Agora, Hypatie et les chrétiens

Publié le 23 janvier 2010 par Perceval

Les chrétiens parlent peu du film « Agora ».. !
Sans doute, préfèrent-ils ne pas accorder de crédit à un ‘ péplum historique ‘ qui ne peut que caricaturer les chrétiens.. Hum, je suis sceptique… Je crains plutôt que ce ne soit la peur de se confronter à des opinions désagréables à entendre; à moins que ce ne soit la paresse de se justifier, ou le peu d’intérêt pour l’histoire … ?


C’est l’histoire d’une femme ‘ Hypatie’ ( au IVème siècle à Alexandrie ) qui préfère à tout amour, celui de la philosophie…

Au fil de son récit, Agora pose deux questions fondamentales : d'abord celle de la place des sciences dans un espace religieux. Puis celle, corrélative, de l'expansion du christianisme dans l'Empire romain comme obstacle au développement scientifique dans une cité profondément marquée par la culture hellénistique.


« Mais Agora ne tente pas de nous convaincre du contraire ; voilà un film qui, avec l'immense talent de conteur de son réalisateur, souligne ce fait indiscutable que l'expansion du christianisme a pu être un frein pour les sciences astronomiques, du fait que la présence d'un dieu unique ne s'accorde nullement à la reconnaissance de modèles cosmiques inédits qui ne mettraient pas le monde des humains au cœur de l'univers. » Eric Nuevo docteur à l’université de Picardie dans ‘ le Monde ‘



L'historien chrétien Socrate le Scolastique
rapporte dans son Histoire ecclésiastique (vers 440) :


« Il y avait à Alexandrie une femme du nom d’Hypatie ; c’était la fille du philosophe Théon ; elle était parvenue à un tel degré de culture qu’elle surpassait sur ce point les philosophes, qu’elle prit la succession de l’école platonicienne à la suite de Plotin, et qu’elle dispensait toutes les connaissances philosophiques à qui voulait ; c’est pourquoi ceux qui, partout, voulaient faire de la philosophie, accouraient auprès d’elle. La fière franchise qu’elle avait en outre du fait de son éducation faisait qu’elle affrontait en face à face avec sang-froid même les gouvernants. Et elle n’avait pas la moindre honte à se trouver au milieu des hommes ; car du fait de sa maîtrise supérieure, c’étaient plutôt eux qui étaient saisis de honte et de crainte face à elle"


En mars 415, à 45 ans, elle meurt lapidée par des chrétiens fanatiques.

D'après Socrate le Scolastique:


« Contre elle alors s’arma la jalousie ; comme en effet elle commençait à rencontrer assez souvent Oreste, cela déclencha contre elle une calomnie chez le peuple des chrétiens, selon laquelle elle était bien celle qui empêchait des relations amicales entre Oreste et l’évêque. Et donc des hommes excités, à la tête desquels se trouvait un certain Pierre le lecteur, montent un complot contre elle et guettent Hypatie qui rentrait chez elle : la jetant hors de son siège, ils la traînent à l’église qu’on appelait le Césareum, et l’ayant dépouillée de son vêtement, ils la frappèrent à coups de tessons ; l’ayant systématiquement mise en pièces, ils chargèrent ses membres jusqu’en haut du Cinarôn et les anéantirent par le feu. Ce qui ne fut pas sans porter atteinte à l’image de Cyrille et de l’Église d’Alexandrie ; car c’était tout à fait gênant, de la part de ceux qui se réclamaient du Christ que des meurtres, des bagarres et autres actes semblables soient cautionnés par le patriarche. Et cela eut lieu la quatrième année de l’épiscopat de Cyrille, la dixième année du règne d’Honorius, la sixième du règne de Théodose II, au mois de mars, pendant le Carême »


D'après Jean de Nikiou (Nicée), au VIIème siècle :


« En ces temps apparut une femme philosophe, une païenne nommée Hypatie, et elle se consacrait à plein temps à la magie [théurgie, selon Michel Tardieu], aux astrolabes et aux instruments de musique, et elle ensorcela beaucoup de gens par ses dons sataniques. Et le gouverneur de la cité l'honorait excessivement; en effet, elle l'avait ensorcelé par sa magie. Et il cessa d'aller à l'église comme c'était son habitude.... Une multitude de croyants s'assembla guidée par Pierre le magistrat – lequel était sous tous aspects un parfait croyant en Jésus-Christ – et ils entreprirent de trouver cette femme païenne qui avait ensorcelé le peuple de la cité et le préfet par ses sortilèges. Et quand ils apprirent où elle était, ils la trouvèrent assise et l'ayant arrachée à son siège, ils la trainèrent jusqu'à la grande église appelée Césarion. On était dans les jours de jeûne. Et ils déchirèrent ses vêtements et la firent traîner (derrière un char) dans les rues de la ville jusqu'à ce qu'elle mourût. Et ils la transportèrent à un endroit nommé Cinaron où ils brûlèrent son corps. Et tous les gens autour du patriarche Cyrille l'appelèrent « le nouveau Théophile », car il avait détruit les derniers restes d'idolâtrie dans la cité. »

Bien sûr ce film, est au même titre, que n’importe quel roman historique, tissé de dialogues et de rencontres imaginaires, mais l’occasion est pour nous d’ouvrir un débat, autour d’une période qui fonde le canon et les rites de notre Eglise-institution, ce qui est loin d’être anodin … !

« Il faut dire que le héros de cette vaste fresque n'est pas un guerrier bas du front, mais une femme, la belle Hypatie, philosophe, astronome, mathématicienne, qui a vraiment existé. Alejandro Amenábar (Mar adentro, Les Autres) en fait le symbole d'une époque charnière. Celle où le christianisme dogmatique est en passe de dominer le monde occidental. Et où l'obscurantisme menace la science et la raison. Toute ressemblance ou similitude avec le monde d'aujourd'hui est évidemment volontaire et délibérée. Amenábar use du péplum comme d'un prétexte pour condamner avec virulence tous les fanatismes. Ces chrétiens, qui, en brûlant les livres, en saccageant la bibliothèque, commettent un véritable viol de la culture, rappellent des ravages plus contemporains, commis au nom de la religion. » Cecile Mury pour Télérama.


En conclusion, j’ai aimé ce film et l’interprétation de la comédienne. Je suis intéressé par les questions posées et j’espère pouvoir approfondir la connaissance de cette période, et le rôle des chrétiens. Je ne crains pas de débattre, au contraire... Nous avons le devoir de savoir ce que les chrétiens ont fait de leur religion, et dans quelles circonstances nous avons trahi le message de Jésus-Christ. Il est indéniable aujourd'hui de reconnaitre que 'le pouvoir' pervertit ' le spirituel '!