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ELLE COURAIT
Elle courait, et le froid qui montait de la terre enneigée la déchirait de ses épines ; elle n’atteindrait peut-être pas la fontaine au pied de la hêtraie ; elle tomberait glacée, sa nudité décharnée restant là, sur le chemin, dans l’attente des corbeaux ; sa servante avait fui, et quand bien même un paysan se serait aventuré à cette heure en pareil endroit, il ne lui aurait été d’aucune aide ; trop de bruits avaient couru sur le château et sa maîtresse vieillie dans la folie ; trop de haine, puis trop d’oubli s’était appesanti sur elle qui était restée, dans l’espoir que pas un de ceux qui lui avaient donné la seigneurie de l’Escalette ne revint de sa croisade.
Une vieille constellation
embaumée des relents d’une lente mort
frémissante de tant de souvenirs
qui se déchirent et délirent
Vivre l’ardeur de la chair jusqu’au bout de la veine
jusqu’à l’abîme
dans l’alchimie nécromancienne du ravage charnel
parmi les fleurs séminales des monstres
aux visages décousus
qui partagent ta couche
Vivre les fibres de l’âme jusqu’au bûcher du ciel
l’autopsie des marées mortes conduites par les anges
la divergence saisonnière de l’espérance et du doute
et finir
en hibernation dans la peau craquante de la démence
Aïcha Arnaout, Alain Gorius, La Fontaine [troisième titre du Triptyque de Lodève], Al Manar, 2009, pp. 16-19. Dessins de Diane de Bournazel.
Peinture de Diane de Bournazel
in Aïcha Arnaout, Alain Gorius, La Fontaine
Al Manar, 2009, page 17.
AÏCHA ARNAOUT
Ph. D.R.
Voir aussi :
- (sur Terres de femmes) Aïcha Arnaout/Dans les eaux du glacier originel ;
- (sur Terres de femmes) Aïcha Arnaout/La traversée du Blanc.
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