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Les concours de nouvelles (billet très sérieux, presque pontifiant)

Publié le 03 février 2010 par Georgesf

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Pour passer le dernier jour avant le lâcher de La Commissaire dans la nature, je vais parler d’un sujet qui n’a rien à voir : les concours de nouvelles. On m’a donné un bon prétexte : le café littéraire Calipso (café web qui est aussi sociologique et philosophique, mais je préfère quand il est littéraire) me signale qu’il lance, comme chaque année, son concours de nouvelles. Pour 2010, le thème sera « Entre chien et loup ». Il est vrai que j’ai de plus en plus l’impression de quitter la civilisation du chien pour revenir à celle du loup, mais je ne veux pas faire de sociologie ni de philosophie. Pour ceux que la plume démange, je leur suggère de participer à ce concours : je ne l’ai jamais fait mais son organisateur, Patrick L’Ecolier est un homme respectable et son concours a bonne réputation. Il offre toutes les garanties de sérieux et une publication à la clé. Faites ce concours, puis faites-en d’autres si ça marche ou si ça vous amuse ; c’est comme ça que j’ai commencé à écrire.

Pourquoi participer aux concours de nouvelles ?

Si vous pensez qu’un bon palmarès en concours vaut un passeport avec visa pour entrer chez les éditeurs, laissez à la porte toute espérance, [en italien dantesque c’est plus chic : lasciate ogni speranza, voi ch'entrate] y compris celle d’ entrare. Les éditeurs ne se fichent même pas des concours de nouvelles, ils les ignorent, tout simplement. Et pourtant, nous sommes de nombreux auteurs à venir de la filière « Concours de nouvelles » (il y a notamment Gavalda. Bon, me direz-vous, Gavalda... mais à l’époque des concours, elle écrivait de très bonnes choses.)

Comment l’expliquer ?

>> Parce que les concours sont une incitation permanente à écrire. Le plus souvent leur thème est imposé, mais ce n’est pas un frein, au contraire. Incitation parce qu’on se met la pression en raison des délais. Incitation parce qu’on a envie de gagner, et pas seulement pour la gloire. Les bons concours sont agréablement dotés : mille euros par ci, mille autres par là, certains peuvent aller jusqu’à trois ou quatre mille. On gagne beaucoup plus avec douze bonnes nouvelles dans les concours pour amateurs qu’avec un recueil gagnant le Goncourt de la nouvelle pour un auteur publié. Ce n’est pas une plaisanterie, je tiens le calcul à la disposition des intéressés.

>> Parce que beaucoup de concours permettent d’avoir des commentaires sur texte. Des commentaires intelligents quand ce sont des jurés intelligents, de stupides commentaires dans le cas contraire. On est en tout cas lu et relu, ce qui n’est pas si fréquent quand on est auteur amateur. Et parfois même lu par des centaines d’autres amateurs quand on gagne un concours se terminant par l’édition d’un mini-recueil envoyé aux participants. Une remarque sur les commentaires des jurés : attention, ce sont rarement des lecteurs professionnels. J’ai gardé la fiche d’un juré qui, commentant une de mes nouvelles écrites à la première personne, (L’Acide lactique, qui fut ensuite publié dans « La Diablada ») m’écrivait gravement : « C’est bien, vous y êtes presque, mais vous abusez du « je ». Cherchez des synonymes. »

>> Parce que les concours permettent de nouer de belles amitiés. Belles et utiles, même si ces deux adjectifs sont affreux à juxtaposer. A l’époque où, amateur puis semi-pro, je faisais les concours, je croisais régulièrement sur les podiums Françoise Guérin et Emmanuelle Urien, deux serial winners. Nous avons noué de solides liens, nous avons échangé nos textes, nos demandes de réaction, et c’est peut-être là que j’ai le plus progressé – elles, je ne sais pas, mais aujourd’hui, la première publie au Masque, et la seconde chez Gallimard.

Mais le plus bel avantage des concours, c’est de pouvoir tester anonymement sa vocation d’écrivain : vous pouvez écrire quelques nouvelles, les proposer en toute discrétion à quelques concours. Si vous vous plantez partout, personne ne le saura. Seuls sont révélés les noms des finalistes ou des gagnants. C’est le silence ou les trompettes de gloire.

