire Nouvelle du Peuple Haitien, la « nouvelle histoire » en Haiti. Coup d'oeil sur la société coloniale de Saint Domingue - Haiti à la veille de la tourmente révolutionnaire de 1788-1791 ».
Volume II
De l'édition de poche de l'EVHIVIHA revue, corrigée, augmentée et totalement refondue en 15 volumes, 484 pages du volume II.
« La Révolution Haitienne d'indépendance » (1791-1806), ce séisme de libération nationale anti-esclavagiste victorieuse, restée unique dans les annales de l'histoire universelle ».
Volume III
De l'édition de poche de l'EVHIVIHA revue, corrigée, augmentée et totalement refondue en 15 volumes, 641 pages du volume III.
« La Naissance d'Haiti à la Vie Nationale et Internationale » (1804-1838) »
Volume IV
De l'édition de poche de l'EVHIVIHA revue, corrigée, augmentée et totalement refondue en 15 volumes de 400 à 500 pages en moyenne chacun.
« Diplomatie Haitienne d'antan et Affaires internes du pays dans la consolidation et l'épanouissement de la Société créole. Temps de crise des révolutions de 1843 (longue conjoncture de la chute de Boyer 1832-1846) et d'évolution d'un autoritarisme aux prises avec le changement (1846-1870) à travers la première phase de la lutte des partis national et libéral ».
Volume V
De l'édition de poche de l'EVHIVIHA revue, corrigée, augmentée et totalement refondue en 15 volumes de 400 à 500 pages en moyenne chacun.
« L'ère du caudillisme autoritariste et progressiste (1870-1890), à travers la deuxième phase de la lutte des partis national et libéral. Salomon, avec sa personnalité charismatique, avec l'équipe de valeur de ses proches collaborateurs, et avec l'actif de son oeuvre gouvernementale, se détache comme la grande figure, politiquement contestée, de « contemporain capital » du second 19ème siècle haïtien à l'époque de la Société des bayonettes et des épaulettes ».
Volume VI
De l'édition de poche de l'EVHIVIHA revue, corrigée, augmentée et totalement refondue en 15 volumes de 400 à 500 pages en moyenne chacun.
« L'impérialisme colonial et néocolonial, un grand tournant mondial. Diplomatie de la canonnière vis-à-vis d'Haiti, la crise des structures de la société traditionnelle haïtienne à partir de la débâcle de 1896 et l'ère de l'impérialisme américain en Haiti par la substitution de l'hégémonie de celui-ci à la prépondérance française traditionnelle (1890-1915) ».
Volume VII
De l'édition de poche de l'EVHIVIHA revue, corrigée, augmentée, et totalement refondue en 15 volumes de 400 à 500 pages en moyenne chacun.
« Haiti sous contrôle américain : les régimes sous tutelle administrative durant l'occupation militaire d'Haiti par les « marines » (fusiliers marins) (1915-1934) et l'échec de la seconde indépendance (1934-1945) ».
Volume VIII
De l'édition de poche de l'EVHIVIHA revue, corrigée, augmentée et totalement refondue en 15 volumes de 400 à 500 pages en moyenne chacun.
« Le « pouvoir noir » restauré mais mis en question. La révolution de 1946, le civilisme progressiste d'Estime et la réaction militariste du caudillisme conservateur de Magloire à l'heure de la confrontation entre le noirisme et le socialisme (1946-1963) ».
Volume IX
De l'édition de poche de l'EVHIVIHA revue, corrigée, augmentée et totalement refondue en 15 volumes de 400 à 500 pages en moyenne chacun.
« Les deux faces du populisme en réaction contre la crise de dépérissement de la société traditionnelle et en quête vaine d'un remède salvateur : le populisme fascistoide de Duvalier dans son raidissement nationaliste et l'anarcho-populisme d'Aristide dans sa perméabilité lavalassienne contrainte à accepter voire solliciter l'occupation étrangère (1963-2006) ».
