Magazine Journal intime

Les minutes blondes de la conception d'une opération « aidons Haïti »

Publié le 22 janvier 2010 par Anaïs Valente

Ça n'a pas l'air, comme ça, mais lancer un appel à l'aide, c'est nin si facile que ça ma bonne Dame.  Surtout quand on est blonde.  Enfin blondes.

D'abord, faut trouver une idée.  C'est pas tout ça de vouloir aider, mais comment ?  Hein, comment ?

Aller sur place, nin possip' pour moi, car je monte pas dans les oiseaux de métal.  Et puis chuis une super couillonne devant l'éternel (et devant les microbes, la chaleur, la faim, la soif, le soleil et la terre qui tremble).  Pourtant, dans l'absolu, j'aimerais tant agir, vraiment agir.  Mais dans la réalité, trouillomètre à zéro, l'Anaïs.

Récolter des vivres et des boissons et des langes et des jeux et des couvertures et des vêtements, nin possip' car envoyer tout ça coûte une fortune.  Bon, c'est vrai, j'ai vu qu'une autre belge avait dégotté un container gratos qui serait acheminé sur place, chouette idée aussi.  Mais nous savons que le risque est grand que ce qui part d'ici n'arrive pas dans sa totalité là-bas.

Faire la promo du 12-12, je l'ai fait, mais ça me semblait un tantinet trop peu.  Et puis beaucoup n'ont plus confiance, à tort ou à raison, c'est selon, dans les ONG.  Trop de scandales.  Trop de frais de fonctionnement.  Trop peu de sous qui arrivent sur place

S'impose dès lors l'idée de récolter des fonds, et de ne pas les disperser, pour les réserver exclusivement à cette crèche dont nous savons qu'elle est fiable, bien gérée et tout et tout, et que les sous serviront à améliorer le bien-être (quel mot, face à ce qu'il se passe là-bas...) des enfants.

Voilà, l'idée est là, maintenant au boulot...

Pour récolter des soussous, faut un comcompte en banque.  Premier challenge.  Ouvrir dare dare un compte en banque, c'est pas aussi simple que 1 et 1 font 2.  Entre les banques qui vous disent, par écran plat interposé, « nous vous recontacterons prochainement afin de valider votre demande » (prochainement ça va pas, c'est immédiatement qu'il faut répondre) et celles qui ne disent rien, t'as qu'à te débrouiller, sans oublier celles qui veulent un paquet d'infos, genre taille de sous-vêtements, profession, régime alimentaire et douche ou bain / slip ou caleçon / chat ou chien, nous finissons par parvenir à créer un compte (merci Dexia) sur lequel s'amoncelleront les milliers, que dis-je, les millions d'euros.

Ensuite, faut expliquer le pourquoi du comment de l'initiative, sans être larmoyante, sans être trop vague, sans être trop implorante, sans être trop ceci ou trop cela, pas assez ceci ou pas assez cela.  Il est impératif que les destinataires de notre requête comprennent le sérieux de la chose, et la garantie que tous les soussous iront là-bas, et nulle part ailleurs.  Qu'ils seront remis à Arianne, et à personne d'autre.  Qu'aucun centime ne sera perdu.  Tchu.  Allez ma petite Anaïs, ponds vite un texte persuasif, et explicatif, et informatif et pas-coupe-en-quatre-le-tif (qui coupe pas le cheveu en quatre quoi).  Bref, faut être précise et concise, ce qui n'est pas ma tasse de thé, vous le savez, moi qui aime m'égarer à chaque phrase, à chaque mot.

Abracadabra, concentre-toi et paf : un texte.  Et une faute, sacrebleu.

Corrigée la faute ouf.

Puis faut envoyer le texte à tous ses contacts, en demandant un relai, un geste, un lien sur site ou blog, un don.  De l'aide quoi.

Après deux heures, je parviens à sélectionner tous mes contacts sur ma boîte mail yahoo, et à envoyer ma petite tartine explicative.  En veillant à utiliser le « cci », car je supporte pas ceusses qui envoient un mail à tout le monde sans cacher les adresses (qu'on se le dise).  Et là, yahoo se fâche tout rouge, m'accusant de spam et bloquant ma boîte pour maximum 24 heures.  Vilain yahoo, tu sais pas faire la différence entre du spam et un gentil mail plein de bons sentiments des fois ?  Apparemment yahoo m'entend vociférer, car ma boîte se débloque.  Et c'est reparti pour un envoi moins massif, suivi d'un second envoi moins massif, puis un troisième, un quatrième... et là, je relis mon mail, pour réaliser que la faute, la fameuse faute, celle dont question ci-dessus, est restée.  Vilaine faute.  Shame on me.  (Je ne vous parlerai pas non plus de mon numéro de GSM qui s'est vilainement - tout le monde il est vilain en ce moment - inséré dans certains mails, dévoilant mon intimité intime à tous - si toi être brun ténébreux et avoir reçu mon numéro de GSM toi pouvoir m'appeler, sinon toi devoir m'oublier).  Quand je parle d'intimité intime, il s'agit juste du numéro hein, cessez de fantasmer

Comme je ne suis pas seule à agir pour diffuser l'information partout dans la ville, le pays, le monde et l'univers tout entier, j'apprends que mes co-équipiers dans cette aventure ont aussi joué de blondeur : envoi du mail sans pièce jointe, puis envoi avec la mienne et non la leur, de pièce jointe, vu qu'on a personnalisé nos appels... Bref, une famille de blonds.  Ça me rassure.

Ensuite, sus à Facebook.

Facebook et moi, on se hait.

Mais je décide tout de même de suivre les conseils utiles de Mostek, et je tente de créer un groupe, puis un événement.  Quand faut recruter, on recrute hein.

Diantre, c'est pire que d'installer un magnétoscope en 2010, créer un groupe.  Pour le magnétoscope, y'a encore l'espoir d'avoir un mode d'emploi.  Pour Facebook, nada.  Après des heures de recherche, je trouve enfin comment créer un groupe.  Je le crée.  Puis je crée un événement (enfin, non, finalement, c'est pas moi qui l'ai créé, c'est mon co-facebooker).  Ensuite, en « équipe », on invite.  Et je vous jure qu'inviter TOUS mes contacts, un par un, passque Facebook refuse de les grouper, ben ça fait plus de 2000 clics.  2106 exactement.  Un temps de fou à cliquer cliquer cliquer, pour des gens qui ne liront même pas mes invitations (je parle en connaissance de cause, j'ai 187 invitations à des événements, 94 invitations dans des groupes divers et variés allant de « je garde ma déco de nowèl toute l'année » à « je disserte sur les bus qui roulent quand il neige »).  J'ai une tendinite de l'index droit, au secours miss mutuelle, vous intervenez suite à tendinite de la souris ou pas ? 

Deux heures de plus pour insérer une photo et changer mon adresse mail insérée pour toute demande d'info supplémentaire (ton adresse c'est yahoo ma petite Anaïs, nin yohoo, m'enfin).

Deux heures pour insérer une vidéo de la crèche.

Deux heures pour envoyer encore quelques mails par ci par là.

Début de l'opération : 7 h du mat.  Fin : 20 h du soir.

C'est épuisant de lancer une opération « aidons Haïti », je vous le dis.

Surtout quand on est blonde.  Enfin blondes.

logonbrouge



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