Après s’être ravitaillé une millième fois et laissant à l’horizon sa grande et vieille rade poivre et sel, le bateau quitte. Il a beau être vieux, encore quelques creux le font vaciller. À tribord et à bâbord, sur des vagues blondes, rousses et brunes, il est encore capable de naviguer. Mais toujours, après avoir appâté la jeune raie, avoir mangé de la moule à volonté, il revient à son port. À bon port.
Elle le sait, elle est son embarcadère, son débarcadère, sa confortable cale cinquantenaire. Celle qui a cru jadis qu’elle n’était que le menu fretin de son vieux loup de mer, qu’elle se laissait mener en bateau quand il lui disait qu’il l’aimait, après trente ans de va-et-vient, elle a compris. Il a beau aimé la mer pour ses passades et ses prouesses, c’est au dock officiel qu’il préfère venir. Toute sa vie, s’être promené sur milles dunes, et pourtant, n’avoir eu d’yeux que pour la lune. Elle.