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RENCONTRE, par Patricia Laranco.

Publié le 27 janvier 2010 par Ananda
L'Être, un beau jour, rencontra le Néant, lui dit :
- Tu sais, je ne supporte pas ta compagnie. J'aime autant ne pas te croiser...je veux te fuir !
- Tiens, c'est curieux, lui rétorqua le Néant, on aurait cependant tant de choses à se dire !
Je te parlerais de moi...Tu aurais moins peur. Tu sais, moi, je la recherche, ta compagnie !
- Mais ce n'est pas de ma faute à moi...tu me fous la trouille !
- Pourquoi ? Parce que je suis ton contraire, ton envers ?
Saches que nous nous ressemblons plus que tu ne crois.
- Je regrette, rejimba l'Être, moi, j'existe. Chaque jour que fait dieu, je vois, j'ouïs, je sens. Je suis présent, et plein.
Je surfe sur le Temps. Je m'inscris dans l'espace. J'ai contours, épaisseur.
Je suis là...et bien là !
Le Néant sourit en coin :
- O.K, c'est entendu.
Mais tu ne dures pas.
J'ai surpris, un jour, tes mots : "être ou ne pas être"...c'était bel et bien une question que tu te posais.
Tu aimes t'approcher de moi, à certains moments. Ce que tu ne pourras jamais m'enlever, c'est mon mystère !
- Ah, ton mystère, tu peux bien te le garder ! Je ne l'envie vraiment pas, ton mystère...C'est un gouffre ! (Il eut un tremblement de tout le corps, puis  se ressaisit)
- J'ai envie d'être, moi. Toi, ça ne te dit donc rien ?
- Quoi ? D'être ? Non, je trouve ça plutôt fatiguant.
- Donc, si je comprends bien, tu es un paresseux ?
Tu as renoncé à être, à entrer dans la mêlée !
En prononçant ces paroles, l'Être éclata d'un rire forcé, nerveux.
Haussant, le sourcil, le Néant se mit à le considérer :
- Renoncé à être...oui...je te le concède, on peut dire ça comme ça...mais tout comme toi tu as renoncé à ne pas être !
- Comment peut-on ne pas être ? cracha l'Être, ça me dépasse !
- Oh, on peut ne pas être de mille et une façons...répliqua le Néant, d'un ton  songeur, énigmatique.
C'est exactement, en somme, comme quand on est !
- Pfff ! (Haussement d'épaule saccadé de l'Être)
Et puis quoi encore ?
Non, décidément, je n'ai guère envie de prolonger cet échange...Si je reste trop longtemps en ta compagnie, tu vas me contaminer, voire m'annuler !
- Tu rigoles ?
Non, je voulais simplement te regarder, voir à quoi tu ressembles. Je voulais, en somme, un peu brûler les étapes...curiosité, vois-tu.
Bon, je te laisse tranquille. Bye-bye.
Mais un jour, nous nous reverrons.
- Hips ! hoqueta l'Être.
Et qu'est-ce qui te fait dire une telle bêtise ?
- Eh bien...ainsi que je te l'ai dit tout à l'heure, tu ne dures pas.
Tu t'arc-boute sans cesse pour rester toi-même et cette lutte t'use, t'épuise.
Un de ces jours, tu seras au bout de cet épuisement, de cette fatigue...et c'est à ce moment-là que tu me chercheras, que tu me tomberas dans les bras !
Là-dessus, quelque peu navré par l'attitude hostile, bloquée de l'Être, le Néant, avec un petit salut courtois, tourna les talons.
L'Être demeura seul, en face d'une sorte de précipice de pensées perplexes.


P.Laranco.

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