Entre un [k]… et un [v]

Publié le 10 janvier 2010 par Angèle Paoli




D.R. Ph. angèlepaoli

ENTRE UN [k]… ET UN [v]

Le plumbago est en fleur      [Bleu du Cap]
malgré cette douceur
une brume blanche enveloppe

― ouate village
ouate clocher
ouate collines ―


englouti enseveli
plus rien n'existe
ni passé ni présent
demain avalé
oubliée la dentelaire douce

un petit vent frissonne frais
secoue l'eucalyptus
la mer mugit en contrebas
― happée ―
surgit par trouées grises
griffonnées de crêtes blanches

chaussures de montagne
bonnet de laine brune sur les oreilles
coupe-vent rouge
gants vert amande douce

tout en marchant (je) dévie
ma route (je) dérive
jusqu'aux confins de la Nouvelle Zemble
― nouvelle jusqu'à ce jour
(j')en ignorais l'existence et le nom ―
quelle carte pour dire de quel Nord il s'agit
du petit qui n’existe pas ou du Grand ?

tout en marchant (je) rêve
aux brouillards de Barents
à cette île noyée ― passage du Nord-Est ―
qui depuis des jours vacille
toujours son nom échappe
entre un [k] … et un [v]
le tréma et l'arrondi d'un [o]
placés dans le désordre

qui pourrait le croire
un brouillard fibreux d'étoupe dense
engloutit montagne et crêtes
le village et ses piani
ses murets ses chapelles
le lampadaire bourgeois
au-dessus de la route

les chèvres surgissent au détour
une par une         sonnailles au cou
le mugissement des vagues tout proche
le gros du troupeau se resserre [flanc à flanc]
les échancrures de chair brune retroussées
fièrement dans la broussaille de la laine

(je) sens le chuintement des roches
une goutte puis une autre
les oasis minuscules dans les replis
Utah miniatures forgés
à même les schistes verts
superpositions de strates
feuilletés de pâte fine

ça gargouille ça pleut
ça frissonne ça sommeille
ça s'écaille ça se délite


menues trouées de nacre
qui s'effrite sous le graphite

les nuages se lèvent
la mer se libère               de son poids de brume
les gris du ciel se diluent       acier de l'horizon
le maquis s'enracine
la nature s'ébruite
dans le recueilli de son silence

et toi en ton centre
tu dis que cela est bien


crottes serrées menu le long du talus
(ma) vie entière
dans ces déjections d'olives noires
petites niçoises fripées
dans le redoux du jour.

Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli



D.R. Ph. angèlepaoli


Retour au répertoire de janvier 2010
Retour à l'index de la catégorie Zibal-donna

» Retour Incipit de Terres de femmes