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Statut: Disponible

Publié le 11 février 2010 par Sophielucide

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Statut : Disponible

Pièce en 3 actes

Acte 1 Scène 1

Vlad : Vincent t’a pas appelé ? Si ça se trouve il ne va pas venir et on attend pour rien ; mais qu’est-ce qu’il a en ce moment, il est amoureux ou quoi ?

Fred : Lui, amoureux ?  Ça serait une bonne nouvelle au moins….Non, ce type est un vrai geek, on peut pas dire qu’il s’arrange avec l’âge. Tu sais qu’il n’a même pas téléphoné ou envoyé des fleurs à Lola pour son anniversaire ? Ces informaticiens ne sont pas comme nous, j’te dis…Je comprendrais jamais ce type. Dire que c’est notre frère…

Vlad : Mais il a toujours été comme ça, rappelle-toi, tout petit déjà….C’est la faute à maman, elle l’a trop chouchouté et voilà le résultat ! Faudrait qu’on fasse quelque chose pour lui, non ?

Fred : Et c’est quoi ce rituel du vendredi, à ton avis ? C’est pas pour lui qu’on est là ? Toujours à prévenir le moindre de ses désirs, et lui, qu’est-ce qu’il fait pour nous, tu peux me le dire ? Rien ! Jamais le moindre effort sous prétexte qu’il a la tête dans les nuages, un peu facile, non ? Je me demande si on lui rend vraiment service à continuer de le materner ainsi…Putain, il a plus de trente ans maintenant, c’est plus un ado ! Est-ce qu’il se doute seulement qu’il est en train de bousiller mon couple ?

Vlad : T’as des soucis avec Lola ?

Fred : Elle est juste persuadée que ce vendredi fraternel cache une liaison secrète, mais sinon, tout baigne….Bon, changeons de sujet, on va pas parler de nos meufs, ça va casser l’ambiance. Et toi, ça va ?

Vlad : Ouais, ça va….Je me demandais si au lieu de nous voir tous les trois chaque vendredi, on ferait pas mieux de sortir, de lui faire rencontrer des gens, des filles, quoi….

Fred : On a déjà essayé, tu sais bien que ça marche pas ; écoute, on devrait lui parler, tu crois pas ? Entre nous quoi ! Pourquoi  jouer les hypocrites ? Faut qu’il sorte de sa coquille, qu’il s’ouvre aux autres ; j’en ai ras le bol de ces soirées poker, à quoi ça rime ?

Vlad :  On ne peut même pas miser du pognon ! Mais, bon, tu sais bien que ça lui fait plaisir…

Fred : Mais tu trouves pas ça ridicule à la longue ? Moi, j’en peux plus, j’te l’dis tout net ! Je vais lui parler

Vlad : Et qu’est-ce que tu vas lui dire ? Vincent, y’en a marre de ton égoïsme autistique, ras le bol de s’faire du souci pour toi alors que finalement c’est toi qui mènes la vie la plus confortable des trois ?

Fred : Exactement !

Vlad: Tu sais aussi bien que moi que tu ne diras jamais ça ! On peut pas c’est tout ; il va se mettre à chialer, on le verra plus pendant des mois et on se fera encore plus de souci pour lui… Trouve autre chose…

Fred : Dans ce cas je vais balancer la vérité

Vlad : Quelle vérité ?

Fred : Que Lola organise depuis des mois ce qu’elle appelle des soirées de filles, et que j’y crois pas !

Vlad : Ah ! C’est pour ça que t’es si nerveux ? T’as pas confiance ? Quand même, c’est pas le genre de Lola….

Fred : Ouais, depuis quand tu l’as plus vue ? C’est normal, à ton avis, qu’elle embellisse de vendredi en vendredi ?… Et puis cette histoire d’adultère qu’elle veut me coller, je suis sûr que c’est pour mieux dédouaner ses propres incartades…

Vlad : Mais dis-moi, c’est sérieux ! T’as des doutes depuis longtemps ?

Fred : Des doutes, non, pas vraiment…mais ça m’angoisse ; elle s’épanouit sous mes yeux et je vois bien que je n’y suis pour rien…Elle s’échappe, j’le sens bien alors j’ai plus trop envie de jouer les nounous avec un vieux garçon, même si c’est mon frère, tu comprends ?

Vlad : Ben ouais ; écoute, vas-y si tu veux, je m’occuperai de lui ; je me doutais pas du tout….ça me fait tout drôle… Votre couple, c’est tellement du béton, donné en exemple  par  toute la famille, que vraiment, je tombe de haut là… Tu as raison, faut lui en parler exactement comme tu viens de le faire ; ça va le culpabiliser, juste ce qu’il faut, sans le condamner… Vas-y j’te dis, j’lui expliquerai…

Fred : Non, pas question ! D’abord, j’ai pas du tout envie de tourner en rond dans l’appart’ à me demander ce que fait Lola  et puis surtout je ne supporte pas l’idée que vous vous apitoyiez sur mon sort, ça c’est hors de question ! Ça y est, je suis sûr que ça va faire le tour de la famille et j’aurais droit maintenant aux regards d’affliction…Merde, qu’est-ce qu’il m’a pris de dire ça….

Vlad : Arrête Fred ! Je suis content que tu te confies à moi, je te promets de n’en parler à personne, ça va comme ça ? Ou tu veux que j’en touche deux mots à Catherine ? Elle pourrait tenter l’incrust’ vendredi prochain….

Fred : NON ! Pas un mot à Catherine ! Excuse-moi mais tu sais bien que ta femme est une vraie commère…. Jure-moi que ça reste entre nous deux, rien que toi et moi…

Vlad : Ok, mais tu penses ce que tu dis, là ? Tu vois vraiment Catherine en concierge, à colporter les rumeurs, ça me déçoit, elle est pas du tout comme ça Cat…

Fred : Excuse-moi, c’est pas ce que j’ai voulu dire, mais tu connais nos femmes, elles ont jamais pu se blairer…

Vlad : Pas faux… Bon, qu’est-ce qu’il fout ? On l’appelle ?

Fred : Déjà fait, toujours sur répondeur…

Vlad : ça me fait penser qu’il faudrait qu’on lui dise de changer son message ; chaque fois que je tombe là-dessus, j’ai l’impression qu’il est sur le point de commettre une bêtise

Fred : Oh la voix qu’il a, t’as raison, on dirait qu’il vient ‘enterrer toute sa famille….

Vlad : J’pense à un truc là….Si ça se trouve, il est homo et il sait pas comment nous l’annoncer…

Fred : Arrête tes conneries….

Vlad : Pourquoi pas ?

Fred : Ben tout simplement parce qu’il sait très bien que ça changerait strictement rien entre nous ! ça serait même une bonne nouvelle…non, j’y crois pas.

Vlad : Ouais…C’est dingue quand même . Je m’aperçois qu’on se connait pas ! Je ne connais pas mes propres frères ! Merde, ça me fait quelque chose….Tiens sers moi à boire, je sens comme un putain de blues arriver à triple galop.

Fred : On va jouer à un autre jeu ce soir…Ah, je l’entends, il arrive…. Allez, on va boire et on va parler.

Vlad : ahahhahha ! Tu te souviens quand on était petit ? Tu voulais toujours « parler » le soir, et Vincent écoutait dans son coin, sans jamais dire un mot….

Fred : Il était trop petit, il pigeait rien à nos histoires…

Vlad : Que tu crois…

Acte 1 Scène 2


Vincent : Oui, je sais ; désolé, vraiment, j’ai pas vu le temps passer…

Vlad : Bon, tu t’assois, tu prends un verre et tu racontes

Vincent : Quoi ? Qu’est-ce que tu veux que je raconte ?

