Magazine Journal intime

Paris by night : une nuit à l’hôpital Cochin

Publié le 02 février 2010 par Tellequelle
Paris by night : une nuit à l’hôpital Cochin
Et l’on se rend compte à quel point on est heureux !
Paris un samedi soir vers minuit… et mon mari qui, dans le noir, prend l’escalier qui descend au lieu de prendre celui qui monte ! Cela aurait pu être très grave : premier bon point, à priori ce n’est que la cheville… Mais bon, impossible de poser le pied par terre, gros œdème, hématome immédiat : il faut savoir ce dont il s’agit vraiment et traiter.
Mais où aller ? Dans une ville que l’on connaît, certes, mais pas les services d’urgence ! Et puis sans voiture, bien sûr et à minuit. Le 18 ne nous offre pas beaucoup d’aide, donc taxi qui, lui, connaît les urgences les plus proches : Cochin, OK.
Arrivés à minuit, auscultation immédiate, histoire de savoir s’il y a ou pas risque vital, de la glace sur la cheville tuméfiée en attente de la radiographie et puis plus rien jusqu’à 5 heures ! Oupsss !
Impossible de dormir sur ces chaises… On écoute, on observe… C’est là qu’on se dit qu’on a de la chance. Près de nous, dans le coin du fond quatre personnes ne semblent pas être blessées. Une dame tassée près du radiateur, bien droite, calée par son caddie, dort. En face un autre, qui a mis un jean à sécher sur le radiateur, dort aussi, mais désarticulé, semblable à un pantin. Il a l’air jeune. Celui, à deux chaises de nous, est plus âgé, il se réveille fréquemment à cause de sa tête qu’il ne parvient pas à caler. Celle qui a l’air de s’en tirer le mieux s’est allongée sur trois chaises, sous une couverture, mais elle rêve bruyamment quand elle ne ronfle pas… la position ne doit pas être si confortable.
Vers 3 h 30 un monsieur de 70 ou 75 ans entre en vociférant. Il ne passe pas par la case « Admission » et vient s’asseoir à côté de moi. Il parle fort, interpelle, tousse bruyamment. L’odeur d’alcool prend à gorge, acre, tenace. Peut-on être saoulée par l’odeur, seulement ? J’ai été inquiète à un moment, c’était vraiment très envahissant. Courageusement, j’essaye de me rendre invisible, j’y parviens. Il ne me verra pas jusqu’à ce qu’il reparte une heure après, comme il était venu. A priori cela ne surprend personne. Il y en a un autre, grand, élancé, jeune, qui est entré, resté debout et regarde la télé. Nous n’avons pas de son, mais les images aident à passer le temps. Pas question de bouger. Ils ont mis Jean-Luc en fauteuil roulant et, face à face, nous avons la chance, de temps en temps, de pouvoir poser les jambes sur le siège de l’autre.
Le vieux monsieur empli d’alcool s’énerve d’un coup après la dame des admissions. Elle est la Reine de Saba et elle doit se taire car elle n’est pas prix Nobel… Sa voix est étonnement forte et puissante… Je me fais plus petite…
Puis, vers 4 h 30, un personnel soignant vient gentiment proposer du hachis Parmentier à nos voisins de salle. Aucun n’en prendra. Ils échangeront quelques phrases qui semblent sonner la fin de la nuit. L’un repartira dans l’obscurité et le froid mordant peu après.
Vers 5 heures, enfin, on nous appelle. Nous franchissons les portes du service. Visite du médecin, jeune, alerte, bien réveillé. Il est là depuis samedi midi, c’est vrai que nous sommes dimanche. Evidemment il ne peut poser son diagnostic sans radiologie, on nous met donc dans un autre couloir et nous recommençons à attendre. Tout cela avec beaucoup d’attention et de bienveillance, mais nous commençons à être fatigués…
Entre temps, rodéo dans le service. Un grand (très grand) costaud (très costaud), veste de cuir et lunettes noires veut appeler la police : il ne retournera pas à Sainte-Anne ! Pas question d’être encore interné, il n’est pas fou. Il reconnaît avoir eu tort de s’être enfui quand la lumière a traversé le ciel et que la grande main a voulu l’attraper… Hou la la! on est dans un film ? Il crie fort, s’énerve et vraiment il a l’air très très costaud. Avec diplomatie, un jeune psychiatre (re)vient le voir et lui conseille de rester dans son box : pas de bol, c’est celui en face du nôtre ! Il ne fait qu’entrer et sortir de son box et fait à chaque fois une pause en nous regardant fixement derrière ses lunettes noires… J’espère que la lumière lui dit qu’on est des gens sympa… Ils lui font le coup du hachis parmentier. Lui accepte et mange en nous regardant fixement. Le temps ne passe pas vite. La hantise de Sainte-Anne le reprend, il recommence à s’énerver. Cette fois ils reviennent à sept. Un infirmier, au moins aussi baraqué que lui, tient la seringue : le jeune psy a dit « rivotril - loxapac ». Bon sang, ils le prennent pour un ours ! Non, non, ils le connaissent. Ils ont beau lui expliquer qu’il doit rester assis, qu’il risque de perdre l’équilibre avec ce qu’ils viennent de lui injecter, que nenni! Il leur explique avec véhémence, en pleine forme, qu’il a une théorie sur les sphères et qu’il se consacrera dorénavant aux extra-terrestres puisqu’il ne retournera pas à Sainte-Anne. Dont acte. De fait, il continue à tourner en rond, en pleine possession de ses moyens et quand les gens de Sainte-Anne viennent le chercher... il est parti en douce : pas si fou !
Trois quarts d’heure après, radio, puis attente à nouveau, enfin, le médecin revient : grosse entorse, petit arrachement osseux, ordonnance et dehors. Kaï ! plus de fauteuil roulant ! Où trouver l’atelle et les béquilles prescrites un dimanche matin à 6 h 45 ? Bon, je rentre coucher mon malade (en taxi). Je repars travailler à 9 h, il faut que je dorme deux heures. Je ramènerai les béquilles en rentrant, juste pour partir à l’aéroport… Vite, retour maison !
Depuis, nous avons dormi deux fois dans notre lit douillet. Au chaud, à l’abri, en sécurité, le ventre plein.
De quoi donner à réfléchir longtemps…

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