Magazine Journal intime
Premier tremblement de terre, xième secousses
Publié le 13 janvier 2010 par Badiejf
Minuit 30 : Il faut absolument souhaiter que ce soit le dernier… Très sérieusement, ne jamais vivre deux fois… Vers 16h45, avec le chauffeur, on entre dans le stationnement du Karibean, le gros market de Pétion-Ville. Comme à l’habitude, l’entrée est ralentie par l’habituel trafic de Delmas. En montant la pente de l’entrée, la Patrol s’est mise à danser. J’imaginais trois ou quatre boys debout sur le bumper en train de zigner la machine. En avant de nous, le sol du stationnement bougeait comme les vagues de Wahoo Bay. L’édifice du Karibean s’est mis à danser et en 3 secondes s’est complètement effondré. Un nuage blanc a envahi le stationnement et on voyait apparaître des zombies blancs de poussière complètement affolés. Une fois la poussière retombée – l’expression a quelque chose de prématuré – l’amas de béton du building haut de quatre étages me semble ne laisser aucun survivant. La folie s’est emparée des passants qui cherchent à se réfugier dans la Patrol pendant que les gardes de sécurité – dont un gravement blessé – ferment la barrière derrière nous. Le chauffeur qui avait compris plus rapidement que moi ce qui se passait s’est investi totalement dans ses prières. Il hurle ses incantations, les bras dans les airs. Au lieu de me percer les tympans, il me calme. Il donne un sens à cette folie qui se déroule sous nos yeux. Après cinq minutes de torpeur, les quelques automobilistes en mesure de reprendre le chemin de la maison forcent les gardiens à ouvrir la barrière haute de 15 pieds. Le spectacle de Delmas est désolant, ahurissant. On roulera pendant près d’une heure entre des buildings effondrés, des gens qui courent, pleurent et hurlent leur foi en Jésus en l’appelant des bras, des têtes blanchies par la poussière aux yeux ébahis, des blessés, des cadavres ou leurs bouts, … Jean-Claude continue de chanter énergiquement sa foi pendant le trajet. Mon athéisme est bercé par l’enthousiasme religieux de mon collègue. Les scènes déroulent comme dans un film mille fois vus. Je réussis même à diminuer mon anxiété d’être incapable de rejoindre Johanne en constatant que les buildings d’un seul étage ont tenu les secousses. Je la prendrai dans mes bras avant qu’elle ne comprenne l’ampleur du désastre, les choses s’étant mieux déroulées dans son secteur de la ville. On se prépare à notre première nuit à craindre les secousses qui ont meublé notre soirée. Notre propriétaire-architecte a toute notre confiance. À plus tard.