Fred : Putain, Vincent. On est tes frères, alors tu nous racontes et c’est tout ! Nous, on est là à s’inquiéter pour toi, Vlad se remet même en question au cas où ça t’intéresserait de l’apprendre  et toi tu donnes rien, jamais…

Vlad : Bon, Fred, pas la peine de tout mélanger non plus…

Fred : Non mais c’est vrai ; nous, tu vois, on a des familles qu’on lâche pour toi chaque vendredi de l’année, pour TE voir, toi le type qui connait à peine la tronche de nos mômes, alors y’a un moment où faut savoir poser des questions, quoi !

Vincent : Je répète que je suis désolé ; ça suffit pas ? Et puis c’est quoi ces histoires, c’est nouveau ? Vous sacrifiez vos familles pour moi ? J’ignorais, alors faut dire la vérité, c’est ça ? Faut que j’avoue que j’ai toujours détesté les cartes en général, le poker en particulier, ça ira comme ça ?

Vlad : Quoi ? Mais c’est pour toi qu’on joue, nous on s’en tape, on préférerait sortir, rencontrer du monde, respirer la ville…C’est la meilleure celle-là !

Vincent : ça me faisait simplement plaisir de vous faire plaisir, et puis jouer au poker sans miser quoi que ce soit, je trouve ça encore plus inutile quoi !

Fred : Bon, ok ! C’est décidé, on arrête le poker, pas la peine de disserter des heures ou me rappeler que c’est sur mon initiative qu’on a débuté ce jeu ; allez-y, proposez autre chose, ça me ferait plaisir à moi aussi de ne pas me creuser les méninges, j’veux bien suivre pourvu que vous me soumettiez une idée….

Vincent : Il se passe quoi au juste ? Vous avez parlé dans mon dos, ou quoi ? J’ai l’impression de tomber comme un cheveu sur la soupe. L’essentiel c’est d’être ensemble, non ? Se retrouver, alors qu’on joue aux cartes ou au jeu de la vérité, quelle importance au fond…

Vlad : Tu vois, Vincent, c’est justement le problème avec toi ; rien ‘est important. Et nous ? On est important ou pas à tes yeux ?

Vincent : Mais quelle question ! Je rêve là, vous êtes ma seule famille, les seuls qui comptent et vous le savez mieux que moi, alors c’est quoi ces questions ?

Fred : Ben tu vois juste avant que tu n’arrives, on se disait justement avec Vlad, qu’on ne se connaissait  plus, on ne sait plus rien de la vraie vie des autres. On en est toujours resté à celui qui montrera la meilleure figure, celui qui réussit le mieux…

Vincent : Stop ! J’y suis pas dans votre rivalité de mâle dominant, jamais je n’y ai figuré, moi je suis resté le petit que vous vous efforcez de protéger, alors laissez-moi en dehors de ça, ok ?

Vlad : Il a pas tort pour le coup, reconnaissons-le. Toi, Fred, tu t’es toujours montré le fils aîné irréprochable, t’as même tenté de prendre la place de papa à sa mort, même guidé par ton bon cœur. Maintenant qu’on est adultes tous les trois on pourrait peut-être redistribuer les cartes, histoire de partir sur une meilleure donne, non ?

Fred :  Ah, c’est comme ça que vous me voyez ? Bientôt vous allez m’accuser de vous avoir castrés, non ? Quels ingrats vous faites tous les deux ! Mais admettons, c’est quoi alors ces cartes neuves ? Expliquez-moi, j’pige pas….

Vlad : Sois pas si susceptible !On est entre nous, c’est toi qui l’as dit, alors on pourrait en profiter au lieu de tirer la couverture à soi… Bon, Vincent, tu pourrais nous faire plaisir et te livrer un tout petit peu ; on sait bien que ce boulot d’informaticien c’est une vraie passion chez toi, et t’es un crack en plus, mais c’est vrai que depuis que tu bosses chez toi, tu t’es un peu plus enfermé dans un truc qui nous dépasse un peu. Tout ce qu’on veut c’est que tu partages un peu avec nous ; peut-être qu’on est largués, qu’on est déjà trop vieux, mais normalement c’est ce qu’on appelle un renvoi d’ascenseur.  Nous, on t’emmenait partout avec nous, t’as pas pu oublier alors te voir faire cavalier seul, ben ça nous chagrine ; faut que tu comprennes, c’est pas pour t’embêter

Fred : Ouais, c’est ça ; on dirait que tu nous caches quelque chose mais peut-être que nous ne sommes pas dignes d’entendre  une confidence, ou comme tu le disais quand t’étais gosse, que nous ne te comprendrons jamais. En fait, c’est ça, on voulait juste te dire qu’on était là pour toi mais on s’en voudrait de te forcer à faire quelque chose que tu ne veux pas. Dis nous simplement comment tu vois les choses, et je te promets qu’on te respectera comme avant. Rien n’a changé mais c’est pas plus mal de le rappeler de temps à autre.

Vincent : J’avoue que là vous me sidérez tous les deux ! J’ai peut être bien fait d’arriver en retard, même si je l’ai pas fait exprès. Bon, ok, j’suis dans la merde les gars…

Fred : Je le sentais, j’peux pas expliquer ça mais on le savait pas vrai, Vlad ?

Vlad : Raconte, c’est grave ? T’as besoin d’argent ? T’as fait une connerie ?

Fred : Je suis soulagé, j’vous raconte pas ! C’est con, mais qu’est-ce que j’me sens mieux….

Vincent: Les mecs, j’suis amoureux….

Acte 1 Scène 3.


Fred : Alors là, j’te coupe tout de suite, mais j’appelle pas ça être dans la merde ! Mais c’est génial, Vincent ! Allez, raconte ! Mignon ?

Vlad : Mais oui, on est au 21ème siècle, c’est bon, la société a évolué quand même ; t’as peur de quoi ? Du qu’en dira-t-on ?

Vincent : Euh, de quoi vous me parlez là ? Vous insinuez un truc ou je rêve, il s’agit d’une nana, les mecs !

Fred : Ah ? Mais alors, il est où le problème ? On est athées et pas xénophobes que je sache, qu’est-ce qu’elle peut bien avoir comme tare la meuf ?

Vincent : Ben…J’en sais rien

Vlad : Comment ça t’en sais rien, tu la connais un peu pour savoir que tu es amoureux non ?

Vincent : Je suis sûr d’être amoureux

Fred : Où est le problème  dans ce cas? Pourquoi tu serais dans la merde ? C’est quelqu’un de la famille, c’est ça ?

Vincent : Arrête, c’est pas drôle !

Vlad : Merde ! J’y suis, elle est mariée ! C’est pas Lola, au moins ?

Fred : Non, mais t’es malade, toi !

Vlad : Si on peut plus rigoler…

Vincent : Bon, ça suffit les délires ! J’suis amoureux mais je ne la connais pas physiquement, voilà !

Fred : Comprends pas

Vlad : Merde, Vincent tu t’es inscrit sur un site de rencontres ? J’y crois pas ! Mais y’a des photos sur Meetic, tu dois au moins savoir si elle est blonde ou obèse ou ce genre de truc indispensable…

Vincent : Mais non, vous n’y êtes pas du tout. Je cherchais pas à rencontrer quelqu’un, ça m’est tombé dessus quoi, comme dans la vie !

Vlad : Là, va falloir que tu expliques à tes vieilles branches de frères comment c’est possible de tomber amoureux, et sans le chercher en plus d’une personne anonyme. Qui c’est d’abord ? Qu’est-ce que tu sais d’elle ?

