Marseille, Sarko et la psychanalyse

Publié le 29 janvier 2010 par Alainlecomte

L’autre jour, à Marseille, dans un petit hôtel refait à neuf au fond d’une ruelle bien noire, là-bas en haut de la rue de Paradis – j’étais là pour le travail – je rentrai assez tôt le soir, après une trop copieuse bouillabaisse qui avait aligné un rouget grondin, une dorade et un loup, rien que ça, et me laissai tomber sur le lit à peine défait. Las de fatigue – le voyage, la journée de travail – je me laissai aller à allumer la télé. C’était le jour où Sarko causait dans le poste. J’avais raté le début, mais j’ai tout de suite pensé que ce n’était pas grave. C’était le moment où il commençait à « s’entretenir avec les Français », bref, où il débutait son auto-justification face à un « panel ». Il répondait d’abord à la jeune chômeuse de 26 ans et bac +5, qui avait fait des études de marketing et de communication. « Mais que voulez-vous, mademoiselle, dans les temps de crise, sur quoi rognent en premier les entreprises, hein, je vous le demande ?eh bien sur le marketing et la communication ». Pas de chance, elle, elle avait suivi les conseils de tous ceux probablement qui lui avaient dit d’aller faire des études qui ont de vrais débouchés, qui peuvent rapporter ensuite, et le marketing c’est du sérieux. « Et dans quelle université ? » demande l’autre, perfide. Manque de bol ce n’était pas dans une de ces universités gauchistes comme il en reste encore (trop, moi je vous le dis) mais dans une école du groupe ESG, Ecole Supérieure de Gestion, ça l’a interrompu un moment, le Sarko. Ah bon, ces écoles là-aussi… « mais prenez bien note mademoiselle – j’ai pas de crayon – mais c’est une façon de parler… bien sûr. Vous allez sûrement vous en sortir ».

Après venait le fameux syndicaliste, celui dont on ne fait plus qu’entendre parler, avec ses boucles d’oreille et, paraît-il, son pin’s du Che. Il a beaucoup plu, à l’évidence, c’t homme là, même à Sarko je suis sûr : ça permettait tellement de le poser en homme prêt à tout entendre. « Mais vous serez étonné, monsieur ***, je suis d’accord avec vous sur presque tout ». Bien sûr, d’autant que loin de lui savonner la planche, à Sarko, le syndicaliste avait plutôt tendance, objectivement, à lui faciliter les choses, notamment en faisant référence lui-même aux années d’avant 2000, trop facile pour l’autre à ce moment là de se défiler : c’était pas moi ! Tout de la faute du gouvernement d’alors (« c’est m’sieur Jospin qui a dit qu’il y pouvait rien ! ») et à l’ancien PDG de Renault, vous vous souvenez ? « un homme de sensibilité de gauche, qui était même pour le SMIC à 1500 euros ». Voyant la tournure que prenaient les choses, je décidai que le plus sage était de fermer la télé et de m’endormir.

Tôt. Trop tôt. Me voici réveillé vers 23 heures, je rallume la télé. Sarko était fini (enfin, façon de parler), mais à la place ça discutait à n’en plus finir sur les conclusions à tirer de la prestation présidentielle.

Je pris donc la direction d’Arte. Et là, c’était une merveille : un petit film réussi qui mettait en scène Sigmund Freud et Gustav Mahler sur un fond de Symphonie n°5, dont je n’ai vu malheureusement que la fin. Onfray a beau dire, (le philosophe « du peuple » qui a juré de régler définitivement son compte à l’inventeur de la psychanalyse) Freud a apporté à notre temps une technique d’analyse, par la parole, ayant ouvert un champ infini. Rien n’effacera cela.


Gustav et AlmaMahler dans le film-documentaire dePierre-Henri Salfati
diffusé sur Arte (Eric Frey, Marianne Anska)

Il n’y eut semble-t-il qu’une seule rencontre entre Freud et Mahler, elle tournait beaucoup autour du rapport à la mère, puis à la femme du musicien, Alma. Un amour tumultueux, tragique, endeuillé par la mort de leur petite fille de cinq ans. Mahler devait mourir quelques mois après cette rencontre. La psychanalyse l’avait juste aidé, disait le film, « à s’accepter lui-même ».

Je pouvais me rendormir, jusqu’au matin.