Avatar

 Avatar, la superproduction en 3D de James Cameron, fait salles combles. Elle vient de battre le record des recettes de toute l'histoire du cinיma, devant Titanic, du mךme rיalisateur.

Qu'est-ce donc qui fait la recette de ce succטs ? La plupart des critiques saluent bien יvidemment l'apport de cette nouvelle technologie en 3D qui offre des effets visuels assez sidיrants, nouveaux pour le spectateur, l'emportant dans des mondes fascinants. L'expיrience visuelle est de fait fantastique. Mais un film ne se rיduit pas א une technologie, fut-elle trטs inventive.

La technologie est au service d'une histoire. Curieusement les mךmes critiques sont beaucoup moins diserts sur le propos. 

Ils se contentent souvent de rיsumer le sujet. L'action se dיroule sur une planטte lointaine, Pandora, habitיe par les Na'vis. Le sous-sol contient un minerai prיcieux que convoitent les Terriens. Des GI de l'espace ont pour mission de conquיrir la planטte. Pour contrפler les Na'vis, les Terriens ont crיי des "avatars", sortes d'espions organiquement semblables א ces crיatures, pilotיs א distance. Le hיros, un ex-marine hיmiplיgique, va vivre א travers son avatar au milieu des Na'vis. Envoyי pour les infiltrer, il va finir par prendre fait et cause pour eux...

Rיsumיe ainsi, l'histoire fait immanquablement penser א un western genre Les Cheyennes, revisitי sur fond d'espace.

Je pense pour ma part que le film de James Cameron - technologie et histoire - porte beaucoup plus loin.

L'histoire, d'abord, n'est pas si banale que cela. Car א la diffיrence du western, ce n'est pas le hיros lui-mךme qui va se mךler, puis s'intיgrer et prendre fait et cause pour le peuple opprimי, mais son avatar. A travers cette aventure il va comme vivre une nouvelle vie ou dיcouvrir des possibilitיs nouvelles de vie. Sur terre le hיros est blessי, cassי [on pense א un ancien de la guerre du Vietnam], il n'a plus l'usage de ses jambes. Son avatar sur la planטte Pandora est libre comme l'air, agile, bondissant, chevauchant des crיatures fantastiques, il va connaמtre une nouvelle histoire de vie, plongי dans un monde oש rטgne une forme d'harmonie primordiale, tout diffיrent du monde mיcanique, froid et brutal des GI's symbolisant l'univers des hommes. 

La technologie, quant א elle, joue sur deux plans. D'une part la 3D, on l'a dit, immerge le spectateur dans l'image d'une faחon rיellement impressionnante l'emportant au coeur de l'action. Le relief fait partie de l'histoire. Mais la technologie numיrique rיalise une autre prouesse : retenir des acteurs quelque chose qui n'est pas l'apparence physique [les Na'avis et les avatars ne ressemblent pas vraiment א leurs modטles humains] mais des expressions visuelles, des attitudes  qui permettent au spectateur de s'identifier aux personnages pourtant יtranges de la planטte Pandora.

L'expיrience sensorielle trטs forte que procure le film peut se suffire א elle-mךme. Mais elle peut aussi nous conduire א partager une autre expיrience, plus יnigmatique, qui est celle de l'avatar.

L'avatar est physiquement diffיrent du hיros puisqu'il a pris l'apparence des Na'avis et cependant il a conservי quelque chose de son "pilote" dans les expressions faciales et les attitudes. Le hיros vit א travers son avatar une autre vie reliיe pourtant א la sienne puisque c'est lui qui pilote.

En dיcouvrant א travers son avatar la beautי et l'harmonie du monde des Na'avis menacי de destruction par les Terriens, le hיros - le spectateur avec lui - fait comme un voyage ailleurs, qui lui fait ressentir d'un autre point de vue son propre monde, notre propre monde, dont nous percevons la capacitי de nuisance et de destruction.

L'expיrience de l'avatar est celle d'une forme d'incarnation ["avatar" est א l'origine un mot sanskrit empruntי א la religion hindoue qui dיsigne une incarnation du dieu Visnu] qui engendre une perception neuve. La pensיe prend forme א travers la sensation. Le film de James Cameron contient aussi cette dimension.