Tout ma mère, ce bouquet, mais certes pas pour la Saint Valentin, non, le bouquet rituel du dimanche pour poser sur la table de bois du grand-père, cirée, polie, par des générations de dimanches, sur un napperon où les yeux ne s'étaient même pas usés tellement les mains savaient.
Alors, après le repas quand elle pouvait enfin se poser ou aller à son gré comme l'acceptait le Seigneur, elle partait pour le jardin et faisait un choix de couleurs qui d'ailleurs s'imposait naturellement à elle - à force on sait - et ne négligeait pas à son époque le naturel des longues herbacées déconsidérées par d'autres, elle tirait légèrement sur une tige, dégageait le trop de feuilles, déplaçait une ombelle, refusait les fleurs "qui ne tiennent pas" et s'écroulent aussitôt en pétales dispersés, donnait un petit tour au vase et l'oeil satisfait elle se posait avec un magazine et le bouquet attendait le dimanche suivant soulevant dans la semaine quelques humeurs d'homme quand il fallait le dépacer pour chaque repas.
Et dire que pour le cimetière elle préfèrait les artificielles qu'elle mettait des lustres à choisir, peu habituée aux magasins, comme si les morts préfèraient telle nuance et j'attendais impatiemment inintéressée par ce fleurissement du granite...
Une amie me transmet ce texte qui me touche beaucoup dans la mesure, où j'ai bien connu cette maman en question, "faiseuse du bouquet du dimanche", où je suis allé également, il y a peu, me recueillir sur sa tombe. Il y a bien posé dessus, hélas à la merci des vents mais pas encore délavé, un de ces bouquets de fleurs artificielles qu'elle aimait tant...
Je partage donc ces belles lignes avec vous.