The deal closer

Publié le 10 décembre 2009 par Elinorbird

- Je te dis que tu as bien fait!

- Je sais pas...

- Mais si... De toute façon tu aurais fini par le regretter sinon...

- Oui tu as sûrement raison. Et puis rien n'est sûr de toute façon... Jolie doit revenir vers nous... Mais Jack m'en veut à mort...

- Et bah tanpis pour lui. Allez. Change toi les idées. Arrête de remuer tout ça. Sors. Va faire autre chose!

- Je dois rejoindre Charlie d'ici une heure...

- Parfait! Bon moi faut que j'y retourne ma Belle. J'ai du boulot...

- Ok. Bisous Paige. Merci pour tout.

Je venais de passer une heure au téléphone avec Paige... Billie était aux répétitions comme tous les jeudis, et donc il n'y avait pas eu de petit déjeuner ce matin... Et j'avais besoin de faire un débrief' de la soirée d'hier, avec Jolie Smith...

***

Jack et moi nous étions donnés rendez-vous chez lui pour discuter un peu de son "plan d'action" comme il aimait l'appeler... "Tu sais Bird. C'est loin d'être gagné. Dans ce business, tant que le contrat n'est pas signé, rien n'est sûr..." Jack s'inquiétait souvent beaucoup dès qu'il s'agissait du boulot... Alors, docile, je l'écoutais me briefer sur la marche à suivre pour être sûr à 100% de décrocher ce précieux contrat à six chiffres. Jusqu'au moment où il me dit:

- Et surtout, je sais que Jolie et toi êtes bonnes copines mais, s'il te plait, évite de lui parler de tes projets, aussi bien d'écrire ton blog que de monter une ligne de vêtements...

- Bah je ne vois pas pourquoi?! m'offusquai-je

- Tu ne vois pas pourquoi?

- Bah non. J'vois pas. Je suis plutôt fière de mon projet d'écriture figure toi!

- Oui mais on te demande pas d'écrire, on te demande de poser pour une campagne mondiale.

- Et alors? m'énervai-je.

- Bah ne va pas faire penser à Jolie que tu papillonnes un peu partout. Elle pourrait s'inquiéter de ta fiabilité et de ton dévouement pour la marque.

- Mon DÉVOUEMENT POUR LA MARQUE!!!!?? Non mais tu crois pas que tu exagères un peu là? Jolie est une nana adorable, qui a toujours montré beaucoup d'intérêt à mon égard. Et je la crois suffisamment intelligente pour faire la part des choses et me faire confiance pour faire du bon boulot, projet d'écriture ou pas!!!

(J'étais excédée...)

- Ecoute Elinor.

(Jack me m'appelait jamais Elinor... Je pense qu'à ce moment-là il était rudement faché contre moi...)

Si tu veux continuer à faire semblant de ne pas comprendre... Et saboter ce projet si important pour moi... Libre à toi! dit-il, amer.

- Ah! Le coup de la culpabilité!... ironisai-je

- ...

(Jack était désormais muet... Mais quelle tête de mule celui-là je vous jure!!)

- Jack. Ça va... Tu es juste hyper vexant c'est tout!

- ...

- Bon t'as fini de bouder??? T'es pénible!

- ...

- Et en plus, je te rappelle que c'est toi qui a besoin de moi. Pas l'inverse!!!

- Oh mais si tu t'en moques, il faut le dire! Je trouverai quelqu'un d'autre! Il y a plein de filles qui pourraient très bien faire la campagne à ta place!!!

(Ouh... Il commençait à me chauffer sévère avec ses remarques désobligeantes...)

- Jack. Je sors. Tu me gonfles.

- Quoi?

- Je sors.

- Et tu vas où?

- DEHORS!!!! hurlai-je en claquant la porte

- BIRD. REVIENS!

Et Jack me courut après mais il arriva trop tard. La porte de l'ascenseur se referma devant lui. Et je ne fis aucun effort pour la retenir... "Non mais je rêve. Il croit qu'il peut me parler sur ce ton. Mais je ne suis pas à sa disposition... Incroyable..." marmonnai-je, toute seule, dans la petite cabine... "Quel con mais quel con!" continuai-je à pester alors que la porte se ré-ouvrait au rez-de chaussée, devant un Jack tout essoufflé qui venait de dévaler les escaliers en trombe...

- Alors comme ça j'suis un vrai con? me demanda-t-il en reprenant son souffle...

- Bah oui, dis-je les bras croisés et les yeux ronds comme des billes. Je ne décrochais pas un sourire, mais la situation devenait si ridicule que je sentais venir le fou rire, au loin...

- Eh bien toi... Toi... Tu es insolante. Voilà.

- Ah vraiment?

