D’autorité, une mienne amie me l’a mis dans les mains : “Tiens, lis ça, c’est vraiment super !” Mouiii… ai-je répondu, pas vraiment convaincue. La Maison du retour, signé Jean-Paul Kauffmann, ce pouvait être le meilleur comme le pire. Un préjugé, ça s’appelle. J’ai donc ouvert ce livre plus pour faire plaisir à la fourmi prêteuse que par goût et là, dès les premières lignes, la magie a opéré. Vous savez, la magie de la lecture, celle qui vous emporte sans vous demander votre avis, celle qui vous charme, vous captive et vous donne des regrets : ah ? c’est déjà fini ?…
Le sujet est des plus simples, il pourrait suffire à décourager et pourtant il n’en est rien : de retour de ses trois ans d’enfer au Liban où, souvenez-vous, il était otage, Jean-Paul Kauffmann se met en quête d’une maison de campagne pour se reposer et guérir ses blessures, plus morales que physiques. Avec lui, nous partons donc en quête de cet improbable hâvre de paix. La recherche est longue et pourtant nous ne nous lassons pas, étonnés que nous sommes par le personnage d’agent immobilier que l’auteur nous a brossé d’emblée et qui nous étonne et nous amuse. Aussi, lorsque la maison est enfin trouvée, notre crainte a changé de visage : nous craignons désormais l’immobilisme, les descriptions de la forêt entre sable et pins, l’introspection… Que nenni. Sur les épaules des Dioscures, un Castor et un Pollux qui ne le cèdent en rien à leurs modèles mythologiques, nous retapons la maison. Vient le Voisin, repartent les enfants, veille Joëlle l’épouse bien-aimée, la vie s’écoule, à la fois vide et pleine. Nous sommes capturés. Notre coeur bat à l’unisson de celui de la maison.
Lorsque survient la phrase fatidique : “Suis-je en train de vendre Les Tilleuls ?” nous ressentons physiquement le pincement de la nostalgie qui nous prend. Presque une colère : comment, il vend la maison ? Mais c’est impossible ! Oui, grâce au Ciel c’est impossible. L’auteur est chez le notaire simplement pour acheter un bout de terrain supplémentaire. Justement pour n’avoir pas à vendre et à partir, sous la pression de ceux que je voudrais appeler “les Autres”, ces intrus et pourtant nos semblables, qui aiment aussi les Landes et veulent y habiter.
Lisez ce petit livre, court, beau et sans prétention, mais dont la profondeur vous déconcertera. Vous y gagnerez une belle balade dans la forêt des émotions de son auteur. Peut-être le comprendrez-vous mieux ? Peut-être sera-t-il désormais autre chose que le souvenir d’un portrait, lorsque la télévision s’engageait en faveur de ses journalistes pris en otage au lieu de relayer ad nauseam les propos de ceux qui les critiquent.
La Maison du retour, Jean-Paul Kauffmann, éditions Gallimard (Folio), 288 pp, 7,10 €