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Marilyn on the shore

Publié le 24 janvier 2010 par Kranzler

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Stupidement, il arrive parfois que je voudrais n’avoir jamais vu Certains l’aiment Chaud pour pouvoir le découvrir aujourd’hui, comme si je n’en avais encore  jamais vu une seule image ;  je le voudrais vraiment , pour le seul plaisir d’encaisser le même  uppercut qu’il y a trente quatre ans et me retrouver par terre.

Trente quatre ans, je peux être encore plus précis que cela  et aller jusqu’à dire qu’il s’agissait du deuxième jeudi de juin  1976, la terrible année de mon redoublement, en plein début d’un épisode  caniculaire  resté dans les mémoires. D’autres détails  ? J’étais un collégien de  classe de quatrième  à la peau non-acnéique, affublé de lunettes pour astigmate  qui avaient l’étrange faculté de se volatiliser en tout lieux et n’importe quand. Le cinéma, qui n’existe plus de nos jours, s’appelait le Celtic – une vieille salle  au plancher mité et qui sentait un peu le moisi sur deux étages de strapontins verts et pelucheux. Le film , projeté en version originale, c’était  à l’initiative de notre professeur d’anglais que nous étions conviés à le voir. Appelons-la Madame B, ajoutons qu’elle était l’épouse encore non divorcée du futur maire  - une femme intelligente qui avait décidé que nous devions entendre de vraies voix parler là langue que nous étudions.

Certains l’aiment chaud, pour moi ce n’était que le titre d’un film mentionné  quelque part dans les pages d’un roman américain pour adolescents (The pigman, de Paul Zindel). Un livre qui m’avait fait quelque chose, comme on dit.  Rivière sans retour et Niagara étaient les deux seuls films que j’avais précédemment vus de ma future amie. Le premier m’avait beaucoup plu, malgré l’emmerdement général que m’inspiraient alors  - et encore  aujourd’hui - tous les westerns du monde.

Le début de la projection était prévu à quatorze heures. Faisons court : à quinze heures trente j’étais devenu pour toujours un autre homme. Ici, je n’aurai pas l’outrecuidance de vouloir donner une leçon de Marilyn et je ne me risquerai pas à essayer d’expliquer ceci ou cela - surtout pas ce qu'il est convenu d'appeler un mythe  ; je ne suis qu'un cinéphile de base, plus émotionnel que cérébral.

           Il y a longtemps que je ne lis plus de livres consacrés à Marilyn car je ne vois pas ce qu'ils pourraient m'apporter ou m'apprendre de nouveau. Livres soit écrits par des fouille-méninges soit destinés à des lolitas microcéphales, je veux à tout prix en rester éloigné. Je préfère me souvenir de ce que Billy Wilder a dit de Marilyn dans le bouquin co-écrit avec Hellmuth Karasek. 

         Dans ces propos, Wilder n’a pas toujours été très tendre avec Marilyn. Au sujet de Some like it hot, il a déclaré qu’un an après la fin du tournage il a pu recommencer à regarder sa femme sans éprouver l’envie de la frapper parce qu’elle était du même sexe que Monroe - «mais malgré cela, tourner un troisième film avec elle évidemment que j’aurais dit oui, sans la moindre hésitation.

Je continue ici à le citer. « Sur Certains l’aiment chaud, le champagne et les pilules la mettaient dans un état de délabrement physique et mental avancé. Mais je m’y étais habitué. Il y a eu un stade où j’ai définitivvement admis que mon job sur ce tournage consistait à diriger une créature totalement imprévisible. L’imprévisibilité n’était plus un problème pour moi. Par contre, ce à quoi je n’étais pas préparé, c’était l’imprévisibilité dans l’imprévisiblité. S’il y a bien une scène que je redoutais, c’était celle où elle rencontre le pseudo milliardaire sur la plage. Nous n’avions que trois heures à notre disposition par jour pour les prises de vue en extérieur car une base aérienne se trouvait à quelques kilomètres de l’hôtel. En pleine guerre froide, les pilotes étaient en plein entraînement. Les jets atterrissaient et décolaient à un rytme soutenu, et avec ce boucan qui n’arrêtait tout simplement pas, que vouliez-vous faire pour avoir des dialogues audibles ? En plus, elle avait trois longues pages de textes à dire, et j’avais besoin qu’elle soit en pleine possession de ses moyens. Je faisais des cauchemars parce que dans ces conditions j’étais persuadé qu’il faudrait au moins trois semaines de pure crise de nerfs pour mettre la foutue scène en boîte. Ce que j'appelle l’imprévisibilité dans l’imprévisiblité ? Le matin où nous devions commencer, elle est arrivée parfaitement détendue. Elle a dit son texte sans accrocher une seule fois sur un seul putain de mot. Elle a été parfaite. La première prise a été la bonne. Il n’a pas été utile d’en faire une seconde. J'en serais tombé à la renverse.«


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