Accueil téléphonique

Publié le 28 janvier 2010 par Tazounette



Allez, on va parler boulot aujourd’hui. Non pas que ça me passionne, loin s’en faut, mais parfois il m’arrive des aventures qui valent franchement le détour.

Mes fonctions sont celles de secrétaire et assistante. L’une de mes tâches consiste à préparer des dossiers dits d’ « habilitation », sortes de dossiers juridiques qui font le lien entre la Commission européenne et le Ministère des Affaires étrangères des Etats membres, dont la version papier (seule habilitée à recevoir la signature du Commissaire), circule par nos petites mains. Interdiction formelle de confier ces dossiers aux huissiers qui dispatchent le courrier. Que non, que non, à nous de nous balader dans les différents bâtiments pour obtenir les signatures de la hiérarchie, puis à amener ce dossier, avec nos petites jambes, jusqu’à l’assistante qui continuera la circulation de mains en mains jusqu’au stylo du Commissaire…

Hautement passionnant ! Balades qui au demeurant ne sont pas gênantes, excepté lorsque la Direction se retrouve à signer plusieurs dossiers et qu’elle les rend au compte goutte, nous obligeant à faire plusieurs balades dans une même semaine au lieu de les regrouper. Elle doit penser qu’on a que ça à foutre... A croire que la Direction fait attention à la taille de nos popotins et de nos cuisses ! Ce qui n’est pas désagréable l’été… Mais franchement lorsqu’il fait -5°C, que le sol est gelé ou neigeux ou qu’il pleut des pierres plates, tout de suite c’est achement moins drôle. Tu pars une demi-heure et tu reviens, le nez comme une patate, la goutte au bout de la narine qu’on ne sent plus, la soupe sur le manteau, le chapeau difforme et la transpirette de l’effort qui se pointe juste quand tu arrives dans ton bureau chauffé. Obligée d’enlever les pelures d’oignons avec la rapidité de l’éclair sous peine de voir la colère monter d’un cran.

Méga classe. J’adore !!!

Et donc. Ces dossiers nous devons les remettre entre les mains de l’assistante X. Nous ne sommes en contact avec personne d’autre. Et nous ne connaissons absolument pas le personnel habilité à recevoir les dossiers, si cette Mademoiselle X n’est pas là.

Non, mais attends, la Commission c’est le panard, je te l’dis… Okay Koral à côté, c’est fastoche !

J’arrive le matin aux environs de 7h45, car je finis tôt désormais, puisque je me suis entendue dire que je faisais TROP d’heures. Vous imaginez ? Se faire remonter les bretelles parce qu’on fait trop d’heures ! Faut être ici pour le croire…

Mais les gens du Cabinet des Commissaires, comme ils travaillent plutôt tard le soir, viennent plutôt tard le matin, logique, en définitive. Mais bref, à partir de 9h je tente de joindre notre amie, Mademoiselle X. Pas de réponse. Je tente jusque 10h, puis je tente d’autres noms du même service qu’une collègue me donne. Rien. Personne qui répond. Je me dis qu’ils doivent avoir une réunion… Zut, crotte. Faut que j’amène mon dossier, ça commence à urger, et puis j’ai pas que ça à faire non plus. Je re-téléphone et là, je tombe sur un monsieur. Je regarde son nom sur mon téléphone digital qui me dit qui c’est qui me cause. Un nom à coucher dehors.

Un autre avantage du travail en milieu multiculturel c’est les noms imbittables des gens qui nous causent. Le mieux c’est au téléphone, quand ils épèlent leur putain (désolée, Virginie, ça me reprend !!!) de noms en anglais et que j’hésite pendant des plombes quand il me dit « Hey », « Aïe »… Putain, c’est quoi comme lettres déjà ? Donc pour peu que le mec ait la bonne idée d’avoir un nom composé avec 12 consonnes d’affilées. C’est la mouise.

Là ce n’est pas le cas. Il a des « u », des « z » et des « i ». Autant dans le prénom que dans le nom. Si bien qu’on ne sait plus bien, une fois qu’on a raccroché dans quel ordre elles étaient, ces putains de lettres ! Pitzuli Mutzili ; Putzuli Mitzulu… Putain, je sais plus ! J’ai noté que le numéro, comme une abrutie...

C’est balo parce que je viens de lui demander si je pouvais lui amener le dossier. En gros j’arrive dans un quart d’heure… C’est balo…

Bon, tant pis. De toute façon, il répondra forcément à son numéro puisqu’il vient de le faire (sauf que c’est pas son numéro que j’avais tapé, mais bref, j’ai oublié lequel j’avais tapé de toute façon…).

Bref. Je me mets en route, dossier sous le bras. Je marche gaiement, d’un pas assuré, monte les escaliers, longe le métro, traverse devant le conseil et me pointe au « Berlaymont ». Le bâtiment important ! Où Barroso a son bureau, tout de même, et tous les autres Commissaires européens…

Lorsque j’arrive à l’étage de la Mademoiselle X, étage sécurisé s’il vous plaît. Il nous faut donc pianoter le numéro de tel de la personne qu’on veut voir, qui vient sur ses jambes ouvrir la porte vitrée coulissante… Je décide de rappeler une dernière fois Mademoiselle X au cas où ! Bingo, elle se pointe, je lui file le dossier et on n’en parle plus…

Enfin presque. Je suis une fille bien élevée. Je dois donc prévenir le Pitzulu mescouilles qu’il ne m’attende pas pour rien. Je tapote son numéro. Et c’est une charmante dame qui me répond (eh merde !) :

Elle : « Bonjour, c’est pour quoi ?»

Moi : « Et bien j’appelle car je devais apporter un dossier d’habilitation au monsieur auquel appartient ce numéro… »

Elle (insistante) : « Vous cherchez qui ? »

Moi : « Et bien je ne me souviens plus de son nom, M. Mutzili Pizulu »

Elle (exaspérée) : « Ce dossier est pour quel membre du Cabinet ? »

Moi : « Je ne sais pas, je ne suis en contact qu’avec Mademoiselle X. C’est d’ailleurs à elle que j’ai remis le dossier, mais comme elle n’était pas là tout à l’heure, je devais le déposer à une autre personne, dont je ne connais plus le nom. Je voulais lui dire que c’est plus la peine ».

Elle (au bord de la crise de nerfs) : « Vous êtes en train de me dire que vous avez un dossier à remettre vous ne savez pas à qui et vous ne savez pas comment ? »

Moi : « Non, je voulais juste dire que c’était réglé, au-revoir ! »

Et après, on dit aux gosses d’être polis ????