Conclusion
Le « mot de la fin » ? Et s'il n'y a pas de « mot de la fin » au terme de cette évolution historique ? Saisir le sens secret du « Manifeste historico-politique » et « Profession de foi d'un historien-politologue professionnel » que vous allez lire, est d'autant plus approprié que le message qu'il véhicule est pertinent Les incertitudes de l'avenir sur la matérialisation du 'que faire' ? obscurcissent encore un passé-présent de confusion et de désarroi, sauf si, entre-temps, se concrétise ce sursaut collectif souhaitable et attendu !
LFM
Texte du Manifeste historico-politique et Profession de foi d'un historien-politologue professionnel
Message à l'occasion de l' Annonce intellectuelle du lancement de la série des trois premiers volumes de l'édition de poche à paraître à partir du début de l'année nouvelle 2010 et sur deux ou trois années à venir encore, (si Dieu nous prête vie), en quinze (15) volumes, de l' « Eventail d'Histoire Vivante d'Haiti ».
Au service de nos élèves et chercheurs de la jeunesse étudiante et du grand public lettré
« Manifeste historico-politique» ou profession de foi d'un historien professionnel, en guise de Préface » à l'édition de poche en 15 volumes, revue, corrigée, augmentée et surtout totalement refondue, de l ' « Eventail d'Histoire Vivante d'Haiti » incorporant une documentation prospectée en ratissant large l'espace de terrain disponible pour les recherches historiques, notamment de nouvelles sources microfilmées d'archives et une mise à jour bibliographique résultant d'un recyclage permanent nécessaire.
La présente édition de poche en 15 volumes totalement refondue, de notre « Eventail d'Histoire Vivante d'Haiti » a été préparée en pensant aux étudiants de nos Facultés et Ecoles Supérieures et au grand public lettré, tout en étant accessible aux meilleurs candidats au baccalauréat. C'est à ce niveau que l'analyse explicative de l'histoire peut se déployer en ampleur d'interprétation pour la satisfaction de l'historien soucieux de dégager l'intelligibilité d'une « étude scientifiquement conduite » à travers le passé, le présent et les projections d'avenir du vécu du peuple haïtien. L'auteur a voulu que, dans cette entreprise d'histoire totale, tout soit là pour aiguiser la curiosité et alimenter le « besoin d'histoire » de nos générations successives.
On pense aux oeuvres de longue haleine étalées sur la longue durée, par exemple au Michelet de l'Histoire de France en 19 tomes (l'édition dite définitive), ou au T. Madiou en huit tomes de l'Histoire d'Haiti ou encore au B. Ardouin en 11volumes des « Etudes sur l'Histoire d'Haiti ».
Manifeste ou Profession de Foi, ce message pose un diagnostic sur les leçons à tirer des constantes et variantes qui sont les paramètres du passé-présent et du « que faire ?» haïtiens dans la conjoncture actuelle. On sait que j'ai beaucoup réfléchi et écrit sur la nature de la société haïtienne et sur la réforme indispensable de ses structures et de ses lignes d'orientation au milieu de la crise de dépérissement de la société traditionnelle dans laquelle elle est en train de sombrer.
Oui, que faire ? 1) Faire la politique autrement, en utilisant le pouvoir pour baliser les voies de sortie de la crise en privilégiant l'attaque frontale des problèmes fondamentaux de la satisfaction des besoins sociaux de l'individu ( nourriture, santé, logement, éducation, épanouissement familial) et de structure sociale (classes, couches et catégories sociales, inégalités des situations, lutte contre l'exclusion, et aspiration à l'égalité des chances) ; 2) restructurer l'économie pour stimuler les forces productives à la croissance rapide, à la circulation aisée, à la distribution équitable et à la consommation des richesses dans la vision d'un développement durable) ; 3) moderniser les mentalités restées traditionnelles en rénovant l'outillage mental et en dé- archaïsant les psychologies collectives ; 4) refaçonner la société, dans sa structure et dans les comportements groupaux ; 5) dynamiser les capacités d'initiative privées et publiques ; 6) moraliser les conduites communes en assainissant les moeurs et 7) faire face aux exigences de la diplomatie à mener pour un petit pays pauvre et structurellement dépendant dans le contexte des compétitions de relations internationales sous pression d'une mondialisation sauvage à apprivoiser dans un sens humaniste . J'ai passé, en effet, le plus clair de ma vie à préconiser le culte de ces sept vierges.
