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Le cadeau de la vie

Publié le 05 février 2010 par Didier54 @Partages
Le cadeau de la vieEn ce cinq février, c'est à toi que j'écris, cher lecteur, et à toi, mon fils. Ce jour n'est pas banal. C'est partage. Il y a douze ans jour pour jour, Paul, mon fils, naissait.
J'ai envie de raconter une histoire.
Parler du jour où le monde s'est créé devant mes yeux.
C'était un jeudi. Un jeudi matin. La future mère galérait depuis de longues heures déjà. L'enfant arrivait, sans se presser, ô yé. Tu as raison, je pensais, m'adressant déjà à l'enfant. Ce monde de fous.
Il prenait ton temps, le bougre, et j'avais le dos pété, les yeux bouffis. Madame et moi grimaçions de concert. Pas pour les mêmes raisons. Nous étions arrivés la veille au soir. Les futures mamans ont un lit. Elles bossent. Pas les papas. Ils sont là, gauches, un peu embourbés, ne comprenant pas grand chose mais bon, ils sont là. J'ai veillé comme j'ai pu sur un fauteuil. Dormi d'un oeil, passant aussi pas mal de temps près d'une machine à café. Fumant le portable au bec. Je claironnais à mon monde que ça y était, on y était, il allait arriver, l'enfant. La machine à café fut aussi mon petit déjeuner. Les papas n'ont pas de petits déjeuner même le jour où ils deviennent papa.
La future maman souffrait, il y avait de la peur aussi, et je me souviens qu'à 6 h 23, un médecin a dit on y va. Faisait nuit, encore, faisait jour de partout. Ô putain ! Ces quelques mots ! On y va  ! Surprise : ça a détendu  madame d'un coup, d'autant que la voilà vite périduralisée. On lui a donné un anesthésiant, quoi. Pour qu'elle ait moins mal. Ca a été rigolo, parce que ça l'a quasiment euphorisée, la péridurale. Elle chantait presque, disait des blagues, incongru et si charmant. Moi, mon dos pété, mes cafés imbuvables dans la ganache et l'imminence de l'arrivée de l'enfant, ça commençait à faire beaucoup. J'avais facile deux jambes de trop et deux bras de trop et deux yeux et... Ca me faisait drôle de me dire que dans quelques minutes, le fils serait là.
Je me revois très précisément relégué au fond de la salle d'accouchement, au fond à droite, coincé entre je ne sais plus quoi et le mur, des fils partout. Je m'étais dit d'ailleurs bêtement qu'entre les fils et le cordon, j'aurais préféré couper les fils, au moins j'aurais su où mettre les pieds.
Mais ce que je veux raconter, et ce n'est pas facile parce que c'est tellement furieusement intense qu'on ne sait plus vraiment après, c'est comme regarder le soleil, on est tout esgourdi juste après, c'est ce que j'ai ressenti au moment précis où j'ai vu sa tête apparaître. La tête, ta tête mon fils. Car j'étais là, face à toi !
A ce moment précis, n'y tenant plus, faisant fi de ce que mes disaient les médecins et les infirmières, je lâchai en effet le brumisateur qu'on donne aux papas pour qu'ils brumisent leur compagne, et jaillissant de mon côté pendant que tu jaillissais du tiens (j'ai même été à deux doigts d'envoyer valser des machins électriques et des trucs à perfusion), je suis allé me poster derrière le gynéco. Je voulais voir. Le voir arriver. Je voulais raconter à sa mère comment c'était, comment ça faisait. J'ai vu la vie qui vient, la vie qui jaillit, la vie qui gronde, qui mêle les larmes. J'ai vu en face, pleine gueule. Quel merveilleux choc ce fut !
Ensuite, tout est allé très vite. Tu étais magnifique, mon fils. Evidemment. Ta mère était exténuée. Aussi. Et moi dans un état tierce, parce que second, ça n'était pas assez fort. Je restais là, ébahi, me disant, mais il a tout, cet enfant, il est parfait, il sait râler, éternuer, ouvrir les yeux.  Le monde était parfait, alors. Parfaitement parfait. Je suis allé courir dans la rue. Je sautais youp kaïdi, youp kaïda. Tagada. Tsouin Tsouin.

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