Magazine Journal intime

degré VI, XX (18)

Publié le 30 janvier 2010 par Moinillon

saint Jean ClimaqueJe ne peux pas non plus ne pas vous raconter ce qui est arrivé à un solitaire, du nom d'Hésychius, de la montagne de l’Horeb. Ce pauvre solitaire eut le malheur de passer les trois premières années de sa retraite dans l'oubli entier de son salut, et de négliger tous les exercices de la vie religieuse. Enfin Dieu le frappa d'une maladie si grave, que pendant une heure entière, on crut qu'il était mort. Mais revenu à lui-même, il nous conjura tous avec instance de nous retirer, et de le laisser seul. Nous lui obéîmes, et aussitôt il ferma sur lui la porte de sa cellule, et y demeura tellement reclus, que pendant l'espace de douze ans qu'il vécut encore, il n'échangea jamais aucune parole avec personne, et ne se nourrit que d'un peu de pain et d'eau qu'on lui apportait; il était toujours assis à la même place et n'en changea jamais; il repassait si fortement dans son esprit les choses terribles qu'il avait vues dans la vision qu'il avait eue, que son corps fut toujours dans la même position et la même attitude, et que toujours frappé de la même terreur et hors de lui-même, il gardait le silence le plus parfait, et pleurait à chaudes larmes. Enfin comme, nous connûmes qu'il touchait à sa dernière fin, nous enfonçâmes la porte de sa cellule, pour entrer et lui demander plusieurs choses que nous désirions savoir. Mais ce fut en vain : nous ne pûmes avoir de lui que cette seule parole : Pardonnez-moi, mes frères; je ne peux rien vous dire, sinon qu'il est impossible qu'il ose pécher celui qui aura la pensée de la mort fortement gravée dans l'esprit. Cette réponse nous frappa d'étonnement, et nous ne pouvions pas assez admirer comment un homme dont nous avions dans le temps tous connu la paresse et la négligence, eût été si promptement changé et transformé en un autre homme, et qu'il eût acquis une si grande perfection et une sainteté si prodigieuse. Il mourut, et nous l'ensevelîmes dans le cimetière qui était auprès du monastère. Le lendemain nous allâmes visiter son tombeau, pour voir le saint corps de ce solitaire; mais il n'y était plus. C'est sans doute pour donner aux hommes une excellente leçon, que Dieu permit cette merveille : il voulut faire comprendre à ceux qui, après avoir abandonné la vertu et négligé leur salut, se convertissent avec sincérité et embrassent une nouvelle vie, combien la pénitence de ce solitaire lui avait été précieuse et agréable, et par conséquent, combien il agréerait le repentir et la pénitence de tous les pécheurs. saint Jean Climaque : L'Échelle sainte
«De la pensée de la Mort»


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