De Toussaint Louverture à nos jours, dans les conjonctures marquantes comme dans les faits événementiels de l'histoire quotidienne, dans la longue durée des structures comme dans les instantanés de l'histoire au présent, dans la sphère des réalités socio-économiques comme dans les contraintes ethnoculturelles, des pratiques coutumières idiosyncrasiques comme dans les volitions psychologico-spirituelles de notre peuple, l'auteur a voulu qu'aucune composante des déterminants historiques de notre collectivité soit absente de la dynamique évolutive qui a présidé à notre naissance, à notre existence, à notre vouloir-vivre, à notre savoir-faire et à nos accomplissements, quelque délicate ou brûlante que telle ou telle composante ait été, car pour l'historien professionnel responsable, il n'y a pas de sujet tabou, ni d'ailleurs de question à valeur de clef d'or, qui serait capable de tout résoudre à elle seule. Chaque une a besoin des autres pour avoir un sens et tout est dans tout.
Et cette histoire, c'est toute une vie passée à l'écrire, de 17 ans à plus de 77 ans, en cliquant sur le clavier des faits humains du passé et en taquinant tout le registre des passions humaines pour une analyse devenue plus sereine avec l'âge. Géographie, histoire, politique, économie, culture, religion, sociétés et civilisations, tout y passe dans ce complexe relationnel dans le prisme duquel j'essaie d'écrire le déroulement de la dynamique évolutive de notre humanité haïtienne que Jean Metellus qualifie de « nation pathétique », René Depestre du pays pour lequel il y a toujours eu et il y a encore « une mer à traverser », Frank Etienne de la terre qui a connu toutes les « affres des défis » multiformes et Dany Laferrière fils de la migration, de sa bibliothèque comme patrie plutôt que la terre natale à laquelle il a dit adieu avec cependant un re-bonjour répétitif, objet de la pulsion vers des retours occasionnels. Faut-il être un poète pour mieux dire l'énigmatique Haiti ? « Challenge » pour un historien qui sait qu'il faut une dose de fiction pour dépister la vérité, mais sans s'égarer dans un excès porteur de confusion entre l'une et l'autre. La caution d'un Garcia Marquez soutenant que la fiction est plus vraie dans nos pays que la réalité, a besoin d'un antidote dans l'histoire vivante obsédée de l'exigence d'exactitude, science des sociétés humaines comme enquête, avec sa méthode critique de calcul de probabilité rétrospective, vers la plus haute plausibilité humainement existante d'atteindre le vrai avec le souci du beau par le moyen de la critique exigeante du vraisemblable car « le vrai peut parfois ne pas être vraisemblable ».
Aucun dogmatisme. Ni exclusivisme. Ni favoritisme de principe. Ni parti pris conscient d'ordre idéologique, social ou intellectuel. Seulement l'exigence de l'intégrité intellectuelle et du souci de l'histoire totale qui n'a rien à cacher. Comme le répétait Lucien Febvre, peut être même trop relativiste sur ce point, des nécessités nulle part, des possibilités partout. Nos révolutions véritables (je n'en ai recensé que deux dans notre histoire), nos tournants au virage décisif (ils ne dépassent pas les cinq doigts de la main), les changements d'étapes (presque à chaque génération), nos coups d'état (au rythme fréquent triennal en moyenne générale, sauf les 6 régimes à vie) et nos constitutions (pas encore le quart de la centaine) sont là pour témoigner que, derrière les secousses sismiques de notre histoire dont on a fait la théorie abondante, ce pays est resté immuable et pourtant changeant, un pays plus fertile en stabilité ou plutôt, à vrai dire, en stagnation (sinon en « dynamique de recul » ) qu'en progrès et sauts dans l'inconnu de l'anarchie ou de l'improvisation stérile. Et pourtant, elle tourne, elle court, elle souffre, elle chante et elle danse, la planète haïtienne.