Vincent : Ben c’est ça le problème ; mais vous allez vous foutre de moi…Bon, disons, que je connais son âme mais pas son corps, sa voix ou son visage

Fred : Son âme ? C’est quoi cette blague ? Et les webcams, c’est pour les chiens ? Même moi je sais m’en servir….

Vlad : Ah bon ? Tiens, tiens…on en apprend tous les jours…. Mais, excuse-moi Vincent, j’suis un peu largué, là. Qu’est-ce qui te fait penser que son âme est belle, ou qu’elle te correspond …C’est quoi cette nouveauté ? Elle t’a converti ou quoi ? Tu vas pas entrer dans une secte, dis moi…

Vincent : Mais vous êtes dingues, hein ! Ça fait trois mois que nous entretenons une relation épistolaire…

Fred : Ahahhahaha ! Une relation épistolaire, voyez-vous ça ! Mais on est où là ? Chez Laclos ? En quel siècle tu vis, Vincent ? Plus personne n’écrit de nos jours, ou des sms illisibles par le commun des mortels au dessus de 16 ans. Tu sais ce que je crois ? T’as le syndrome de Peter Pan, tu te refuses à grandir, voilà la vérité, comme Mickael Jackson !

Vincent : Et bien, elle, elle écrit ! Et super bien en plus ! Et ça me touche, ça me parle, qu’est-ce que vous voulez que je vous dise…j’ai eu tort de vous en parler, je savais que vous ne sauriez que railler bêtement. Laissez tomber, passons à autre chose…

Vlad : Non, Vincent ! Là t’es allé un peu trop loin ; t’as commencé par nous avouer que tu étais dans la merde, c’est bien qu’il y a un problème ; alors, dis-nous ! C’est quoi le véritable sujet ?

Vincent : Ben…. Pff, vous allez encore vous esclaffer

Fred : Allez !

Vincent : Elle veut qu’on se rencontre, voilà !

Vlad : Dans ce cas, c’est qu’elle doit être à peu près présentable. Tu ne t’y attendais pas ?

Vincent : Pas si vite. J’ai peur de tout gâcher ; vous pouvez pas comprendre…

Fred : Mais regarde-toi, Vincent ! Elle va craquer ! T’es un beau mec, t’as une situation et t’es célibataire, faut foncer, vieux, si elle te plait pas ben c’est pas grave, y’en a tellement….

Vincent : Mais vous le faites exprès ou quoi ? J’aime cette fille !

Vlad : Alors, qu’est-ce qui te retient ?

Vincent : Je sais pas, j’ai la frousse ; j’ai vraiment la frousse

Fred : Bon, là, j’avoue que j’sais plus quoi dire. Sauf que ça devait arriver, à force de t’enfermer peu à peu dans cette virtualité ; voilà où tu en es…C’est moche…

Vlad :  Non, moi je dis pourquoi pas sauf que je ne comprends pas ta panique ; peut-être que tu ne veux pas t’avouer que tu ne l’aimes pas autant que tu l’imagines, ou que tu préfères l’idée de l’amour à l’amour lui-même…

Vincent : J’en sais rien, je comptais sur vous en fait

Vlad : Comment ça, sur nous ?

Vincent : On a rendez-vous dans trois jours dans un café et j’avais pensé envoyer un de vous deux à ma place…

Fred : Mais t’es fou, toi ! Hors de question, hein, même pas en rêve !!!

Vincent : Je sais, c’est une mauvaise idée, j’suis qu’un lâche, d’ailleurs elle me l’a dit tout à l’heure, c’est pour ça que j’étais en retard, vous savez tout ! Elle m’a écrit « ne crains rien mon beau peureux, à part tomber amoureux »….mais ça change rien, j’ai le cœur dans une centrifugeuse, j’ai pas le cran, voilà, je me méprise mais c’est comme ça….

Vlad :  Mais c’est mignon, ça ! Faut te jeter à l’eau mon gars, je t’accompagne si tu veux…

Vincent : NON !

Vlad : Mais t’es con ou quoi ? Et si c’était la femme de ta vie ?

Vincent : Putain, me dis pas ça, Vlad

Fred : Y’a vraiment que toi pour te mettre dans des situations pareilles, hein… Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Vlad : Oh, ça fait avancer le schmilblick, ça, Fred ! Toujours le bon mot pour réconforter…Bon, banco, j’irai moi !

Vincent : Tu ferais ça ?

Vlad : Pourquoi pas ? Mais j’dois me faire passer pour toi, c’est bien ça ? Va falloir que tu m’en dises un peu plus sur elle, dans ce cas.

Fred : J’ai du mal à cautionner cette idée, j’avoue. Vous vous rendez compte que vous vous foutez de la gueule de cette fille ? C’est dégueulasse.

Vlad : Mais non ! C’est pas dégueulasse ; moi, j’vois ça comme un petit jeu sans conséquences. Je bois un verre avec elle, comment elle s’appelle au fait ?

Vincent : Mina

Vlad : Voilà, je bois un verre avec Mina, et si je considère qu’elle convient à mon frère, je donne mon feu vert, c’est bien ça ?

Vincent : Ouais ! Merci Vlad ! Fred, j’suis pas fier de moi faut pas croire, simplement c’est au dessus de mes forces, tu comprends ? Me juge pas, s’il te plait…

Fred : Je ne te juge pas, mais une relation qui débute par un mensonge, ça donne quoi à ton avis ?

Vincent : Elle comprendra, je suis sûr qu’elle comprendra.

Fred : Et si elle tombe amoureuse de Vlad ?

Vlad : ça fait partie du jeu….Non, j’déconne….

Vincent : Dans ce cas, c’est que je me serais gouré sur toute la ligne…

Vlad : J’pige de moins en moins mais c’est parce que tu me le demandes que je le fais, on est bien d’accords là-dessus ? Tu ne m’en voudras pas, tu promets ?

Vincent : Au contraire, je t’en serais éternellement reconnaissant

Fred : Vous êtes deux inconscients immatures ; j’ai honte de vous deux…

Vlad : oh, fais pas ton rabat –joie, on part pas à la guerre

Fred : Je me demande si vous avez jamais aimé, l’un et l’autre….Et cette fille en cobaye, non franchement, vous vous embarquez dans un truc qui va vous achever….

Acte 1 Scène 4


Vlad : Bon, c’est cool, on a trouvé le thème de la soirée… Tu dis que c’est dans trois jours,  lundi, c’est ça ? A quelle heure ?

Vincent : 18 heures au petit bar en face de la poste, tu vois…

Vlad : Hum, ok je décommanderai un rendez-vous ; en revanche, va falloir tout me balancer, je pars ce week-end, on ne se verra plus d’ici lundi …

Fred : Alors, ta décision est prise ? Une fois de plus, tu mâches le boulot de ce fainéant ? Tout ça pour flatter ta petite conscience ; Vincent, réfléchis, et vas-y, toi !

Vlad : Mais tu vois pas comme il est mal là ? Ça t’amuse de le rabaisser encore ? Qu’est-ce que ça peut faire que j’y aille à sa place ? Il ne va rien se passer, on va parler et c’est tout, qu’est-ce que tu t’imagines ?

Fred : Ok, j’ai rien dit mais vous vous souviendrez que je vous aurai mis en garde

Vlad et Vincent : Oui papa !

Vincent : Tout a commencé sur facebook, vous connaissez ?

Fred : Et en plus il nous prend pour des demeurés !

Vincent : J’ai rejoint un groupe quelconque, je ne me souviens plus de l’intitulé ; elle y figurait et j’ai cliqué sur son blog. Simple hasard, vous me croirez ou non. Je suis tombé sur une nouvelle écrite par elle, vraiment drôle et  j’ai laissé un commentaire, elle m’a répondu et voilà…

Vlad : Et voilà, quoi ? C’est un peu court jeune homme, imagine qu’elle me pose des questions sur mes lectures ou je ne sais quoi…

Fred : C’est injouable, j’vous dis ; si la nana a deux sous de jugeote elle va vite s’apercevoir que vous la menez en bateau, et c’est le pire affront qu’on puisse faire à une femme, vous pouvez me croire.