(Zut. Je n'allais pas pouvoir retenir le rictus qui se pointait sur mon visage bien longtemps... Mais je ne voulais pas craquer la première...)

- Oui. Bird. Tu... Tu... Pffff!! Ahahahaha, explosa-t-il

(Gagné!)

C'est Jack qui avait craqué le premier et nous étions tous les deux partis dans un fou rire incontrôlable au milieu du hall d'entrée de son immeuble... Dix bonnes minutes plus tard, nous reprenions nos esprits, et faisions la paix. Mais au fond de moi, je sentais bien que j'étais toujours vexée comme un pou car il ne s'était finalement pas excusé. Il ne s'excusait jamais...

- Allons-y. On va être en retard...

Nous étions descendus à pieds, histoire de nous aérer la tête... L'air était plutôt doux, il n'y avait pas de vent et je mourais de chaud dans ma robe en laine JSV*. À cette époque de l'année, je ne savais jamais comment m'habiller...

Nous marchions sur Mott Street, qui partait de Houston pour rejoindre Worth, dans le fin fond de Chinatown.

- ELINOR! JACK!!!!!

- Hey Bill!

Bill, le meilleur ami de Jack (celui qui avait passé Thanksgiving avec nous, vous vous souvenez?), était en train de fumer une cigarette en terrasse du Gitane** avec un inconnu...

- Hey! Comment ça va? Vous allez où?

- On va boire un verre chez Apotheke. On a rendez-vous avec Jolie Smith. Business meeting my friend! dit Jack, triomphant, en tapant dans la main de son pote.

(Ah les garçons...)

- Géniiiaaalll. Surtout commande le DEAL CLOSER!!!! lança Bill, fier comme un coq

- Ahahahahahah

Jack était hilare. Moi je ne comprenais rien... "Encore une blague de garçon" pensai-je tout en leur donnant un sourire entendu...

- T'es jamais allée chez Apotheke Eli? me demanda Bill

- Euh non...

- Bah c'est pour ça que tu piges pas mes blagues...

- Ah non mais...

- L'Apotheke*** est ce bar à cocktail minuscule planqué sur Doyers Street, en plein milieu du vrai Chinatown... Et leur concept est génial! Là-bas, les barmen se transforment en petits chimistes pour te préparer élixirs de jouvence ou potions magiques aphrodisiaques. Tout, dans ce lieu, te rappelle les laboratoires d'apothicaire du XIXième siècle...

- Bon excuse moi de te couper mais il faut qu'on file, intervint Jack. On va être en retard...

- Oh ok Guys! See you!

- Bye Bill.

Nous continuâmes notre descente de Mott street jusqu'au bout, en croisant Prince, Spring, Kenmare, Broome, Grand, Hester, Canal, Bayard puis Pell Street où nous tournâmes à gauche... Au fur et à mesure, nous étions passés du chic Nolita avec ses petites boutiques de créateurs et ses restaurants trendy au très populaire Chinatown, avec ses enseignes multi-colores et clignotantes et ses odeurs de morue séchée.

Doyers Street était une toute petite rue, mal éclairée, qui partait en boomerang, si petite que je me demandais comment une voiture pouvait passer par là. Il n'y avait pas de trottoir ou presque et le bar avait pris possession d'un ancien restaurant asiatique, le Gold Flower Restaurant, dans le virage, entre le Vietnamese Restaurant et le Fashion Chinatown. "Pittoresque!" pensai-je

Sam, l'agent de Jack, nous attendait devant. Il discutait avec le maître des lieux, Albert, et son bras droit, Bob, un mec sublime à la peau noire ébène, d'une élégance absolue dans son costume trois pièces taillé sur mesure, avec son noeux de papillon ajusté et ses chaussures, tellement bien cirées, que je pouvais me voir dedans. On se serait cru dans un film de Sorcese... Je m'attendais à voir la mafia débarquer à tout moment...

- Hey Men! lança Jack en checkant les mains de Bob puis d'Albert.

(Jack était manifestement un habitué de ce lieu Top Secret...)

Après avoir salué timidement ces messieurs, je me faufilai à l'intérieur pour faire mon petit repérage. Je restai fascinée. De l'extérieur, jamais tu n'aurais pu imaginer qu'un endroit pareil se cachait derrière cette porte en bois. L'ambiance était chaleureuse et cosy, lumière tamisée, des petites tables basses de chaque côté, entourées de fauteuils en velours, murs en brique... Et au fond, le bar... Sur lequel un milliard de petites fioles, bouteilles, carafes, flacons, tubes à essai, renfermaient des essences, extraits, concentrés, nectars, liqueurs, elixirs, et autres liquides magiques... Des petits hommes en veste blanche, tels de vrais pharmaciens du siècle passé, s'affairaient de l'autre côté, mixant les arômes et gribouillant ce qui ressemblait à des formules mathématiques sur des petits morceaux de papier... Wouhaou...




