Ce matin, j'ai décidé de rester vivant.
Aussi j'ai pétoché sérieusement au volant de ma blanche berline, elle-même noyée dans le grand blanc de l'hiver. Au petit matin, les flocons s'étaient invités. Le (très) froid s'était en allé. On frôlait la pluie verglaçante. Les rubans noirs du macadam salé et gelé avaient cédé sous l'assaut ininterrompue de la poudreuse. Bienvenue en pays de la gadoue. Bienvenue, surtout, en terres humbles. Ce matin, en partant au boulot, j'ai eu en permanence conscience que je ne maîtrisais pas mon véhicule.
Sur l'autoroute, beaucoup de monde. C'est la fête des camions. Ils sont les rois de la voie de gauche, pour le coup. A leurs côtés, les voitures semblent des fourmis qui avancent à pas d'escargot. Puis ce fut bouchon.
Je choisis de m'en éloigner. J'emprunte une voie parallèle. Le trafic y est moins dense. Ca roule ma poule. Mais point de gadoue, ici. Les saleuses avaient d'autres axes à traiter en priorité. Le blanc ne laisse qu'un mince passage. Traces d'autres que l'on suit avec la peur de croiser quelqu'un, par exemple là-bas, le ruban serpente, descend, tourne. Les pieds sont crispés sur les pédales, les mains comme collées au volant. Derrière, d'autres voitures suivent. A distance. Ne pas freiner. Surtout, ne pas freiner. Faire chauffer le moteur si besoin. La route est à peine visible.
Puis voilà les portes de l'agglomération. Les routes sont à nouveau dégagées. Je finirai par arriver entier au boulot. Déciderai de ne pas penser au trajet retour, qui s'effectuera de nuit. Chaque chose en son temps. D'abord récupérer. Crevé, moi. Vivant.
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