Vincent : On a décidé qu’à notre premier rendez-vous , on fera comme si on ne se connaissait pas du tout ;  en fait, elle tient juste à vérifier  une hypothèse

Vlad : Une hypothèse ? Aïe ! J’aime pas ça, c’est une scientifique ?

Vincent : elle est prof

Vlad : Shit ! Je déteste ça, les profs…T’aurais du le dire tout de suite. De français, je parie ?

Vincent : C’est une évidence…

Vlad : Double shit ; faudra que j’cause correc’

Fred : J’te l’avais dit ; ça sent….

Vincent :  Mais c’est quoi ces préjugés ringards ?

Vlad : C’est quoi son hypothèse au juste ?

Vincent : Nous nous connaissons d’une vie antérieure, je sais, moi aussi j’ai rigolé mais pas elle.

Vlad : Ouais, mais là ça craint ! Car même si son hypothèse était exacte, et bien c’est l’échec assuré puisque je ne suis pas toi, capito ?

Fred : Mon dieu, mon frère est encore plus barjo que je le craignais… Evidemment que c’est de la foutaise cette hypothèse, on voit bien que vous ne connaissez vraiment rien aux femmes…Elle t’embrouille mon gars, et vous êtes deux à prendre ses prédictions imbéciles au pied de la lettre, ben dis donc, c’est dramatique !

Vlad : Bon, on a bien compris, Fred alors soit tu restes et tu écoutes sans piper mot soit tu te casses, excuse-moi mais on va pas y passer la nuit non plus…

Vincent :  En fait, sois naturel, j’ai confiance, y’a rien de particulier à savoir, on ne parle jamais de nos vies

Vlad : Ben vous parlez de quoi alors ?

Vincent : …De poésie, de voyages, de lectures, de l’actualité parfois….Est-ce que je sais moi, de nos sentiments

Vlad :  Vous en êtes où alors ? Tu t’es déjà déclaré ?

Vincent : Euh, pas vraiment, pas directement

Vlad : Tu m’aides beaucoup Vincent ; merci ! T’es sûr que tu n’as rien de plus à me dire, je sais pas, sur vos goûts, je connais les tiens heureusement mais les siens ?

Vincent : Euh…

Vlad : T’es sûr que tu la connais ? Elle n’a jamais laissé deviner un détail sur son physique ? Tu ne sais vraiment pas à quoi elle ressemble ? Son âge, sa corpulence, la couleur de ses cheveux, je sais pas moi ! Comment vous allez vous reconnaître d’abord ?

Vincent : Ah oui, faut que j’te passe le bouquin

Vlad et Fred : Quel bouquin ?

Vincent : Belle du Seigneur

Vlad : Mama mia, j’l’ai jamais lu….

Vincent : Si ça peut te rassurer, elle  ne va pas t’interroger là-dessus. Et puis elle m’a déjà annoncé qu’elle avait un autre rendez-vous une heure plus tard ; tu vois, faudra aller à l’essentiel…

Vlad : Venons-en alors, c’est quoi ton essentiel ? Quelles infos veux tu que je te rapporte ?

Vincent : Aucune en particulier, tu me raconteras tout, et surtout cette première impression  fondamentale, d’après elle

Vlad : Ce s’rait pas une chieuse par hasard ? Je ne  la connais pas encore mais elle m’a tout l’air de faire partie de cette catégorie…

Vincent : Je t’en prie, Vlad, tu seras sympa, hein ?

Vlad : Attends ! Tu me connais quand même…

Vincent : Justement, c’est ce qui me fait peur

Vlad : Et toi ? Tu seras où ?

Vincent : Chez moi, je bouge pas, je t’attendrai avec un bon repas chaud en guise de récompense

Fred : J’pourrai venir ?

Vincent : Bien sûr, Fred, enfin !

Fred : Parce qu’on sera pas trop de deux, m’est avis. Tu risques d’être déçu, t’y a pensé ?

Vincent : A ton avis ?

Acte 2.Scène 1


Vincent : Quelle heure est-il ?

Fred : 5 minutes de plus que tout à l’heure, vingt-heure trente et une ; quelle impatience,  p’tit frère…

Vincent : Mais c’est bizarre quand même, tu trouves pas ? Il devrait être là depuis une heure au moins….Il s’est passé quelque chose, j’en suis sûr…

Fred : A force de jouer avec le feu aussi …. C’est pas lui, là ?

…….

Vincent : Ben alors ? Pourquoi t’as autant tardé ?

Vlad : Bonjour, hein ! Mais t’as pas vu le temps ? Dès qu’il pleut trois gouttes on peut plus circuler, tu vas pas me reprocher ça aussi…

Vincent : Non, désolé, installe-toi. Alors ?

Vlad : Hé hé….

Fred : ça y est, c’est parti, monsieur va nous faire le coup du suspens….

Vlad : Vous avez l’air à cran tous les deux ; alors j’vais faire court, tout s’est bien passé, voilà, vous êtes contents ?

Vincent : Bon, Fred, commence pas ! Non, allez Vlad, raconte tout depuis le début, tiens commence par le premier regard.

Vlad : Le premier regard ? Mais comment on raconte ça ? J’en sais rien moi… Elle a les yeux marron, euh, je crois…

Vincent : Elle t’a souri ?

Vlad : Non, elle s’est jeté sur mes mollets et les a pas lâchés, un vrai pitbull c’te gonzesse….Oh, les mecs ! Détendez vous ! Evidemment qu’on s’est souris ;  entre personnes civilisées, ça se fait non ? J’en ai même gardé une crampe, tiens….

Vincent : Et sa voix, elle est comment sa voix ?

Vlad : Mince alors, tu vas me poser ce genre de colles pendant toute la soirée ? Sa voix, ben comment expliquer, un brin haut perché mais j’mets ça sur le compte du stress, enfin je veux l’espérer…

Vincent : Comment ça, elle a une voix de casserole ?

Vlad : Quand même pas, mais pas loin…

Vincent : Elle a un accent ?

Vlad : Je pense qu’elle est française pure souche depuis des générations, t’auras aucun problème pour te procurer tous les papiers nécessaires à la publication des bans….

Fred : Et si tu arrêtais de jouer avec les nerfs de Vincent,  l’essentiel on avait dit : elle est jolie ? Quel âge ?

Vlad : Jolie, jolie, j’en sais rien moi ;  vous me posez que des questions vagues aussi. Elle est normale, entre 30 et 35 ans, difficile d’être précis ; en fait, c’est ce qu’on appelle une personne sérieuse ….

Vincent : Ah bon ? Mais on fait que se marrer ensemble….

Vlad : Elle doit être plus à l’aise à l’écrit qu’à l’oral… A ce propos, j’espère que j’ai pas fait une bourde…

Vincent et Fred : QUOI ?

Vlad : Ben, elle voulait absolument connaître mon écriture…Elle m’a demandé d’écrire un truc sur la page de garde de son bouquin, là….J’étais embêté, vous pensez bien, j’ai essayé d’imiter l’écriture de Vincent

Vincent : Oh non ! Mais qu’est-ce que tu as écrit ?

Vlad : …..

Fred : Pathétique, allez crache le morceau, t’as écrit ton nom !

Vlad : Comment tu sais ? Enfin, non  quand même, pas le mien, j’suis pas con à ce point…

Vincent : Elle te demande d’écrire un truc et toi tu écris ton nom ????????? J’y crois pas !

