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Nous, les hommes…

Publié le 18 janvier 2010 par Cameron

Il s’est passé quelque chose en Haïti. Aurait-elle écrit cela, Marguerite Duras ? Les ci-nommées catastrophes naturelles offrent-elles matière à dénonciation ?

Il s’est passé quelque chose, là-bas, et ce n’était pas la première fois. A la télévision, on m’a dit d’éloigner les âmes sensibles et les enfants avant la diffusion d’un reportage sur « l’après » tremblement de terre, alors je suis partie. Pour ne pas regarder. Pour ne pas être obligée de ressentir une douleur qui ne signifiait rien. Egoïste, sans doute, agacée aussi, rétive en tous cas à la catastrophe, je suis partie. Des gens, beaucoup de gens sont morts ; il n’y a pas ni coupable, ni bourreau, juste l’indifférence du monde, le sinistre équilibre d’une nature changeante. Et alors ? Alors, rien à dire, rien à faire. Beaucoup sont morts, voilà. Certains non. Certains, on les sort encore des décombres, à ce que j’ai entendu. Et de ci de là, des propositions s’offrent qui n’ont pas plus de sens que tout le reste. Nous, les hommes, nous mourons.

Je recherche la malédiction dont quelques-uns ont parlé, je recherche le malheur d’une île si souvent frappée, mais rien ne vient écarter l’horreur de la tragédie aveugle. Parce qu’il n’y a aucun sens à tout cela. Et je sais que ce que l’on nous montre à la télévision n’aura qu’une courte durée de vie, aussi courte que ma propre émotion. Regarder les choses en face, oui. Essayer d’agir, pourquoi pas. Hurler, sans doute avons-nous tous envie de le faire. Mais nous, les hommes, nous mourons, et parfois nous n’y sommes pour rien. Je ne sais pas quel espoir résiste encore à la déferlante. La vie n’a aucun sens, ce qui est difficile, c’est d’accepter que la mort non plus n’en a pas. En refusant la pitié, ne suis-je que l’incarnation de l’égoïsme ? Loin de moi le malheur, indifférence de rigueur ?

Nous, les hommes, nous mourons. La mort de l’un, à l’autre bout de la terre, et ici la commisération, l’élan sincère d’une solidarité qu’on ne comprend pas. Espèce pour espèce, j’ai finalement de l’affection envers cette attitude. De l’affection, et aussi une certaine lassitude. Car il s’est passé quelque chose, en Haïti, mais ce n’était pas la première, cela reviendra, tout recommence toujours. Le terme n’existe pas. Finalement, peut-être est-ce cette idée-là qui est la source de mon plus grand chagrin. Nous, les hommes, nous mourons. Et nous sommes les seuls à trouver la fin injuste.


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