J’ai du mal, ces temps-ci, à évoquer mes filles. Comme si, je ne sais pas, ça commençait, là, depuis quelques mois à
toucher vraiment à l’intime. Tous les jours j’ai mon lot d’émotions, de remises en question, pour essayer non pas d’être seulement la donneuse de leçons, mais celle qui fait pousser, celle qui
aime…
Et ces deux choses étaient si difficiles à accorder, avant…
Comme si d’un seul coup, je ne sais même plus quand, exactement, j’avais pris le recul nécessaire pour ne plus me faire déborder par le quotidien mais pour profiter pleinement de chaque moment avec elles.
Avant, je ne supportais pas leurs maladies. J’étais en colère, constamment, énervée par toutes les choses annexes à gérer et qui m’empêchaient d’être attentive, aimante, la mère qui soigne… Les gardes malades à trouver, le rendez-vous chez le médecin à honorer, la pharmacie et le programme inchangé pour la deuxième qui est rarement malade en même temps que sa sœur, les certificats médicaux à obtenir pour tout, le traitement à ne pas oublier. Et cette tension constante qui fait que forcément à trop remuer de choses, on finit par en oublier la moitié.
J’ai l’impression d’être si légère désormais. Comme si le lourd manteau que je portais depuis mon arrivée ici, dans mon exil et mon transit, je l’avais enfin déposé à mes pieds, inutile… J’étais prisonnière de tant de sentiments : la culpabilité ayant sûrement la plus grosse part, mes propres exigences : je me suis barrée, j’ai intérêt à assurer, je n’ai pas le choix, je suis toute seule, je n’ai pas le droit de foirer, je dois être parfaite : mère, salariée, fille, copine, intendante, cuisinière (l’équilibre journalier, combien j’ai pu me prendre la tête et m’en vouloir de ne faire que chauffer des boîtes de conserves), locataire… et touti quanti.
Et il n’y a rien de pire que ces exigences-là. Il n’y a rien de pire que cette image en exergue, qu’on met en frontispice de ses actions, à laquelle on doit coller, au risque de s’auto-traîner dans la boue et de se détester au final. Sachant qu’on se fait autant de mal à vouloir coller à cette image et en se rendant compte que quoi qu’on fasse on est en dessous de ce qu’on exige de soi…
J’en ai chié pour seulement oser m’avouer que ce que je faisais n’étais « pas si mal », et c’est peu de choses comparée à cette perfection… Et de « insuffisant », on passe à « bien ». Ce n’est pas une grande avancée et pourtant elle change toutes les perspectives. De négatif, on devient positive, de triste on devient joyeuse, de colérique on devient calme… Et d’éducatrice on devient mère… Vraiment mère. Celle qu’on aurait voulu avoir et celle qu’on devient pour ses filles…
Je ne saurais vous dire à quel point tout à changer depuis. Je ne me mets plus de pression. Je me satisfais de tout ce que je fais. J’arrête de vouloir gagner du temps au taff quand l’essentiel c’est mes filles. Je prends du plaisir quand je suis avec elles car je ne pense pas aux contingences, qui de toutes façons seront remplies, que j’en fasse une montagne ou non. Je ne mets plus en tête de coller aux 5 fruits et légumes par jour, si par malheur je n’ai plus de fruits ou plus de légumes, je ne me taxe plus d’être une mauvaise mère, et je ne suis plus en colère de leur offrir des poissons panés/riz/épinards, quand de toute façon elles me disent adorer ça…
Lorsque mes filles sont malades, je ne suis plus en panique totale parce que tout-va-foirer-de-toute-façon. Je prends les choses les unes après les autres. Je gère le médecin. Une fois le médecin, je préviens le boulot que je ne viendrais pas. J’habille mes merveilles, j’amène celle qui peut aller à l’école, l’autre nous accompagne, parce que je n’ai pas le choix. On rentre à la maison, je prends soin de ma poupette. On va chez le doc. Je demande mes certificats médicaux : pour moi (au cas où pas de garde d’enfant malade)/garde d’enfant malade/ pour l’école. On rentre. Je m’occupe de ma poupette et j’en profite un max (rien à fout’ du ménage, du rangement), on joue, on dessine, on colorie, on regarde un film… Ensuite on va récupérer la sœur à l’école, on rentre par la pharmacie. On passe notre soirée, et j’appelle le service des gardes d’enfants malades pour voir pour le lendemain… Et zou. Tout est réglé…
Et puis j’aime être leur mère. Je ne le suis pas passivement… Je le suis activement et je le deviens chaque jour un peu plus. Cherchant dans mes méthodes à évoluer, à coller à leurs besoins, je me positionne, je me déplace si ça ne va pas, si je suis trop ceci ou pas assez cela. Et j’aime prendre les devants de leur expliquer les peurs qu’elles ne doivent pas avoir, les rassurer, et voir dans leurs yeux brillants, qu’elles ont compris de quoi je causais. Que tout ça, finalement, c’est de l’amour. Simplement de l’amour. Et que je fais de mon mieux pour les aimer du mieux que je peux. Sans les laisser s’éparpiller. Je suis un cadre, rigide, parfois, sûr, mais au centre de ce cadre elles peuvent évoluer à leur rythme.
Et je protège leurs rapports. Je refuse les insultes, les méchancetés, les gestes violents qu’elles peuvent avoir parfois l’une envers l’autre. Elles se demandent pardon, se font un bisou pour s’excuser et ça repart.
Je suis leur mère et leur père au quotidien. Je n’ai pas peur d’assumer autant le rôle aimant que le rôle d’éducateur, autant que la figure autoritaire. Et ces trois rôles vont ensemble, ils s’harmonisent et mes filles sont épanouies à tel point qu’on ne peut pas s’imaginer en les voyant évoluer qu’elles ont connu tant de remous il y a deux ans à peine.
Si vous saviez comme elles me le rendent, comme j’ai de la chance de les avoir, mes deux adorables petits soldats ! Elles m’aident tellement au quotidien ! Jamais de pleurs inutiles, jamais de caprices interminables. Une fois que j’ai dit « non », elles passent à autre chose… Elles avancent dans la vie d’un pas décidé. Elles sont heureuses d’aller à l’école. Elles ont le sourire quand à 6h35, elles se lèvent, elles s’habillent toutes seules, elles se dépêchent si je le leur dis. Elles ne font pas d’histoire pour aller à l’école, même si l’une reste à la maison avec moi parce qu’elle est malade et l’autre non… Elles ont 4 ans passés et 3 ans passés, elles sont coquettes, espiègles, l’une toute en émotion, très sensible, un rien introvertie, très soucieuse de bien faire, l’autre très sociable, hyper autonome, très extravertie, avec déjà beaucoup d’humour et un peu plus rentre dedans… Très différentes, très soudées et très aimées…
Je suis si fière d’elles et de la mère que je suis devenue. De tout ce qu’elles me permettent de réparer de mon propre passé de cette façon-là...
J’aime tant ma vie, aujourd’hui. Elle est enfin à l’image de ce que j’espérais.
Je n’oublie pas mon Amoureux. C’est aussi grâce à lui si j’en suis là et si j’ai encore tant de choses à réaliser, demain, ensemble.
J'arrête là, sinon, on va
se croire chez Drucker !!!!
;o)