Vlad : Au moins ça l’a fait rire, c’était pas gagné, j’vous jure… D’ailleurs elle a eu l’air moins tendu après…

Vincent : Tu m’étonnes, c’est foutu….

Vlad : Ouais, ben alors ça, je l’attendais…J’aurais bien voulu vous y voir, hein ; j’avais l’impression de passer  devant une examinatrice qui chausse des lunettes pour lire un mot, j’en avais des sueurs froides, dites donc !

Fred : Mais de quoi vous avez parlé ?

Vlad : Ben au début on était un peu gênés, alors on parlait pas trop, on se souriait en buvant nos verres…d’où ma crampe..

Vincent : Vous avez bu quoi ?

Vlad : Je suis arrivé le premier, j’ai commandé un demi

Fred : Mais Vincent déteste la bière !

Vlad : Elle a commandé un thé …Sachet à part…

Fred : Ah ouais, ben voilà, tout est dit ! T’étais habillé comme ça, en costume ?

Vlad : Oh les mecs, j’ai bossé moi aujourd’hui ! J’aurais du me changer ? Vincent ? Tu m’as rien dit là-dessus…

Vincent :  Au point où on en est…. Non, mais t’inquiètes, j’crois pas lui avoir jamais dit comment je me fringuais ou ce que je buvais… Non, ce qui me tracasse c’est que tu n’aies rien à me révéler  sur elle ; c’est une fille quelconque, sans âge et sans charme, c’est ça ?

Vlad : Je connais mal tes goûts aussi, peut-être qu’elle te plaira, c’est difficile… En tous cas, elle louche pas, n’a ni bec de lièvre ni nez crochu, les cheveux châtain coupés au carré sur la nuque, taille moyenne, poids moyen… Ouais, voilà, elle est moyenne, quoi….J’ai dit une bêtise là ?

Fred : Disons qu’en l’occurrence tu ne fais pas honneur à ta légende de meilleur commercial de ta boîte…

Vlad :  Le lundi aussi, c’était pas un bon choix pour moi, c’est ma journée la plus stressante de la semaine, j’ai enchaîné des réunions toute la journée alors celui de 18 heures…

Vincent : T’aurais pu le dire, en fait ça t’a fait chier d’y aller

Vlad : Pas du tout ! T’y es pas du tout ! Au contraire, je me suis dit que ce serait un bon palliatif mais justement, dès que je l’ai vue j’ai eu l’impression d’avoir un rendez-vous d’affaires, elle est un peu revêche quand même, un poil sur la défensive….

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Fred : ça c’est pour toi, Vincent. Ça doit être elle qui te t’envoie son compte rendu… Te gêne pas pour nous, on t’attend….

( Vincent quitte la pièce)

Fred : T’en fais pas un peu trop, là ?

Vlad : J’y peux rien, elle est mortelle la meuf

ACTE 2 Scène 2


Fred : Est-ce que t’étais obligé de dire à Vincent que cette fille est sans relief, aussi… Il attendait beaucoup de ce rendez-vous, t’aurais pu le préparer un peu, te montrer diplomate….

Vlad : C’est pourtant ce que j’ai essayé de faire ; tu auras remarqué que je lui ai épargné son accoutrement ; la fille s’habille dans un camaïeu de beige et de marron, j’t’assure je croyais que ça ne se faisait plus depuis les années 70 ; et tu vas croire que j’affabule mais elle portait un sous-pull sous un gilet, je ne sais pas si tu réalises ! UN SOUS-PULL BEIGE SOUS UN GILET CROCHETE MARRON….

Fred :  Avec une jupe longue en tergal sur des bottes en skaï ? Arrête, Vlad !

Vlad : Voilà exactement pourquoi je n’ai rien dit. Mais tu vas rire…

Fred : Elle arborait une médaille de la sainte vierge au bout d’une fine chaîne en or au dessus de son col roulé ?

Vlad : Ahhhhaa, pas fais gaffe… Non, elle a un clebs.

Fred : Quelle marque ?

Vlad : Aucune idée, genre chihuahua tu vois ; le petit toutou  n’a pas cessé de lui lécher le menton et les mains, c’est une dégueulasse, j’te dis ! J’peux pas dire ça à Vincent, si ?

Fred : Surtout pas, malheureux !

Vlad : Non, j’t’assure c’est pas du tout une fille pour lui. Et puis j’ai tout de suite vu que je ne lui plaisais pas du tout, ça m’a refroidi, quoi…

Fred : Ouais, en même temps , t’étais pas vraiment là pour lui plaire…

Vlad : écoute, c’est simple, j’avais l’impression d’être un gamin face à elle, et puis sa façon de tortiller ses mains, tout le temps, on voit qu’on a affaire à une vieille fille, si ça se trouve elle est encore vierge, non mais j’t’assure ça fait quelque chose de se trouver face à une telle caricature…

Fred : Moi qui m’attendais au portrait d’une bimbo… C’est sûr, tu ne dresses pas là le portrait robot de la femme idéale mais si elle plait à Vincent, pourquoi pas, hein ?

Vlad : Mais tu veux rire, j’espère ! Tu connais la meilleure ?

Fred : N’en rajoute pas trop et dis plus rien de méchant à Vincent, d’accord ?

Vlad : Faudrait savoir ce que tu veux, je croyais qu’il ne fallait plus le ménager…

Fred : En douceur, tout de même, il est fragile le petit

Vlad : Ouais ? Alors il va apprécier d’apprendre qu’elle vit toujours chez sa mère…

Fred : Tétraplégique ?

Vlad : J’ai pas demandé mais elle bosse pas en attendant, j’sais pas si Vincent est au courant ; elle a pris une disponibilité d’un an…

Fred : ah bon ? Mais pour quelle raison ?

Vlad : J’ai pas bien compris si c’était pour se caser ou écrire un roman, peut-être les deux ; elle prenait mes questions anodines pour de véritables agressions, pourtant j’crois avoir été plutôt sympa…Non, faut l’admettre, on n’a aucun atome crochu !

Fred : Ohé ! As-tu bien compris qu’il ne s’agissait pas de toi dans cette histoire ? Je me demande…

Vlad : J’ai peut-être été à côté de la plaque ; faut dire qu’elle s’exprime par citations ; tu vois le genre, toujours un proverbe à la bouche, c’est d’un pénible…

Fred : Des proverbes ? Comment ça ?

Vlad : Ben, par exemple lorsqu’elle est arrivée, elle était un peu trempée tu vois, rapport à la pluie ; elle retire son imper et me lance d’entrée, avant même un bonjour «  il pleure dans mon cœur comme il pleut dehors »

Fred :Sur la ville…. Comme il pleut sur la ville…

Vlad : Tu connais ce proverbe, toi ?

Fred : C’est un poème, Vlad !

Vlad : Ah ? Oups, j’ai p’t’être fait une autre bourde alors…

Fred : Ne me dis pas que tu as répondu à ça ?

Vlad : oh, juste une petite blague pour détendre l’atmosphère…

Fred : Vlad !

Vlad :  J’ai juste dit : il pleut des gouttes d’eau bientôt y’aura des mares d’eau

Fred : avec l’accent ?

Vlad : Ben oui, sinon c’est pas drôle.

Fred : T’es en train de me dire que tu  as répondu : il pleut des couteaux bientôt y’aura des marteaux au poème de Verlaine ?

Vlad : C’est de Verlaine ? Marrant, j’pensais que c’était un proverbe alsacien…

Fred : Tu racontes pas ça à Vincent, il s’en remettra jamais…. Quelle idée, mais quelle idée débile de t’envoyer là bas…

Vlad : Mais on s’en fout c’est un thon de toute façon, qu’est-ce que ça peut faire ?

