Suite à l'article sur les logos d'Hadopi détournés et le commentaire d'un de mes lecteurs favoris, Andiamo (décidément on pourrait croire qu'il m'a payé pour lui faire de la pub ! ;-) ) faisant part du fait qu'il y a eu beaucoup de changements
depuis l'apparition d'Internet pour le grand public.
J'ai la chance de faire partie de cette génération qui a connu les tout débuts de cette révolution numérique et sociale. J'avais déjà abordé plus ou moins le sujet lors de cet article "Ma vie avant Internet", mais là, je vais tâcher de changer un peu l'optique pour y inclure tout ce que je n'avais pas
"penser" à inclure dans ce premier post sur le sujet.
Lorsqu'en 1993, j'ai découvert Internet via les ordinateurs de l'IUT, c'était vraiment quelque chose qui n'était pas destiné au grand public. On était dans un milieu typiquement estudiantin, et
"pire" encore, pratiquement réservé aux étudiants en informatique. Les autres branches (gestion, commerce...) ayant certes accès à des ordinateurs en réseau, mais uniquement local.
Les premiers échanges instantanés avec des étudiants étrangers, principalement américains, c'était l'ancêtre de MSN, IRC (Internet Relay Chat). Sauf qu'au lieu d'avoir des discussions privées en "duo", c'était comme dans une sorte de "pièce" (chatroom) où tout le monde pouvait discuter avec tout le
monde... les discussions croisées étaient fréquentes, c'était plutôt marrant de lire et être lu. On pouvait s'incruster dans une discussion et tout le monde pouvait le faire dans la votre. Il y
avait bien sûr des moyens de parler en privé, heureusement !
Nous n'avions pas accès à ce réseau en dehors de l'IUT et plus tard, en ce qui me concerne, depuis la fac. C'est d'ailleurs grâce à elle que pour la première fois, j'ai pu me connecter à Internet
depuis chez moi, via une passerelle téléphonique. Mais bonjour les factures hyper salées... les prix des télécommunications n'étaient à l'époque pas forcément aussi "bon marché" que maintenant
(tout dépend chez qui on est, hein ^^").
Les "sites" du tout début n'étaient qu'une arborescence sommaire de fichiers textes, les images ne pesaient que quelques kilo-octets (maintenant ça ce compte en méga-octets !). Et je ne parle
même pas de leur définition ou du nombre de couleurs... 65 000 c'était beaucoup à l'époque !
Le temps passe encore, les sites deviennent graphiques, tout le monde se crée sa page pour connaître son moment de gloire. Netscape est une référence en matière de "butineur" (nom attesté par
l'Académie Française pour les "browser" ou "navigateur internet" lequel n'est pas "reconnu" officiellement...).
Les étudiants sont toujours les principaux acteurs de la toile, IRC se voit doté d'une application un peu plus graphique que le mode entièrement texte que nous lui connaissions. On peut désormais
se connecter à de multiples "channel" en même temps.
Les notes de téléphone, à cause de la passerelle téléphonique qui me permet de me connecter à la toile, continuent d'être astronomique, mais les premières offres "gratuites" voient le jour : AOL,
Netissimo, puis Free, M6... et sûrement d'autres que j'ai oublié.
On installe un logiciel qui permet de naviguer gratuitement pendant un certain nombre d'heure pendant le mois. 10h ou 20h au plus si je me souviens bien.
AOL était très "fermé", on ne pouvait faire que ce qui était autorisé par l'application propriétaire. Free ou Netissimo étaient plus libres. M6 imposait une sorte de barre de publicité avec un
compteur du temps de navigation qui restait.
On arrive enfin au début des années 2000 et les premières offres illimitées en débit font leur apparition, 128kb en download et 16kb en upload, merci Wanadoo. A l'époque c'était bien le seul qui
soit bien établit sur le territoire et dont les offres étaient à peu prés correctes.
On pourra m'opposer les offres du cable numérique, Chello à Lyon, Noos à Paris, Teleriviera sur Nice... c'était très épars et complètement local en terme d'offres et de services, d'ailleurs pas
toujours efficaces.
Le net n'était encore pas trop bouffé par les pubs à l'époque. Il y en avait évidemment ! Mais ce n'était pas envahi comme il semble que ce le soit maintenant. Je ne peux pas trop parler sur le
sujet, vu que j'utilise Firefox avec son petit add-on ADblock Plus qui permet de supprimer l'apparition des publicités à l'écran. Résultat, je ne vois rien :)
On avait accès à beaucoup de choses, ok, même des films et des séries pour lesquelles on ne payait pas de droits, la musique aussi. Mais c'était aussi une formidable occasion de découvrir de
nouveaux artistes, qu'on aurait jamais entendu sur nos ondes, parce qu'ils n'étaient tout simplement pas diffusés chez nous !
