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On oublie que les enfants aussi ont mal

Publié le 23 janvier 2010 par 509
On oublie que les enfants aussi ont mal
On oublie que les enfants aussi ont mal
Par Frantz Duval
On ne leur parle pas, on ne leur demande rien. Comme si l'insouciance apparente dans laquelle ils vivent les heures qui s'écoulent depuis le 12 janvier étaient saines et le signe que tout va bien. Pourtant, les enfants vont mal eux aussi et s'inquiètent de l'avenir. Ils ont vu mourir des parents, des amis, perdu leur maison ou leur école. «Il faut leur parler et de la façon la plus directe que possible en évitant tout découpage manichéen comme quoi les bons sont encore en vie et les méchants sont morts », conseille le Dr Gislaine Adrien, psychiatre. Témoignages et recommandations.
On oublie que les enfants aussi ont malUn médecin français examine un bébé à Jacmel, dans le sud d'Haïti, le 20 janvier 2010./Ho New / Reuters
Fanorah, 16 ans, « le tremblement de terre m'a surpris en voiture sur la route du Canapé-Vert en direction de Pétion-Ville.. Jusqu'à ce que j'arrive chez ma grand-mère pour apprendre que ma soeur Gaëlle est portée disparu avec d'autres journalistes sous les décombres de Magik 9, la radio où elle travaille, je ne comprenais rien à cette affaire de tremblement de terre car Pétion-Ville et le haut de Delmas ne sont pas très affectés. Tout au plus, cela avait provoqué un grand embouteillage et gâché ma soirée, raconte-t-elle.
L'horreur, elle ne la découvre que 24 heures plus tard, quand le décompte des morts commence. Sa marraine, et trois de ses amies sont mortes et aussi plein de gens qu'elle connaisse. « Je ne comprends pas, je ne comprends toujours pas ce qui s'est passé », répond-t-elle à chaque fois qu'on lui pose une question sur le tremblement de terre du 12 janvier.
Jean-Philippe, 17 ans, était en pleine rue quand le séisme a lieu. « J'étais devant l'église du Sacré-Coeur de Turgeau, je marchais. C'est d'abord le bruit qui a retenu mon attention. Un vacarme comme je n'en ai jamais entendu. Puis, tout de suite, l'effondrement des édifices qui m'entourent et cette poussière blanche qui enveloppe tout ».
Il arrive sain et sauf chez sa grand-mère sans vraiment se poser de question sur ce qu'il vient de vivre trop heureux de trouver tous les membres de sa famille vivant et bien portant.
Depuis, ce sont les images vues sur internet et à la télévision qui le hantent. Saisi de découvrir que le désastre auquel il a assisté ce mardi 12 janvier a eu des répercussions si grandes pour un si grand nombre de personne.
« J'ai cru que c'était la fin du monde », c'est en ces mots que Nathalie 15 ans résume le sentiment qui l'a traversé, ce 12 janvier.
« Nous étions en cours de danse chez Joëlle Donatien Belot, dans la salle du bas quand nous avons ressentis une forte vibration. Personne ne s'en est inquiété. Des fois, les autres élèves qui s'entraînent un étage plus haut font vibrer le plancher de toute leur force. On s'est à peine convaincu de cette explication que le mur de notre salle s'est, d'un coup, fendu. Des blocs déferlent sur les filles. Joëlle est tombée, puis une autre enfant. Il y a des cris : Jésus, Jésus, Jésus. Ca fuse de partout. Le temps pour nous de sortir, il y a une nouvelle secousse. J'ai vu arriver le bébé de Stéphanie le crane ouvert, le cerveau à l'air. Encore des cris et on nous annonce que la nourrice du bébé est morte. J'ai arrêté d'avoir peur quand mon père est venu me chercher ».
« Aujourd'hui, quand je pense à tout cela, à mon école, l'Institution du Sacré-Coeur qui s'est effondrée, je me dis que nous avons eu de la chance. Beaucoup de chance que cela ne s'est pas produit pendant les heures de cours. »
Pour Carl, 12 ans, le tremblement de terre a donné naissance à un monde où tout va mal. J'étais chez moi dans le quartier de Christ-Roi. Ma mère, ma soeur, ma cousine et ma tante, nous étions tous à la maison quand la terre s'est mise à trembler. Nous n'avons pas eu le temps de sortir de la pièce avant la fin de la secousse. Quand enfin nous sommes sortis, autour de nous tout était ruine et cris de désespoir. La désolation. Plusieurs de mes voisins sont morts et depuis je suis parti vivre chez une cousine de mon père. La famille s'est séparée. Notre maison n'est plus sûre même si elle ne s'est pas écroulée, notre quartier n'est plus sûr, non plus. »
« Ce qui me manque le plus, c'est mon école, le Collège Canado Haïtien. Elle est en mille morceaux, disloquée. Je ne sais pas quand je pourrai retourner en classe. J'ai tellement envie de finir mes études pour pouvoir aider mes parents. Je trouve les vacances forcées données par le tremblement de terre comme une punition... »
Que dire aux enfants et aux jeunes ? C'est la question que chaque parent se pose en ces temps troublés. Pour Gislaine Adrien, psychiatre, il faut dire la vérité. Toute la vérité.
« Il faut, avec les enfants et les jeunes parler directement de la catastrophe et de ceux qui sont morts tout en expliquant que le tremblement de terre est une catastrophe naturelle ».
« Il ne faut surtout pas les culpabiliser et leur laisser l'impression qu'il y a d'un coté les bons qui sont en vie et les méchants qui sont morts. Au contraire, il faut être le plus rationnel que possible et leur expliquer que les tremblements de terre arrivent dans de nombreux pays », recommande le médecin qui est professeur à l'Université.
Elle insiste aussi pour dire qu'il n'est pas recommandé de faire le découpage peu rationnel que ce sont les maisons qui étaient mal construites qui se sont effondrées.
« Au lieu de chercher des explications faciles sur les bons et les méchants, sur les bien construits et les mal construits, au lieu de culpabiliser les autres, mieux vaut enseigner le sens du courage et de la solidarité aux enfants », recommande le Docteur Adrien.
Quel que soit leur âge, les enfants sont assez grands pour comprendre ce qui s'est passé le 12 janvier en Haïti.
Frantz DuvalYon gwo AYIBOBO pou ou men m zanmi m ki vizite lakou sa pou pwan nouvèl zanmi lakay ak lòt bò dlo.

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