La caméra de l'histoire vivante enregistre les rétrospectives, scoops et zooms de l'actualité en mouvement et le style, don du ciel, nous fait revivre les scènes palpitantes de vie ou les arrêts du coeur, par exemple aussi bien les coups de force successifs de Toussaint Louverture (j'en ai étudié neuf) pour escalader le pouvoir, que le constitutionnalisme dessalinien (j'en ai analysé les sept versets comme d'une bible, et la table des douze prescrits de la charte impériale de 1805, comme Moise dans son buisson ardent). Ces pages sont des tranches du passé de notre vécu d'histoire vivante. La mort de Dessalines est filmée dans un « Silence, on tourne !) impressionnant, comme un micro baladeur permet d'enregistrer au ras du sol, les doigts de l'empereur ensanglantés coupés pour en dégager les bijoux, le cadavre criblé de balles et déchiqueté avant d'être laissé à l'abandon de la pitié vagabonde passée pour folle ou pour projeter l'embrassade fraternelle fatale d'un Charlotin Marcadieu suivant loyalement et fidèlement son chef dans la mort. On comprend pourquoi l'étude de Dessalines est fascinante, non pour le louer ou le censurer, encore moins pour le déifier ou le diaboliser, mais comme le démiurge campé au carrefour le plus décisif de notre histoire de peuple. Le panthéon vodou l'a placé sur ses autels.
C'est à la suite de cela que, l'empereur assassiné, le dessein de ses meurtriers se dévoile dans un « justificatif » du régicide intitulé « Résistance à l'oppression », signé et publié par les conjurés du 17 octobre à la tête desquels figuraient nommément désignés Pétion, Gérin, Bonnet et Bazelais, (les deux premiers ayant conçu et fait exécuter l'assassinat d'un Dessalines naif sur le cas de Pétion qu'il croyait de son côté et invoquait même au Pont Rouge alors que son « compère Pétion avait déjà mis au point le guet-apens homicide).
La « Résistance à l'oppression », est un document d'importance capitale dans lequel les assassins de l'empereur ont, par la même occasion, défini le modèle social de leurs intérêts, de leurs aspirations et de leurs rêves, la société créole antithèse des positions pour la représentation desquelles le fondateur avait perdu la vie : retour à la domination des grands propriétaires fonciers et des négociants de l'import-export, monopole de l'instruction grâce à quoi la gestion administrative et le traitement des affaires publiques au plus haut niveau sont assurés à la nouvelle oligarchie, possession des moyens et sources de production dès l'époque coloniale, prééminence sociale dans un système de clientèle, extension calculée à la partie de l'Est d'un esprit de secte partagé solidairement par les nantis des deux côtés de l'île après une partition pleine d'arrière-pensées avouées (voir les révélations du plan Levasseur), haut commandement de l'armée avec les brevets, insignes et épaulettes des divisionnaires et brigadiers, avec « l'indicatif » que le pouvoir est entre les mains d'un général victorieux, et on me permettra d'ajouter pour être complet, à la suite de Paul Verna, un élément inclusif, (souvent tabou comme « silent factor »), cette suprématie de la couleur favorisant la clarté de l'épiderme, la « qualité » des cheveux non crépus et autres traits négroides, dans un régime pigmentocratique logiquement absurde mais opérationnel dans la société d'alors, défini comme « le préjugé de couleur », au sortir d'une indépendance heureusement fondée sur l'union solidaire et indissoluble du noir et du mulâtre.
