Magazine Journal intime

le psychiatre et les moines

Publié le 06 février 2010 par Moinillon

(…)  Elle se tut. Un ange passa.
— Votre mari était un homme singulier, déclara le médecin pour combler le vide.

Un grand silence régnait dans le cabinet. Le psychiatre s’approcha de la couchette et vit que Maria Ivanovna était assoupie.
Il quitta la pièce sur la pointe des pieds. S’assit sur le divan, contre les palmiers du poster mural. Posa sur Inna un regard plein de lassitude.

— Prépare-moi un café, dit-il. Et autre chose ! Dis-lui, quand elle sera réveillée, que le prix d’une séance de conversation confidentielle est de deux cents hryvnia. Et la moitié pour une conversation normale. Et maintenant je sors, je vais me promener !

Kiev Pokrov mon
Piotr Issaievitch laissa sa blouse blanche au portemanteau pour enfiler un imperméable gris, puis sortit dans la rue, sous un ciel sans nuage. Il entendit le chant des oiseaux, le vrombissement du trolleybus qui passait dans la rue Artem. Il tourna la tête vers le portail du monastère de l’Intercession. Là, derrière ces portes, vivaient et travaillaient ses concurrents, spécialistes de l’âme humaine. Il avait parfois envie de se réfugier chez eux. Pas en ce lieu précis – le monastère de l’Intercession abritait des religieuses. Mais il aurait aimé se retirer chez les moines, et que ces derniers fussent disposés à l’écouter, lui, le novice, pendant plusieurs jours d’affilée, jusqu’à ce qu’il leur eût raconté, tout ce qu’il savait, tout ce qu’il avait entendu de la bouche de ses semblables. Jusqu’à ce qu’il se fût vidé le cœur et se trouvât prêt à entamer une vie nouvelle. » (…)

Andrei Kourkov, Laitier de nuit, Éd. Liana Levi, 2010.
Traduit du russe par Paul Lequesne, et proposé par Christophoros.

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