Fred : Mais tu vois pas dans quel état il est ? ça fait une heure qu’il tourne en rond comme si sa vie était suspendue à la tienne,  t’es vraiment un sombre rigolo, on peut pas te faire confiance , tu changeras jamais…. Vincent est un je-m’en-foutiste et toi tu prends tout à la rigolade, il n’y a que moi qui ai gardé la tête sur les épaules dans cette famille, c’est dingue quand même !

Vlad : Alors il fallait y aller toi-même, t’aurais pu enchaîner…

Fred : Ouais, celui-là au moins de poème, je connaissais, comme tout le monde à part toi ! Inculte !

( Vincent entre dans la pièce et se rue sur Vlad)

Vincent : Espèce de salopard !

Acte 2 Scène 3

Fred : Arrête Vincent ! Qu’est-ce qu’il te prend ? Je t’avais prévenu que ça finirait mal, mais tout de même, vous allez pas vous entretuer pour une vieille fille qui pue le chien mouillé !

Vincent : Hein, qu’est-ce que t’as dit ? Répète !

Vlad : Mais qu’est-ce que j’ai fait ? Vincent, dis-moi ! J’ai pas été à la hauteur, ok, j’admets mais j’ai pris ce risque pour toi ! Tu te souviens ? A TA demande ! A ta demande expresse, Fred est témoin !

Vincent :  Bon, allez ; faut oublier cette lamentable histoire, tout est de ma faute, j’ai pas assuré ; allez-y, c’est bon…Vous en faites pas, j’m’en remettrai…

Fred : C’était elle ? Elle t’a donné sa version des faits ?

Vincent : Oui, c’était elle…. Une fin de non recevoir à laquelle j’ai tout de même répondu, mais c’est cuit !

Vlad : J’ai fait mauvaise impression, c’est ça ?

Vincent : Laisse tomber, j’te dis, c’est ma faute…( il se lève et déambule) Mais, mais… Est-ce que tu t’es VRAIMENT senti OBLIGE de retrousser tes manches pour faire admirer ta Rolex ? C’était vraiment INDISPENSABLE, tu crois ? Pff… Mieux vaut oublier….

Vlad : Attends ! Elle t’a raconté ça ??? Elle est pas gênée ! Elle a failli m’ébouillanter avec son thé et OUI, j’ai été obligé de retrousser mes manches, désolé ! Encore heureux que ma montre est étanche, putain j’y crois pas !

Fred : Voilà pourquoi il faut toujours comparer les versions…. Elle te voit en frimeur tout en taisant sa maladresse, intéressant….

Vlad : Euh, Fred, épargne-nous ta vision psychanalytique, s’il te plait. C’est une frustrée point barre !

Vincent : C’est sûr ! Faut vraiment être frustrée pour pas sauter sur son siège comme un cabri et se pâmer devant ta BM que tu as pris la peine de garer JUSTE en face du bar, et dont tu actionnais la télécommande pour mieux t’en gausser ; un sarkoziste primaire, voilà comme elle me voit !

Vlad : Rien à voir ! C’est la seule place que j’ai trouvée et l’alarme s’est déclenchée ! J’étais bien obligé de l’arrêter non ? On s’entendait plus…. Quoi ? Quoi ?

Fred : Rien, mais , non rien…. Tu connais Vlad, Vincent, j’te l’avais dit….

Vlad : ça va être de ma faute à présent ?

Vincent : Et ton portable qui n’arrêtait pas de vibrer sur la table, c’est d’un goût, ça aussi….

Vlad : Elle est bonne celle-là ! Je prends sur mon temps de travail pour palier tes défaillances et j’fais tout de travers ; mais fallait pas m’envoyer au front mon p’tit gars ! Maintenant si tu crois tout ce que cette petite prof au chômage te raconte, c’est ton problème, nous on ne se connaît que depuis une petite trentaine d’années,  ça vaut quoi face à cette fulgurance virtuelle ? Peanuts ! T’as raison, va ! Fais du bien à Jean il te répond en cagant ! Tu lui répondras ça de ma part à ta fanatique des proverbes !

Vincent : C’est quoi ce nouveau délire ?

Fred : Laisse tomber. Tu ne peux pas honnêtement reprocher à Vlad d’être ce qu’il est ; on le connaît nous, on sait bien qu’il est addict à tous ces signes ostentatoires de richesses. Tout autre que nous le prendrait pour un parvenu, c’est ce qu’a pensé ta copine, bon, rien de bien original en l’espèce

Vlad : C’est moi le parvenu ? Parce que je ne porte pas des costumes Kyabi ? Parce que j’aime la qualité, c’est ça ? Mais est-ce qu’elle sait au moins d’où je viens la fonctionnaire de mes fesses ? Est-ce qu’elle se doute tout ce que j’ai pu endurer avant d’en arriver là ? Mais je l’emmerde moi, la mal baisée qui pue du bec !

Vincent : Va pas trop loin, Vlad…. Je prends tout sur moi ; Fred avait raison, c’était une mauvaise idée, inutile de te remettre en question pour si peu ; EXCUSE-MOI et merci pour ton geste, vraiment…Je me suis emporté pour rien ; elle n’a pas à te juger, c’est toi qui as raison, ça va comme ça ou je dois m’allonger à tes pieds ? Mais regarde-moi et réponds franchement : elle pue vraiment du bec ?

Vlad : Non ;  enfin, je sais pas, quand je me suis avancé pour lui faire la bise, elle m’a tendu la main ; une poignée plus que ferme, je dois dire ; et les mains glaciales et sèches…

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Fred : Ah ! Rebondissement dans l’affaire Mina ! J’sais pas ce que tu lui as écrit, mais on dirait bien que ça a porté ses fruits…

Vlad : Bon, j’me sauve moi ! M’en voulez pas mais j’ai une famille qui vit dans un logis bien rutilant ! Et le lundi, j’bouffe pas des raviolis ! Arrivederci la compagnie et tenez moi au courant !

Vincent : J’y manquerai pas et bien le bonjour chez toi ; merci hein, désolé pour tout ça…Tu restes Fred, j’reviens tout de suite….

Acte 2 Scène 4

Vincent : J’ai déconné non ?

Fred : On peut dire ça comme ça mais je…

Vincent : Oui, tu m’avais prévenu, je sais. Non, mais là j’pensais à Vlad…

Fred : Vlad, Vlad…. Mais pourquoi on l’appelle comme ça aussi, ça vient d’où ?

Vincent : De sa rencontre avec son égérie, c’est une trouvaille de Cat’

Fred : Ah oui, c’est ça : Cat’ et Vlad’, c’est hyper tendance …. Dorénavant je l’appellerai à nouveau Vladimir, ça le fera peut-être atterrir…Non mais c’est vrai, ils se prennent pour qui  tous les deux ? Cat et Vlad’ à Megève, Vlad et Cat aux Bahamas,  Cat et Vlad dans leur 200 mètres carré…

Vincent : Bonne idée, comme ça ta réputation de vieux jaloux aigri reprendra du poil de la bête…

Fred : J’suis un ringard, inutile de le souligner, Lola l’a déjà fait pas plus tard qu’hier.

Vincent : Lola ? Alors, là tu m’étonnes, c’est pas son genre.

Fred : Oui, Vlad et toi avez toujours été en admiration béate devant elle ; Lola la classe vous l’appeliez, tu te souviens ? En ce temps, elle m’admirait encore mais c’est du passé, maintenant j’suis un has been ; mon cabinet puerait le rance et ma clientèle trop âgée me rangerait dans la catégorie des préretraités. D’un côté, elle a pas tort, j’le vois bien, j’me sens largué en ce moment, j’ai toujours l’impression d’avoir un train de retard, tout va trop vite pour moi…

Vincent : Oh, Fred, ça va pas ?