Puisque c'est vrai, il faut en parler aussi, comme Madiou a eu la simplicité audacieuse et l'aveu courageux bien souvent, d'en faire état, tout naturellement, comme historien témoin-acteur important et qui doit dire la vérité à ses lecteurs malgré les préjugés ambiants nourris par les siens et jusque dans son entourage. Je l'ai appelé quelque part « la quadrangulaire de la race, de la propriété, de la classe-caste et de la couleur », les quatre ingrédients du « colorisme » politique historiquement diviseur et ouvertement à l'oeuvre à l'assassinat de Dessalines et depuis lors, avec des degrés d'intensité diverse, que l'historien ne saurait taire. Il est vrai, cependant, que depuis les études fort intéressantes et stimulantes réunies par le « Collectif paroles » sous la direction de Cary Hector portant le titre de « Trente ans de pouvoir noir », il m'a semblé que le mot de « pouvoir noir » sinon la chose s'est comme réfugié dans les études louverturiennes et dessaliniennes pour ne presque plus en sortir, signe des temps, jusqu'aux approches de la révolution de 1946 et aux flagrances des « authentiques » de la période estiméenne.
La suite de la saga historique du peuple haïtien se déroule comme un film à épisodes dont les prises de vues s'arrêtent plus longuement sur des moments forts comme les révolutions de 1843 au cours desquelles s'est détachée la figure de proue du leader paysan Jean-Jacques Acaau, révolutionnaire conséquent, défenseur de la petite propriété rurale, dénonciateur précoce de la détérioration des termes de l'échange et grand mystique devant Dieu et devant les hommes ; l'épisode d'un Soulouque peu dégrossi et vilipendé jusqu'au ridicule et pourtant fier défenseur de l'intérêt national qu'il a même pu promouvoir ; le tournant d'un Geffrard ambigu, sectaire, anti-national et cependant qui a su faire bouger les choses d'avenir ; la geste d'un caudillo autoritaire voire dictateur mais progressiste, politiquement contesté mais réalisateur dans le sens de modernisateur, dont la vie lui a fait mériter le qualificatif de « contemporain capital » du long 19ème siècle dans sa deuxième moitié : Lysius F. Salomon jeune à l'époque de la société des baïonnettes (masses) et des épaulettes (élites) ; l'apparition sur la scène politique haïtienne du phénomène transcendantal de « l'impérialisme américain » dont l'hégémonie se substitue à la prépondérance française traditionnelle ; l'épopée héroïque d'un Charlemagne Péralte, unificateur de la résistance haïtienne nationale face à l'occupation militaire de son pays et sacrifié par traîtrise dans son combat pour bouter l'ennemi hors du sol sacré de la patrie, mais aussi, évidente et en même temps plus difficile à cerner, la vie quotidienne des masses populaires issues du pays rural profond traditionnel des lakous, ou urbain permanent des travailleurs manuels, ou urbain récent des « cours des miracles » et aujourd'hui des bidonvilles, décrite en tranches épisodiques colorées de héros positivement ou négativement perçus, certains anonymes, certains légendaires fameux grâce à l'histoire orale, certains autres familièrement connus par l'histoire écrite et dont l'activisme a rempli les pages de l'imagerie des faiseurs d'histoire d'antan comme Goman l'africain, Similien et ses zinglins, les amazones de Salnave, Malfait et Malfout, Jean Jumeau, Mérisier Jeannis, Antoine Simon, Charles Oscar, Docema, le « rouleau compresseur » de 1946 avec Fignolé, les « tontons-macoutes » de l'ère des Duvalier, et autres. Ces hommes et ces femmes ont fait l'histoire d'Haiti, menchen die geschiste machen. C'est toute cette histoire diverse, pas assez mise en lumière, qui attend les historiens de terrain soucieux de lui accorder la préférence scientifique qu'elle mérite dans notre bibliographie nationale à enrichir.
