Elle n’est pas arrivée par surprise. Je l’attendais depuis toujours. J’ai même trouvé qu’elle mettait trop de temps à me rejoindre. Moi qui la guettais à chaque instant, à chaque verre, à chaque bouffée d’une cigarette dont j’ai oublié jusqu’à la couleur de son paquet. Rouge ? Bleu ? Noir finalement. Forcément noir. A chaque acte sexuel, spontané tout autant que calculé. Une prise de risque systématique, m’enfonçant dans des lieux pas forcément amis, pas forcément propres (ça m’est arrivé). Guettant la maladie définitive comme une guérison, celle qui fait accepter l’ignoble fin refusée jusqu’à la lie. La mort. Jouer avec.
J’avais rendez-vous avec elle, je le savais, j’attendais, tout comme ce type planté sous un réverbère et qui venait tous les soirs, armé à chaque fois d’un bouquet de fleurs tout frais, qui attendait le bon vouloir d’une amoureuse partie, aimée, baisée depuis bien longtemps par un autre dans des endroits étroits voulant s’élargir, mais ne le pouvant pas, le geste n’étant pas là, la technique trop basique, l’excitation trop fade. Quel intérêt de manger une chose qui peut vous être servie tous les jours ?
Il attendait, contrit, gelé, mais nouveau. Il voulait lui donner son âme, elle avait mesuré, évalué, dédaigné finalement. Une âme prise, c’est le jeu d’une existence morbide, celle qui veut qu’on prenne avant que de donner. Ne rien donner, tout prendre, boire les jus de vie qui condamne au supplice. Quoi de plus jouissif que de se jouer de l’autre, de le transformer en une chose docile, prête à tout, prête à vendre son âme croyant vendre son cul (ou l’inverse) ? Vraiment trop facile. Profiter de cette supériorité éphémère, valable juste pour un tour, attendant que l’auto-tamponneuse s’arrête, faute de jetons.
Et puis il y eut l’après. Celui de la solitude imposée. Imposée par les jours passés, marquant le visage pire qu’un fer rougi d’un forgeron sadique. Il y eut la chute. Inattendue, une ride de trop, une poche de plus, une mèche de moins. Une érection ratée. Sans savoir pourquoi. Il y eut les échecs, un peu trop répétés. Confusions d’excuses, chattes parties sans mot dire, incapable de les rattraper avec ce qui faisait l’homme.Publié par les diablotintines - Une Fille - Mika - Zal - uusulu