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9 février 1450/Mort d’Agnès Sorel

Publié le 09 février 2010 par Angèle Paoli
Éphéméride culturelle à rebours


      Le 9 février 1450 meurt, à proximité de l'abbaye de Jumièges, en Normandie, Agnès Sorel.


     Fille de Jean Sorel, seigneur de Saint-Géran en Touraine, Agnès Sorel, née vers 1422, à Fromenteau, en Touraine [ou Froidmantel, en Picardie], rencontre Charles VII à Toulouse en 1444. Elle est alors demoiselle d'honneur d’Isabelle de Lorraine, épouse de René d'Anjou (le bon Roi René). Agnès Sorel devient très vite la favorite de Charles VII. Et sa maîtresse.

     Première maîtresse officielle d'un roi de France, sûre de sa beauté et de son charme, Agnès Sorel éclipse les dames du royaume, à commencer par Marie d'Anjou, épouse légitime du roi. L'influence politique qu'Agnès Sorel exerce sur le roi et sur les conseillers qu'elle a elle-même choisis ― Jacques Coeur, Richemont, les frères Bureau, Pierre de Brézé ― lui vaut de sérieuses inimitiés. Dont celle du dauphin Louis, futur Louis XI. Agnès Sorel a sans doute joué un rôle important auprès de Charles VII en le poussant, vers la fin de la Guerre de Cent ans, à la reconquête de la Normandie. C'est sur la route de Jumièges, alors même qu'elle s'apprête à rejoindre le roi et qu'elle vient de mettre au monde sa quatrième fille, que meurt la « Dame de Beauté ». Ainsi nommée à cause du Château de Beauté-sur-Marne que lui a offert le roi. La rumeur veut qu'Agnès Sorel ait été empoisonnée par le futur Louis XI. Empoisonnement au mercure, substance nocive que l'on administrait aux femmes enceintes.
     Le gisant d'albâtre d'Agnès Sorel se trouve au château de Loches, ancienne propriété du roi Louis XI.

Jean Fouquet

Jean Fouquet
La Vierge à L'Enfant, v. 1452-1455
Huile sur bois, 94,5 x 85,5 cm
Anvers, Musée Royal des Beaux-Arts
Source


LA VIERGE À L’ENFANT DE JEAN FOUQUET

     La beauté d'Agnès Sorel fascine nombre de ses contemporains. Parmi les représentations qui nous sont parvenues, celle, fameuse entre toutes, qu'en donne le peintre Jean Fouquet dans la Vierge à l'Enfant (v. 1452-1455). Il est avéré que, sous les traits divinisés de la Vierge, le grand maître de la peinture française du XVe siècle a représenté Agnès Sorel. Le front haut et dégagé, majestueuse et hiératique dans ses voiles, la Vierge porte l'Enfant Jésus, nu, sur ses genoux.

     Ce qui frappe d'emblée dans cette représentation de la Vierge à l’Enfant, ce sont les jeux d'opposition sur lesquels sont construits ce tableau. Contraste saisissant entre la blancheur des carnations de la mère et de son fils et la puissance des rouges et des bleus qui emplissent l'arrière-plan du tableau. Rouges et bleus turquoise des anges et des chérubins groupés et serrés autour de la Vierge, derrière le trône sur lequel elle est installée. De cette composition étonnante naît une impression d'irréalité.

     Autre contraste, celui du drapé et du nu. Vêtue d'une robe de satin bleu lavande serrée à la taille, qu'elle a haute et fine, enveloppée de voiles blancs dont les plis savants accueillent le corps nu de l'Enfant, la Vierge a les épaules dénudées. Et un sein rond et sculptural, globe parfait, tendu hors de sa guimpe de toile. Nudité féminine compensée par le regard recueilli, aux yeux pudiquement baissés. Unique note de couleur dans ce visage d'une blancheur d'ivoire, la bouche, finement ourlée de rouge. De ce même rouge que l’on retrouve dans certaines des pierreries qui sertissent le diadème de la Vierge. La Vierge est installée sur un trône orné de perles, de pierreries et de boules de cristal. Dans ses boules de cristal se reflète la « fenêtre mystique » flamande, ouverte sur la lumière divine. Mélange subtil de profane et de sacré, fusion parfaite entre l'humain et le divin, la Vierge à l’Enfant est une représentation idéalisée et divinisée d'Agnès Sorel, femme éperdument aimée de Charles VII.

     Commandité pour l'église de Melun par Étienne Chevalier, trésorier de Charles VII, le tableau de Fouquet, également appelé Diptyque de Melun, comprenait, outre un volet représentant le donateur et saint Étienne, son protecteur ― tous deux placés devant la Vierge ― un médaillon d'émail doré. Dans ce médaillon minuscule, caché dans l'encadrement du diptyque, un portrait de l'artiste par lui-même. Ce premier autoportrait connu d'un peintre français se trouve au Musée du Louvre à Paris. Étienne Chevalier présenté à son saint patron saint Étienne est conservé au Dahlem Museum de Berlin. La Vierge à l'Enfant, se trouve, elle, au Musée royal des Beaux-Arts d'Anvers.

     Marqué par sa situation à la charnière de deux mondes, à la fois héritier de la tradition gothique ― goût pour l'enluminure et ses chatoiements de couleurs ― et précurseur de la Renaissance, influencé par l'art flamand et par le sculpteur bourguignon Claus Sluter, Jean Fouquet a cependant un style très personnel qui fait de lui un maître de la peinture française du XVe siècle.

Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli


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