Ainsi, la collection de poche de notre EVHIVIHA avec ses 15 volumes commence-t-elle à nous mettre en mains progressivement l'histoire d'Haiti reconstituée en vérité comme notre passé-présent de peuple et, comme tel, déjà réalisé et intégré dans ce passé. Ne manquons point le rendez-vous avec l'autre histoire, celle qui est encore en chantiers et reste à faire, comme une exigence patriotique, vu les déficits de l' « histoire immédiate » au tableau de notre « histoire au présent ».
Historien-politologue, diplômé de l'Université de Paris (Sorbonne et « Sciences Po »), professeur des Universités, ancien Président constitutionnel de la République d'Haiti, auteur d'une vingtaine de livres et monographies d'importance, et d'une quatre-vingtaine d'articles académiques, Leslie F. Manigat est né le 16 août 1930 d'une famille capoise d'enseignants, d'hommes politiques et de diplomates de carrière, originaire du Fort Dauphin colonial devenu Fort-Liberté, dont l'itinéraire a couvert le parcours de la nation haïtienne de Toussaint Louverture à nos jours. Un pays aux retards accumulés depuis 1896 selon une courbe évolutive de dépression globale, mais pas pour autant une « entité non viable » comme le voudrait un diagnostic récent et inacceptable, dans la nomenclature du courant néocolonial résurgent, déjà démenti par notre révolution d'indépendance, une des plus belles histoires des annales de l'humanité. Il faudrait chercher ailleurs ceux dont on voudrait faire les victimes dont on ne sait quels cobayes pour on ne sait quelle expérience-témoin à relents qui pourraient bien sentir à bout de nez une appréciation négativiste méchante, blessante voire insultante sinon même teintée de racisme ? Mais heureusement les temps ont changé, même si certains n'arrivent pas encore à pouvoir s'y adapter.
Le profil historique des deux cent vingt ans d'existence de l'Etat Haitien depuis la genèse de sa révolution d'indépendance nationale avec Toussaint Louverture, confirme que la triple fonction de conservatoire, de laboratoire et de combinatoire régit toujours le destin de notre peuple à travers les défis changeants d'un séisme naturel dans lequel l'humain, chez nous, se débat pour éviter d'être confiné comme dans un logement permanent fait pour des sous-humains, et pour réussir à échapper à on ne sait quel karma du malheur haïtien. Nostalgie du paradis perdu d'une « Haiti chérie, perle des Antilles » rêvée et toujours chantée par notre peuple souffrant mais qui, dans les percées de son évolution, continue de chanter et danser sa joie de vivre inextinguible, même dans une souffrance consciente, mais plus que jamais EN ATTENTE. Drame dans le sens Victor Hugo du mot, à la fois comédie et tragédie avec ses bénéficiaires et ses victimes, dans une confondante théorie des genres.
Au fur et à mesure de sa parution, chacun de ces quinze volumes de cette édition de poche viendra prendre place dans la bibliothèque de consultation de l'honnête lecteur intéressé à se documenter sur notre histoire et sur les problèmes que sa connaissance nous révèle car « poser un problème, c'est précisément le commencement et la fin de toute histoire » (Lucien Febvre). Non seulement, à l'amont, « pas de problèmes, pas d'histoire », mais à l'aval, pas d'action humaine valable sans résoudre tel problème par la création d'un autre, ce qui est la manière de faire avancer l'évolution de l'humanité. Or, pas de problèmes sans problématique générale : on se demande encore quelle est la nôtre, celle de notre personnalité de base collective. Eh bien, c'est à l'histoire qu'il faut le demander, ce passé-présent qui recèle et donc peut permettre à l'historien de reconstituer le destin des sociétés et civilisations humaines en besoin d'histoire. Marc Bloch a écrit qu'il fallait « comprendre le présent par le passé », sans doute, mais aussi « comprendre le passé par le présent ». C'est la « transsubstantiation » témoignée par l'histoire, et c'est par l'historien, par son intelligence, son savoir professionnel et son expérience que ce « miracle » s'opère, ce qui suppose le postulat de l'âge préférentiel de la maturité ou de la séniorité qui a fait dire que l'exercice du métier d'historien dans les meilleures conditions est « an old man's game ».
