A la recherche du temps perdu, de Marcel Proust

Publié le 29 janvier 2010 par Encreblog
A la recherche du temps perdu, de Marcel Proust, qu'on appelle parfois et non par affinité avec le texte La Recherche, est peut-être le cliché "littéraire" par excellence. On nomme "Proust" autant pour évoquer l'ennui de la lecture de textes "classiques" (Proust aurait des phrases trop longues...) que pour invoquer le génie littéraire (à des fins mondaines, je crois). Bien au-delà de l'intérêt purement universitaire, Proust ne se lit pas du point de vue de la culture. On ne lit pas un texte parce que c'est Proust, et on ne l'aime pas non plus pour cela, pas plus qu'on ne devrait admirer un tableau parce qu'il est au musée, parce qu'il s'appelle La Joconde, et cætera. Sur cette conception des objets artistiques, de la culture, il faudrait sans doute, dans un autre billet, parler de Michel Foucault.
Il se trouve que A la recherche du temps perdu, comme tout autre ouvrage littéraire, ne s'apprécie ni par le style (la syntaxe, l'usage formel de la langue) ni par l'histoire. Et ce n'est sans doute pas sans raison que la culture, au sens de croyance d'un État (je ne voulais pas dire Populaire pour ne pas choquer), ne retienne que "la madeleine", comme elle n'a retenu que l'allégorie (qu'elle appelle alors Mythe) de la caverne de Platon (La République, VII).
Il faut du temps pour lire l'ouvrage. Non pas seulement parce qu'il est long (il l'est effectivement) mais parce que le texte n'est pas là pour vite nous livrer une histoire, des imaginations, une morale... Pourrait-on faire l'effort de ne pas croire, en premier lieu, avant lecture, qu'un roman est un roman. Or nous entendons par Roman une histoire, des personnages, un début, une fin. Nous ne lisons pas, nous regardons, comme la télévision, et même un certain cinéma, nous éduque à le faire. Le texte ne nous livre pas de forme. Personnages, lieux... cela ne devrait pas nous apparaître, car tout cela est dilué dans le texte, dans le langage. Je ne vais pas parodier ici Deleuze, l'asyntaxique, ce qu'il écrit sur Beckett par exemple. D'autant que je ne voudrais pas décourager ici la lecture d'un chef d'œuvre en disant que sa lecture n'a de sens que si on la recommence. La manière dont marque un texte est assez étrange, la vitesse qu'il nous impose à la lecture, ce qu'il produit sur nous. Et il y a la logique, la plus qu'incroyable idée qui file sous chaque ligne du texte de Proust et qui est révélée à la toute fin du livre, pour peu qu'on le lise en entier et qu'on y découvre vraiment un grand texte.
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