Magazine Journal intime

Un bel exemple d’art brut

Publié le 14 janvier 2010 par Alainlecomte

chaissac-1.1263481926.jpg

Foin de sujets trop sérieux : Gaston Chaissac est à Grenoble jusqu’à la fin du mois (exposition ouverte depuis le 31 octobre). « Chaissac le fumiste » comme il signait certains de ses tableaux. Ou plutôt « Chaissac le génial » ? Car il en faut du génie pour transformer un balai brosse en bonne femme ou pour dire en un mot ce qu’on pense de Dieu et de toutes ces foutaises. Voire de la crucifixion.

chaissac-6-crucifixion.1263482008.jpgchaissac-7-dieu.1263482024.jpg

Et il fallait du courage, car môssieur Chaissac vivait avec son institutrice de femme (la Camille du haut du bourg, vous savez, en tournant à gauche…) dans un village de Vendée. Hyper-catho donc. Il sentait le roussi Chaissac, comme bien d’autres, mais lui ne se renfermait pas dans un monde d’artistes ou de poètes parisiens. Il connaissait bien Queneau, Paulhan. Il avait rencontré Albert Gleizes, le cubiste, à ses débuts. Et puis il y eut Dubuffet, bien entendu. D’où « l’art brut ». Mais en réalité il ne voulait se faire enrôler par personne, même pas par l’art brut. Et il écrivait des poèmes. Publiés chez Gallimard (eh oui, pour être savetier et paysan, on n’en est pas moins exigeant sur l’éditeur, et on a ses petites entrées) sous le titre « Hippobosque au Bocage ». Le bocage, pour la Vendée bien sûr, mais Hippobosque ? Je vous donne telle quelle l’étymologie, tirée du « Wiktionnaire » : « terme du grec ancien signifiant « celui qui fait paître les chevaux », et qui est dérivé du mot cheval, en grec, et du verbe xx, boskein (« faire paître ») ; la mouche est ainsi appelée parce qu’elle accompagne, comme un pasteur, le cheval dans la prairie ».

C’est la magie des mots d’amour
D’une turbine regret d’un jour,
J’en reste sardine.

Mon estomac est en lambeaux et mon frère
Dagobert m’a dit : restaure-toi d’amour, de mots,
D’une sardine. Et ma petite turbine
Quelle piètre petite combine,
Je l’offre au vent pour un mégot.

chaissac-8.1263482046.jpg

L’exposition montre des œuvres paraît-il peu connues de lui. Et beaucoup de lettres. D’une incroyable écriture de cancre, avec des phrases qui sautent sans arrêt du coq à l’âne.

J’ai un vieil imperméable qui ne l’est plus guère et si usé que je fais clochard comme tout avec eh bien, quand c’est arrivé que Maurice l’a mis sur son dos pour rentrer chez lui à cause d’une pluie subite il n’en était pas moins fort présentable.

chaissac-9.1263482066.jpgchaissac-10-dame-violette.1263482087.jpg

(la belle dame violette)

A qui me fait-il penser, ce bonhomme ? A un autre bonhomme, l’écrivain suisse Robert Walser, dont j’ai déjà abondamment parlé sur ce blog , qui lui aussi s’enflammait d’un rien. Petit, Gaston allait prendre les fleurs jetées sur les tas d’ordure pour les offrir à sa maman car il les trouvait encore belles. Walser avait aussi de ces intentions touchantes. C’est comme c’que disait Felinghetti l’aut’jour : “Be naïve, innocent, non-cynical, as if you had just landed on earth (as indeed you have, as indeed we all have), astonished by what you have fallen upon”.

J’ai visité l’expo en compagnie de C. bien sûr, et de Minie. Cette dernière a bien aimé. Surtout « l’homme chapeauté », elle a adoré ce bleu, et elle voulait tout le temps y revenir. Fallait la voir, trotter sur ses petites jambes.minie-au-musee4.1263481883.jpg

chaissac-4.1263481972.jpg

(mais au retour, par les rues enneigés de Grenoble, dans la poussette, qu’est ce que ça pionçait !)

le-beau-musee-de-grenoble-par-temps-de-neige.1263482115.jpgle-beau-musee-de-gre-2.1263482141.jpg

le beau musée de grenoble par temps de neige

(Le Monde a consacré à cette exposition un bel article le 14-11).


Retour à La Une de Logo Paperblog