Elle est bien haïtienne, cette tradition commune à tous les peuples, de connaître des moments d'aveuglement quand, dans la mêlée politique où s'entrechoquent les intérêts et les incompréhensions, et les malentendus, et la bêtise arrogante et la méchanceté haineuse et l'ignorance largement partagée et la cohorte démobilisée des blasés de la banalité du mal, contre les hommes de bien, les esprits épris du beau, les partisans du bon, les apôtres du juste et les apologistes de la solidarité sociale, les apprivoiseurs de rêve (la vida es un sueño), comme il y en a eu et en a toujours tant dans le camp malheureusement isolé ou dispersé des patriotes de bonne volonté de l'Haïti chérie, hommes et femmes de toutes les couleurs et nuances épidermiques, de toutes les classes et catégories sociales, on voit se faire la coalition des habiles à barrer la route aux porteurs ou porteuses de la cause de la compétence, de l'intégrité et du rassemblement unitaire qui, désireux ou désireuses et capables de « faire la politique autrement » pour « changer la vie », auraient pu et pourraient donner sa chance à notre malheureux « singulier petit pays », et on pense à nos Firmin emblématiques d'hier, d'aujourd'hui et de toujours.
Alors, que sais-je, en vérité, sinon voir la surface d'un iceberg, objet de débats dans les pages quotidiennes de « l'Université du Nouvelliste » ou des forums de conversations et d'échanges d'idées dans les listes les plus fréquentées de l'internet ? Et encore, en changeant de registre, même les valeurs spirituelles impondérables de la politique, je veux dire, par exemple, les réalités cosmiques et ésotériques auxquelles ma foi chrétienne élargie et mon expérience de l'observation du mysticisme haïtien - (les miracles des initiés révèlent l'existence du bien, et les forfaits des malfaiteurs attestent que « le mal existe ») - m'inclinent à croire comme le poids contraignant de « la force du destin » dans le Rigoletto de Verdi à laquelle pourtant on peut échapper, ne sont-elles pas allergiques ou rebelles à on ne sait quelle loi d'une unanimité prédéterminée, et n'ont-elles pas leurs champs d'action encombrés de combats entre adversaires décidés à l'emporter les uns sur les autres, « sur la terre comme au ciel » ?
Comment comprendre l'intégration de toutes ces variables, problématiques et paradigmes dans une analyse explicative d'un historien qui croit à la seule validité d'une « étude scientifiquement conduite » ? La pensée anglo-saxonne universaliste le dit bien dans son humanisme interrogateur : Shakespeare écrit: « il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre, Horatio, que n'en rêve votre philosophie », et Einstein a eu ce mot devenu fameux : « Tout notre savoir, accumulé au cours d'une longue existence, mais mesuré et comparé à la réalité, est primaire et puéril, et cependant, c'est le capital le plus précieux que nous possédons ». C'est pourquoi on a l'humilité de pouvoir dire, après chaque livre écrit et publié, qu'on n'a jamais fini de trouver en histoire.
Quinze (15) volumes pour dire, dans cette édition de poche, l'histoire d'Haiti en 220 ans d'existence nationale, il y a matière au choix pour lire, relire, méditer, approuver, gourmander, contester et faire lire en toute liberté d'esprit, les phases de ce combat incessant pour les nouvelles vérités en marche.
Lesly François ManigatYon gwo AYIBOBO pou ou men m zanmi m ki vizite lakou sa pou pwan nouvèl zanmi lakay ak lòt bò dlo.