Ploucville (épisode 6)
Publié le 16 janvier 2010 par CochondingueQuand je suis entrée dans la chambre, Jeremy était nu comme un ver. Malgré les apparences il ne s’agissait pas d’un rendez-vous galant planifié d’avance. Jeremy ne m’attendait pas, il s’apprêtait à se coucher lorsque j’ai fait irruption dans la pièce. Surpris dans son plus simple appareil, il a bafouillé, crié et gesticulé en essayant de cacher son anatomie derrière une chaussure, puis une chaise, puis une bouteille d’eau minérale, hélas totalement transparente.
La discussion qui a suivi n’étant pas compréhensible pour une oreille humaine normalement constituée, je la retranscris quelque peu édulcorée et épurée des divers glapissements, exclamations, interjections et petits rires nerveux qui l’ont ponctuée.
- Lucie ! Qu’est-ce que tu fais dans ma chambre ?!
- Euh, je venais prendre de tes nouvelles. En rentrant du bal tu avais l’air abattu…
- Comme tu peux le constater je vais parfaitement bien, merci ! Et quand j’aurais récupéré mon caleçon qui se trouve sous tes pieds, j’irai encore mieux !
- Oh pardon ! Cette situation est vraiment embarrassante… J’aurais dû frapper avant d’entrer.
- Si tu veux bien nous reprendrons cette conversation demain, lorsque je me serai pratiqué une lobotomie du cerveau pour effacer tous les épisodes humiliants de cette soirée, m’a lancé Jeremy en s’enfouissant sous sa couverture la tête la première.
- Je crois que je vais te laisser dormir. Voilà ton caleçon !
Alors que je tenais entre deux doigts le vêtement en question, la porte s’est ouverte dans un grincement sonore et la silhouette massive du père de Jeremy est apparue sur le palier.
- Salut les enfants, je ne vous dérange pas ? A-t-il demandé sans vraiment attendre de réponse. Je ne voulais pas vous couper en plein préliminaires. Ne faites pas attention à moi, je ne fais que passer. Continuez ce que vous étiez en train de faire.
- Mais on ne faisait rien du tout ! Ou en tout cas absolument pas ce que tu imagines ! Ai-je rétorqué en agitant nerveusement le caleçon que j’avais toujours en main.
- T’inquiète pas Lucie, je n’en soufflerai pas un mot à tes parents.
- De toute façon il n’y a absolument rien à leur dire. J’étais juste venue souhaiter une bonne nuit à Jeremy.
- Du calme ma chérie, puisque je te dis que je resterai muet comme une tombe. Je vais vous laisser profiter de ce moment entre vous. Tenez, voilà de quoi prendre du bon temps tout en vous protégeant. Un accident est si vite arrivé, a ajouté Gérard Poinsard en posant une boîte de préservatifs sur la table de chevet.
- On n’en a pas besoin !
- Pour les capotes, à utiliser pour tout rapport sexuel, même buccal, il vaut mieux lire la notice avant d'être dans le feu de l'action, éviter les gestes brusques et les ongles trop longs. Quant aux goûts, il y en a plusieurs : fraise, …
- Papa, sors de ma chambre ! A crié Jeremy devenu blême.
- Ah, j’oubliais fiston, un petit conseil : sois actif et entreprenant, les femmes détestent les mollassons. Ce n’est pas le moment de rester sur le banc de touche comme à l’entraînement de foot…
- JE T’AI DIT DE SORTIR DE MA CHAMBRE !
- Relax bonhomme, ça va bien se passer. Allez, amusez-vous bien ! A conclu Gérard Poinsard en nous adressant un clin d’œil qui se voulait complice.
Une fois Gérard sorti, je suis restée immobile, les bras ballants, affligée et fatiguée à la fois. Jeremy, pelotonné sous la couverture, s’agitait par secousse.
- Tu pleures ?
- Mon père est un conn…
Je me suis assise sur le lit et j’ai posé ma main sur la forme tressaillante, jusqu’à ce que les soubresauts s’atténuent.
- Jeremy, je peux m’allonger près de toi ?
Il n’a pas répondu.
J’ai retiré mes chaussures, j’ai éteint la lumière et je me suis glissée dans les draps. Malgré l’obscurité de la chambre, je distinguais nettement les yeux de Jeremy, comme deux énormes billes, qui me fixaient intensément. Et maintenant ? Semblaient-ils me demander avec insistance. Et maintenant ? Je ne savais pas. J’avais juste envie de ne plus penser à rien, à rien du tout.
- Bonne nuit Jeremy, ai-je murmuré en me serrant contre lui.
- Je ne sais pas si j’arriverai à dormir.
Je n’ai pas répondu.
Juste le silence.
A défaut de nos voix, nos souffles se répondaient dans un dialogue muet.
Jeremy a passé son bras autour de moi et je me suis enfoncée dans le creux de son corps. Il était chaud et doux.
J’ai fermé les yeux, bercée par nos respirations devenues plus tranquilles.
Et j’ai souri, heureuse pour la première fois..