Aïcha Arnaout, Alain Gorius/La fontaine

Publié le 27 janvier 2010 par Angèle Paoli
« Poésie d'un jour
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ELLE COURAIT

Elle courait, et le froid qui montait de la terre enneigée la déchirait de ses épines ; elle n’atteindrait peut-être pas la fontaine au pied de la hêtraie ; elle tomberait glacée, sa nudité décharnée restant là, sur le chemin, dans l’attente des corbeaux ; sa servante avait fui, et quand bien même un paysan se serait aventuré à cette heure en pareil endroit, il ne lui aurait été d’aucune aide ; trop de bruits avaient couru sur le château et sa maîtresse vieillie dans la folie ; trop de haine, puis trop d’oubli s’était appesanti sur elle qui était restée, dans l’espoir que pas un de ceux qui lui avaient donné la seigneurie de l’Escalette ne revint de sa croisade.

    Une vieille constellation
    embaumée des relents d’une lente mort
    frémissante de tant de souvenirs
    qui se déchirent et délirent
    Vivre l’ardeur de la chair jusqu’au bout de la veine
    jusqu’à l’abîme
    dans l’alchimie nécromancienne du ravage charnel
    parmi les fleurs séminales des monstres
    aux visages décousus
    qui partagent ta couche

    Vivre les fibres de l’âme jusqu’au bûcher du ciel
    l’autopsie des marées mortes conduites par les anges
    la divergence saisonnière de l’espérance et du doute

    et finir
    en hibernation dans la peau craquante de la démence


Aïcha Arnaout, Alain Gorius, La Fontaine [troisième titre du Triptyque de Lodève], Al Manar, 2009, pp. 16-19. Dessins de Diane de Bournazel.


Peinture de Diane de Bournazel
in Aïcha Arnaout, Alain Gorius, La Fontaine
Al Manar, 2009, page 17.



AÏCHA ARNAOUT


Ph. D.R.

Voir aussi :

- (sur Terres de femmes) Aïcha Arnaout/Dans les eaux du glacier originel ;
- (sur Terres de femmes) Aïcha Arnaout/La traversée du Blanc.



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