Fred : ça va s’arranger, va ; j’ai confiance…Toi aussi tu crois que je devrais informatiser le secrétariat ?Tu pourrais y jeter un œil à l’occasion ?

Vincent : Bien sûr, sans problème, vieux ! Lola a raison s’il s’agit de ça ; faut penser à la suite, et puis arrête de te braquer face à la modernité, faut s’adapter c’est tout, y’a aucune raison de flipper devant un logiciel de gestion de rendez-vous. Sérieusement, Fred, Lola est une fille géniale, va pas tout gâcher pour un détail….

Fred : Oui je sais bien, vous avez raison tous les deux ; j’y ai pensé toute la journée…

Vincent : Je passe demain, promis !

Fred : Merci  mais je te paierai pour ça, hein, ne t’en fais pas j’suis pas du genre à exploiter la jeunesse qui se lance…

Vincent : Il s’agit bien de ça, va ! On verra ensemble l’étendue des dégâts, en début d’après-midi, ça te convient ? Le matin, je peux pas…

Fred : Parfait ! Bon, revenons à nos moutons ; t’en es où alors avec Mina ? Tu lui as dit quoi pour ce rendez-vous raté ?

Vincent : Ben ça, justement…. Que j’avais une crève pas possible et que j’avais confié à mon frère ce rendez-vous qu’il a cru bon d’honorer à ma place sans me demander la permission…

Fred : Sans blague ? Mais t’es machiavélique ! Ahahahhaha ! ça me fait plaisir, tiens, je n’aurais pas pensé que tu sois capable d’un tel mensonge … Ben dis-donc ! Les temps changent…Et alors ? Comment elle l’a pris ?

Vincent : Avec un grand éclat de rire ! C’est pour ça que je m’étonne que Vlad l’ait trouvée si sérieuse, elle a beaucoup d’humour ! Elle m’a confié que dès le premier regard elle a vu que quelque chose clochait, que je ne pouvais être ce bonimenteur

Fred : Bonimenteur ? Elle a dit ça ?

Vincent : C’est le terme qu’elle a utilisé, oui. Elle a tout de suite tiqué sur le costume Hugo Boss, et puis sa façon de dégainer sa carte gold pour régler l’addition…toute la panoplie, quoi….

Fred : Forcément, c’est une intellectuelle qui ne pouvait que se montrer insensible à ce genre d’esbroufe ;  tu vas rire, mais j’ai regretté de ne pas y être allé moi-même ; après tout, c’était mon rôle d’aîné …

Vincent : Il est pas trop tard…

Fred : Qu’est-ce que tu dis, tu déconnes là ?

Vincent : Ben…

Fred : Chat échaudé craint l’eau froide, ça te rappelle rien ?

Vincent : SI ! Justement, qu’est-ce qu’il a voulu dire Vlad, en parlant de ces proverbes dont elle serait férue, il t’a rien dit là-dessus ?

Fred : Non, ça m’aura échappé…Ne me dis pas qu’elle te donne une seconde chance que tu es déjà prêt à envoyer bouler ?

Vincent : Elle veut qu’on dîne ensemble …

Fred : Quand ?

Vincent : Maintenant !

Fred : Mais il est presque 22 heures !

Vincent : Elle m’attend dans un petit restau russe où elle a ses habitudes… Fred, s’il te plait…

Fred : Non, mais là c’est la chance du débutant ! Prends ton courage à deux mains et fonce !

Vincent : Ecoute, j’aimerais bien avoir ton avis sur elle ; j’sais pas pourquoi mais tu sembles plus en phase…Comme ça j’aurai deux sons de cloches…

Fred : T’étais à deux doigts de casser la gueule à Vlad tout à l’heure et tu veux m’envoyer au charbon, quitte à tout perdre ? Nous tes frères, et puis Mina ? C’est pas raisonnable…

Vincent : Je sais bien que ça n’a rien de raisonnable. J’avais la frousse et maintenant j’ai honte ; j’aurais pas la force … si tu n’y vas pas, j’irai pas non plus… JE PEUX PAS, tu comprends ça ? J’en suis incapable

Fred : Tu vas me maudire mais tant pis, faut que t’ailles voir quelqu’un, Vincent. Faut que tu consultes. Ton comportement n’est pas normal. C’est juste la vie, rien que la vie ! Si tu te plantes t’auras au moins cette satisfaction d’avoir essayé, tu comprends ça ?

Vincent : Mais qu’est-ce que tu crois ? Que je suis fier de ça ? Que je te demande ce truc insensé pour mieux me vautrer dans ma propre merde ? JE SAIS TOUT CA ! Ça me rend malade ! Tu veux tout savoir ? Depuis 18heures, j’ai vomi trois fois !Tu veux d’autres détails ragoûtants de ce style ? J’en ai d’autres en magasin….

Fred : Admettons que j’accepte, il se passera quoi par la suite ? Qui tu enverras au troisième rendez-vous ? QUI ??????

Vincent : Si tu y vas ce soir, je te jure que je ne te demanderai plus rien ; je prendrai mes responsabilités…. Ce qu’a dit Vlad de Mina ne colle pas du tout avec ce que j’ai imaginé, toi tu seras plus objectif, j’en suis sûr… Je pourrais faire la part des choses et je trancherai dans le vif ! Je te promets…

Fred : Tu sais que c’est la chose la plus absurde que j’aurais accompli dans toute ma putain de vie, tu te rends compte de ça ?

Vincent : ………

Fred : Il est où ce restau ?

Vincent : T’es sérieux ?

Fred : Je peux pas te voir dans cet état ; c’est plus fort que moi….

Vincent : T’es un vrai frère ! Merci

Fred : Ne me dis SURTOUT pas merci.

ACTE 3 Scène 1


Vincent : Tu vois c’était pas bien méchant… Une petite heure de formation pour ta secrétaire et l’affaire est dans l’sac….

Fred : Oui, c’est bizarre faudra que je m’interroge là-dessus…On en fait toute une histoire, mais au fond c’est qu’une application qui va simplifier mon travail et celui de Gilberte ; en espérant qu’elle ne s’en effarouchera pas trop ; elle est comme moi, tu sais, de la vieille école…

Vincent : Ne t’inquiète pas pour ça, elle pourra même jouer au solitaire entre deux tâches, je suis sûr qu’elle va adorer… Tu te souviens ? Maman était dingue de ce jeu…

Fred : Mouais, j’vais quand même pas la payer à jouer, faut pas charrier…Non, je me demande pourquoi j’en ai fait une sorte de montagne insurmontable, un peu comme toi avec Mina quoi… Pourquoi on se crée soi-même ses propres peurs irrationnelles, t’as une idée ?

Vincent : Pour moi j’sais pas mais en ce qui te concerne je pense juste que ton esprit borné refusait que cette simple idée te soit soufflée par un tiers, et comme en l’occurrence il s’agissait de Lola tu t’es fermé comme une huitre, faudra travailler là-dessus… Je blague, bien sûr…Bon, maintenant que cette histoire est réglée, si tu me parlais un peu de Mina ? Je ne sais pas ce que tu lui as fait mais elle ne tarit pas d’éloges…Alors, rassure-moi et vite avant que je désinstalle tout !

Fred : Ecoute, elle est adorable. J’peux pas dire mieux. On a passé une soirée très agréable, nous avons beaucoup ri, c’est une charmante compagnie, très fine, spirituelle…

Vincent : Vraiment ?