Cela dit, les concours peuvent constituer un leurre :

- leurre si on disperse en trop de concours. Certains poussent à la médiocrité. Il suffit parfois de lire le règlement pour le comprendre : quand de graves organisateurs expliquent en un langage pompeux ce que doit être une bonne nouvelle, mieux vaut s’enfuir. On sent parfois le comité de vieilles dames qui se prennent pour un salon littéraire dès qu’elles prennent le thé ensemble. J’ai vu maints concours couronner des textes affligeants, bourrés de clichés : lisez, chaque fois que possible, les textes des vainqueurs précédents. Vous repérerez vite les concours déshonorants.

- leurre si on se grise de ses succès : ne rêvons pas, le niveau de qualité demandé pour les concours (et j’entends pour GAGNER les concours) est très inférieur à celui demandé par les éditeurs. Certains de mes textes plusieurs fois couronnés en concours sont revenus couverts de rouges corrections quand ils sont passés entre les mains de la correctrice d’Anne Carrière, qui connaissait son métier (Coucou, Sophie !).

- leurre aussi si l’on se désole trop vite de ses échecs : même dans de bons concours, les jurys recherchent souvent le classicisme. Classicisme de l’écriture, classicisme des idées. Certaines de mes nouvelles, peut-être les meilleures, ont été rejetées dans tous les concours où elles étaient présentées. Je pense notamment au « Parfum des profondeurs » ou « Et l’ange passa » (in La Diablada) et à l’Etage de Dieu (nouvelle éponyme du recueil). Quant à la nouvelle La diablada proprement dite, la première fois que je l’ai testée dans un petit concours, elle a fini 36ème sur 42. On peut s’en sentir très déboussolé.

Conclusion : si vous avez trop longtemps contrarié votre vocation d’écrivain, tentez le plus discret des coming-out, participez aux bons concours. Accueillez d’un coeur équanime les bons et les mauvais résultats. Ne commencez à y croire qu’après une répétition de succès ou de bides absolus.

Je relis ce billet : je n’ai jamais écrit de billet si sérieux. Peut-être parce que l’époque des concours de nouvelles reste un merveilleux souvenir de ma carrière d’auteur. C’était une période d’innocence et d’euphorie.

Deuxième re-lecture : oui, trop sérieux, tout cela. Tant pis, vous ajouterez les clins d’oeil et les rires là où vous voudrez.


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LES COMMENTAIRES (9)

Par Calipso
posté le 24 février à 09:37
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Calipso, le café littéraire, philosophique et sociologique, célèbre cette année la dixième édition *de son concours de nouvelles sur le thème "Fêtes et défaites". Outre la dotation de 1000€, la contribution aux frais de déplacement et d'hébergement des lauréats, la publication en recueil, la journée "Nouvelles en fête" en octobre 2011 avec au programme jazz, cabaret, théâtre et bien sûr mise en voix et en musique des nouvelles primées, nous avons le plaisir d'associer les *Editions Quadrature **à l'événement en offrant aux douze auteurs sélectionnés le livre de leur choix dans la collection de l'éditeur.

Par Clandestin
posté le 03 décembre à 12:25
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Bonjour,

Dans un premier temps, merci pour ce billet d'humeur de bonne heure....mais...oui je vais emmettre un "mais"...voir 2 si vous le permettez !

1er "mais" (non chômé) : je me demande parfois l'intérêt de cette course aux concours, récolter une cocarde à apposer sur un écrit ne m'apportera rien de plus que je ne sais déjà...surtout que la validation ou le sérieux de cette cocarde peut laisser à désirer trop souvent (comme vous le mentionnez)...les yeux de mes proches ou des gens qui désirent me lire suffit bien souvent à rassurer mon petit esprit d'auteur méconnu...

2 "mais" : il se trouve une caractéristique de ces "concours" que je trouve très étonnante. Dans la plupart de ces "jeux de mots" il faut payer pour s'inscrire...(ce n'est pas la somme qui est importante, c'est le principe). J'ai participé à de nombreux groupes musicaux (concerts, concours (primé), CD) et l'organisateur paye le groupe pour venir jouer...l'écriture serait-elle la seule forme artistique ou "l'artiste" se devrait de payer pour être entendu ???? Surtout, qu'on ne peut pas vraiment dire que l'organisation de ce genre de concours, demande un investissement matériel élevé si l'on déduit bien entendu, les cafés, les thés et autres tartes tatins....je comprends le besoin d'argent des associations "offrant" leurs services "payants" de lecture à de pauvres auteurs en manque de reconnaissance et de cocardes, certes, mais je trouve cela très spécial quand même.