Je remarquai qu'une table nous avait été réservée. Un petit carton indiquait "Mr Hanks". (La classe ce Jack...) Je m'installai pendant que lui et Sam continuaient à discuter dehors et attrapai le menu... "A SELECTION OF HOUSE PRESCRIPTIONS!" C'est bien ça. Ici, en fonction du mal dont tu souffres, on te concocte un cocktail réparateur... Le menu était divisé en catégories. Il te proposait des cocktails qui te permettaient de garder santé et beauté, ou bien de te soulager de ton stress, il y avait aussi des aphrodisiaques, des stimulants, des euphorisants, et des traitements thérapeutiques... Incroyable! Et je repérai le DEAL CLOSER dont Bill nous avait parlé quelques minutes auparavant et compris enfin la blague...

- Je peux vous aider?

Un petit aphoticaire était planté devant moi, les bras croisés dans le dos.

- ...

- Laissez moi vous expliquer le principe d'Apotheke, continua-t-il. Vous me dites ce que vous aimez, ce que vous recherchez, quelle douleur vous souhaitez soulager et je vous concocte un cocktail sur mesure, ou bien, vous choisissez un cocktail sur la liste des prescriptions que vous avez dans les mains...

- Vraiment? Mais c'est fascinant! m'exclamai-je

- ELIIINOOOR!!!!!

Je sursautai. Jolie était postée devant moi, les bras grand ouverts.

- Jolie! Ça fait si longtemps... Tu es resplendissante!

- Oh arrête...Regarde! J'ai des rides partout... Mais toi, tu es belle comme un coeur!

Jolie Smith était sublime, quoiqu'elle en dise... La quarantaire à peine, grande et élancée, pulpeuse, un peu à la Cindy Crawford mais avec les cheveux coupé en un carré court un peu flou. La peau matte, de grands yeux noisettes et des cils longs mais longs... Jolie avait beaucoup d'allure mais surtout un sex appeal... Et elle le savait. Quand elle entrait dans une pièce, tous les regards convergeaient vers elle, et, menton relevé, elle avait le chic de n'y prêter aucunce attention et de continuer sa route comme si de rien n'était... Ça m'avait toujours intrigué... Et tandis que tout le monde la disait hautaine et arrogante, je croyais fermement que toute cette attitude renfermait quelque chose de beaucoup plus doux et sincère. Et je ne m'étais pas trompée. Ayant appris à la connaître depuis maintenant trois ans que je faisais les campagnes JSV, j'avais découvert une femme honnête, juste, simple, droite et très attentionnée...

Et pourtant, elle aurait pu prendre la grosse tête avec le succès qu'elle connaissait. En dix ans, elle avait monté un empire. Elle avait commencé avec sa soeur, Jane, dans un minuscule atelier de Londres, à bidouiller des vêtements vintage chinés sur les marchés de Portobello et Camden et à les revendre sur leur site internet, créé à la va-vite par un ami... Puis, de fil en aiguille, elles avaient ouvert une petite boutique sur Covent Garden puis une autre sur Brompton Road, s'adressant de plus en plus à une clientèle hupée... C'est à ce moment là que Jane avait eu son premier enfant et avait décidé d'abandonner l'aventure et de partir vivre en Ecosse avec son mari, laissant Jolie, seule. Mais Jolie avait continué. Elle avait transformé Jolie & Jane Vintage en Jolie Smith Vintage, un peu fachée contre sa soeur, et s'était bataillée, affrontant le marché européen puis s'attaquant ensuite au marché américain. Et aujourd'hui, elle possédait des boutiques au quatre coins du monde et sa société pesait plusieurs milliards de dollars...

- Ça papote les filles? nous demanda Jack qui venait de nous rejoindre à la table avec Sam... Vous avez commandé?

- Euh non... On discutait...

- Je vais vous chercher des cocktails alors... proposa Jack, l'air malicieux

Je souris, persuadée qu'il allait commander un DEAL CLOSER pour Jolie tellement il était superstitieux...

***

ting ting

- Je serai en bas de chez toi dans cinq minutes. Je passe te prendre en taxi. Tu peux commencer à descendre.

(Zut Charlie! Déjà... Pfou...)

Bon faut que je file. La suite demain...

*JSV= Jolie Smith Vintage (qui n'existe toujours pas...)

**Cafe Gitane, 242 Mott Street, New York, NY, #(212) 965-0918

***Apotheke Bar, 9 Doyers Street, New York, NY 10013, #(212) 406-0400