Et je ne parle pas des liens que l'on pouvait tisser avec de parfaits inconnus sans trop tomber sur des pervers ou sociopathe, d'ailleurs je ferais un autre article à ce sujet, car l'on brandi un
peu trop souvent ce drapeau pour empêcher les plus jeunes de faire "n'importe quoi" sur Internet, sans parler du contrôle parental... mais comme je viens de le dire, c'est une autre histoire
:)
Tout était gratuit. La connaissance, la culture. C'était libre d'accès. Fallait bien sûr faire attention aux sources, parce que tout le monde peut publier n'importe quoi et dire n'importe quoi...
mais avec un minimum de jugeote et de perspicacité, on avait l'information voulue à porté de clic.
Nous n'avions pas la sensation de léser qui que ce soit en agissant ainsi. C'était l'heure du partage de la connaissance, de la découverte d'autres cultures via les musiques ou les films et ce,
de plus en plus rapidement.
Les offres sont passées à 256ko, 512ko, 1mo et puis maintenant on vient nous parler de fibre optique et débit de 100 mo... En l'espace de 20 ans, l'évolution fut exponentielle.
Nos droits et devoirs ont changés aussi.
Avant les lois, les entreprises se sont insurgées contre cette gratuité, des procès ont vu le jour contre ceux qui abusaient vraiment des richesses du réseau. Vendre ce que l'on avait téléchargé
gratuitement (et illégalement, même si ce n'était pas le sentiment de l'époque), c'était quand même la cerise sur le gâteau, si je puis dire.
Les entreprises se sont regroupées en lobbys, ont monté la tête des artistes sur le manque à gagner engendré par nos "piratage" (mot impropre d'ailleurs, mais bon, on ne va pas chippoter) alors
que le problème est de vouloir rester sur un modèle qui ne fonctionne plus dans ce nouvel univers.
Les lois ont bientôt suivi, Hadopi entre autres...
Et encore une fois, tout se fait via la répression. On nous propose bien des solutions payantes légales, mais à quel prix !
On veut nous faire croire que Wikipédia n'est pas un "modèle économique" puisque ça ne génère pas de profit...
L'argent, l'argent, l'argent... encore et toujours.
Les beaux jours d'Internet, son "innocence infantine" est bien finie... on ne peut plus dire "je ne savais pas que ce que je faisais était illégal".
Même faire des parodies de film en utilisant les musiques sont retirées des sites comme Youtube ou Dailymotion parce que leurs créateurs n'en ont pas... payés les droits !
Dorénavent, suivant où l'on va sur la toile notre "adresse" est enregistrée, notée dans un coin, nous sommes surveillés.
Vous voulez un logiciel libre ? Méfiez-vous des sites qui vous les feront payer.
Vous voulez utiliser des logiciels libres et télécharger légalement de la musique ou des films ? Vous ne le pourrez pas, car les sites payants veulent que vous utilisiez d'autres logiciels,
payants.
Maintenant, on paye la taxe pour le droit à la copie privée, laquelle est tout juste tolérée parce que si le support dispose de DRM (vérous qui empêchent la copie privée justement) vous n'avez
pas le droit de les faire "sauter" au nom du droit à la copie... même si vous payez votre taxe.
Bientôt Google fera payer les entreprises françaises plus cher si elles veulent passer une publicité sur leur site à cause de la taxe sur les contenus publicitaires...
Ce qui fait que cela augmentera encore d'autres tarifs bien sûr... et nous paierons. Encore.
Il est toujours possible de ne "pas payer" pour la culture, mais il faut vraiment fouiller, et encore, nous ne sommes finalement même plus si sûr d'être dans la légalité...
Nos politiques et ceux du monde entier n'y entendent rien en matière de réseau et partage d'information.
Chacun veut rester dans sa bulle et crie à qui veut bien l'entendre "C'était mieux avant !!!"
Non, avant, c'était juste différent.
Parfois peut être mieux et parfois pas.
Internet, j'adore, c'est un vaste outil de communication sans lequel je n'aurais pas fait ces merveilleuses rencontres, découvert les artistes que j'ai pu découvrir, en peinture, danse, musique
ou cinéma.. BD ou livres...
Et tout ceci, oui, gratuitement.
J'ai ensuite payé pour les livres de Nathalie, par exemple... mais sans le net, l'aurais-je connue ?
Sûrement pas.
Dommage, dommage, qu'on ne puisse pas réfléchir à quelque chose de réellement nouveau qui ne lèse personne... sauf les entreprises qui se sont fait du blé sur le dos des artistes.
Mais si le modèle change, ça ne veut pas forcément dire que celles-ci se feront forcément moins d'argent... juste d'une manière différente.
Seulement, les "gens", de façon générale, n'aiment pas ou peu les changements.
C'est regretable...
Mais il reste toujours l'espoir, n'est-ce pas ?