Voili voilou mon billet d'humeur (pas de sale humeur) juste deux réflexions inspirées de votre article.

Mais que tout cela ne nous empêche nullement de continuer à aligner les mots comme autant de perles sur un collier et peu importe le cou de celle qui le portera :-)

Bien à vous.

Par corolle
posté le 16 octobre à 00:29
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Bonsoir Georges, Votre billet sur les concours de nouvelles m'a fortement interessée. Votre analyse des concours, leurs conséquences et inconséquences, rejoint mon propre constat : 18 prix et... toujours pas d'éditeur! Aussi, vous me laissez sur ma faim, Georges, il manque une ouverture à votre conclusion, un conseil de pro, un tuyau de bookmaker, une formule magique : à part séduire M. Flammarion, son directeur éditorial ou le livreur de pizzas qui officiait dans les locaux, comment se faire éditer ? Non, Huissiers, pas la porte, s'il vous plaite! A moins, qu'elle ne soit magique et que le lapin blanc moins pressé m'offre un contrat à signer :-)

Par Sabine Aussenac
posté le 28 août à 15:49
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Tiens, merci, un petit clin d'oeil qui me laisse songeuse et apaisée, après un été si triste que même un déprimé n'en aurait pas voulu, passé en grande partie à écumer les-bons-concours, à défaut d'île de Ré ou d'Alpilles...

Amicalement, Sabine. (Premier prix du concours 2009 de l'association "Histoire et souvenirs" Lauréate de Gascons de Plume. etc etc, "lol", comme disent mes élèves.) PS: les courriers dans Le Monde, c'est bon, aussi?-4, déjà!!!

Par Raphaël B.
posté le 27 mai à 15:05
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Sympathique petit article, il me plaît bien car il m'encourage, d'un autre côté, mais si l'on connait la défaite, comme dirait Flaubert on peut toujours continuer à écrire "pour sa propre distraction personnelle". Il y a probablement plusieurs stades d'évolutions dans l'écriture, on commence par écrire pour soi et ensuite on tâche d'écrire pour les autres, en tout cas les concours sont de bons moyens de gagner en expérience, pour les étudiants qui passent par ce blog, le CROUS organise un concours de nouvelles, et voici l'adresse d'un site (peut-être pourrez vous le transmettre dans un article suivant) qui répertorie bon nombre de concours de nouvelles : http://www.bonnesnouvelles.net/lesconcoursdenouvelles.htm

Merci pour cet article,

Raphaël B.

Par Aurosa
posté le 24 mai à 12:22
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Merci beaucoup pour ton expérience en la matière, je ne fais que de petits défis à la va-vite avec la communauté que j'ai rejoint sur over-blog. J'avoue que j'apprécie énormément ces petits moments de détente et que beaucoup d'idées me viennent sans pour autant oser me lancer. Mais ton expérience prouve que ça vaut la peine de tenter même simplement pour le plaisir d'être lue.

Bonne continuation Aurore

Par misslna
posté le 15 mai à 15:04
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Oui, mais, le découragement gagne vite. J'aime beaucoup écrire mais, je n'ai fait qu'un concours de nouvelles où j'ai fait partie des 15 pré-sélectionnée mais où malheureusement je n'ai pas gagné en "finale". J'en ai conclu que ça ne valait rien et je n'ai plus jamais écrit. C'est peut-être un tort puisque je m'"éclatais" à faire ça ? Qui sait, je vais peut-être me relancer ? Avec un bon coup de pied aux fesses pour me donner plus d'élan... Cordialement

Par Caprice
posté le 27 mars à 21:57
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A part "calipso", quels concours conseillez-vous? Où s'adresser pour avoir une bonne analyse d'un écrit? J'ai été primée quelques fois, mais comment savoir si l'organisation est sérieuse? Merci de vos encouragements. Bien à vous, Ch. B.

Par Caprice
posté le 27 mars à 21:54
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A part "calipso", quels concours conseillez-vous? Où s'adresser pour avoir une bonne analyse d'un écrit? J'ai été primée quelques fois, mais comment savoir si l'organisation est sérieuse? Merci de vos encouragements. Bien à vous, Ch. B.