Fred : Vraiment ! En plus d’être sympathique et intelligente, elle est charmante ; je comprends mieux pourquoi elle n’a pas plu à Vlad ….Elle n’est pas du genre à se maquiller comme une voiture volée ou arborer un décolleté plongeant, tu vois…Elle, c’est plutôt simplicité mais tout en fraîcheur, attention ! Oui, adorable, c’est le qualificatif qui me vient naturellement à l’esprit quand je pense à elle

Vincent : Et t’y penses souvent ?  Non, parce que là, j’me pose des questions quand même….

Fred : M’enfin ! Que vas-tu chercher ? Je te dis ce que j’ai pensé d’elle, en toute sincérité. Maintenant si tu préfères que je me range à l’avis de Vlad, tu me dis…

Vincent : Non, c’est pas ça mais le mail de Mina, ce matin, m’a un peu mis mal à l’aise, pour être franc….J’ai vraiment l’impression qu’elle a craqué, mais qu’est-ce que tu lui as dit ? Tu l’as draguée ou quoi ?

Fred : Ah, ben voilà…C’était à prévoir, j’aurais dû faire le goujat, ça t’aurait rassuré. Désolé, mais j’ai simplement essayé de me montrer agréable, et il est vrai que je n’ai pas eu à me forcer. Tout semblait aller de soi et puis nous nous sommes régalés, faudra que tu retournes avec elle dans ce restau, c’était fameux !

Vincent : Bon, si j’ai bien compris, c’est foutu pour moi. Elle ne pourra que se montrer déçue après ta prestation… J’te reproche rien, je constate, c’est tout.  Après tout, je l’ai bien cherché, n’est-ce pas ?

Fred : Arrête de te monter la tête tout seul ; à aucun moment, et je suis prêt à le jurer sur la tête de maman, il n’y eut la moindre ambigüité durant toute cette soirée ; nous avons commencé par parler de Vlad et comme tu peux l’imaginer on est tombé d’accord…Je l’ai réhabilité au passage, lui racontant un peu de notre enfance…

Vincent : Notre enfance ? Merdalors, tel que je te connais t’as pas pu t’empêcher de pasticher Zola…

Fred : Tu me prends pour qui ? Ben dis donc, ça fait toujours plaisir… Non, pas du tout, tu te trompes, d’ailleurs si tu t’étais davantage intéressé à elle tu saurais qu’elle a vécu des trucs à peu près similaires, alors j’ai pas eu besoin de verser dans le misérabilisme, ne t’en déplaise…

Vincent : Ok, ok… prends pas la mouche, on peut parler, non ? Pourquoi tu réagis comme ça ?

Fred : Parce que ça m’énerve cette suspicion sous-jacente ; j’en ai un peu marre aussi que vous vous borniez à cette image austère de moi…Comme si je n’avais aucun humour et prenais tout au premier degré, désolé mais il est vrai que pour la première fois depuis longtemps je me suis senti à l’aise avec une personne que je ne connaissais pas sans pour autant avoir envie de lui sauter dessus…

Vincent : D’accord, Fred, j’ai compris… Et sinon, puisque tu as parlé de notre enfance, ai-je été inclus dans ce flash back ?

Fred : J’ai confié, effectivement que nous étions trois frères sans m’appesantir là-dessus…

Vincent : Sûr ?

Fred : Enfin, t’as confiance ou pas ? Avoir Mina pour belle-sœur serait une joie, alors quel serait mon intérêt de te casser la baraque ? Et puis moi je resterai fidèle à Lola, quoi qu’il arrive, tu devrais le savoir…

Vincent : Je n’en ai jamais douté, c’est toi qui te fais des films là…

Fred :  Bon, alors tu reprends la main ? T’y crois toujours ? Moi je te le dis comme je pense, c’est une fille rare que t’aurais tort de laisser filer…

Vincent : Mais je n’en ai pas l’intention ; on se voit vendredi, comme prévu ? Faut que j’file ; merci pour tout, tu vois je savais que tu serais plus objectif que Vlad

Fred : Faut pas lui en vouloir ; l’idée de te voir casé ne devait pas lui plaire autant que ça, même s’il ne l’admettra jamais…

Vincent : Possible….Allez, à plus frangin !

Acte 3 Scène 2


Vlad : Qu’est-ce qu’il se passe Fred ? Tu m’as foutu une de ces trouilles ! Que signifie ce message alarmiste, il est arrivé quelque chose à Vincent ?

Fred : En quelques sorte, oui ; assieds-toi, faut que je te raconte. J’ai besoin de ton concours. Ah ! Je me sens rajeunir depuis hier soir ! Je me marre, mais je me marre…

Vlad : T’as perdu la tête ou quoi ? Tu me fais annuler deux rendez-vous pour écouter tes blagues de potache ? Je rêve là ! Je peux encore rattraper le coup ; T’es complètement cinglé, mon vieux !

Fred : Assieds-toi je te dis ! Tu crois que je te ferais déplacer sans raison, pour une brève de comptoir ?

Vlad : Soit, t’es excité comme une puce, doit bien y avoir une raison…C’est Lola ?

Fred : Mina !

Vlad : Quoi ? Cette grue ! J’veux plus en entendre parler,  no way !

Fred : Tu te fous du bonheur de ton frère alors ?

Vlad : Comment pourrait-il être heureux avec cette trompe la mort ? Au contraire, je lui ai rendu le meilleur service qui soit, même si j’ai légèrement noirci le tableau, aux grands maux les grands remèdes, t’es pas d’accord, toi le toubib ?

Fred :  Non seulement j’suis pas d’accord mais c’est moi qui ai rattrapé le coup comme tu dis…Ecoute, un peu de sagesse te fera pas de mal. Si cette fille plait à notre frère, c’est le principal, non ? Et si on peut lui donner un petit coup de main, au passage, qu’est-ce qui  pourrait le rendre plus heureux ? Tu sais quoi ? Se sentir utile pour quelqu’un qu’on aime, ben c’est presque jouissif…

Vlad : Mais, t’as pris un truc ou quoi ? Allez, avoue, les médecins sont tous des camés, tu marches à quoi, toi ? J’dirai rien, promis !

Fred : Ben à ça justement, à la fraternité ! Allez, laisse-toi faire, tu verras comme ça fait du bien…

Vlad : Je comprends rien à ton langage, mais rien de rien ! Tu veux que je teste un nouveau médoc hallucinogène, c’est ça ?

Fred : J’veux juste que tu fasses une bonne action. La B.A de ta vie, si ça se trouve…

Vlad : Revenir sur ce que j’ai dit au sujet de cette Mina ? Mais j’ai même pas eu le temps de faire ma déballe qu’il est monté sur ses grands chevaux, le frérot….A  moins que tu lui aies rapporté mes propos ? T’as tout balancé ; c’est ça ?

Fred : Mais tu vas m’écouter à la fin ? D’abord j’ai rien balancé, évidemment ! Surtout pas cette histoire de  toutou abracadabrantesque… Non, j’ai dîné hier soir avec Mina et j’ai passé une charmante soirée…

Vlad : Et bien tant mieux ! Qu’est-ce que tu veux que ça me fasse ! Et tu lui as prescrit quelque chose ?

Fred : Mais t’es jaloux, c’est dingue ! Elle a un teint de porcelaine ! T’es méchant, j’y crois pas !

Vlad : Sincèrement, elle t’a plu ? Sans rire ?

Fred : Mais Vlad, il s’agit pas de nous ! Quand vas-tu te rentrer cette idée dans le crâne ? Il s’agit de notre frère, on a trouvé la personne qui pourra l’ouvrir aux autres ! Tu sais, j’ai bien réfléchi, on est un peu responsables, autant toi que moi, de ses phobies, peut-être même les a-t-on entretenues à notre insu…

Vlad : T’es sérieux, là ?

Fred :  Ben oui, qu’est-ce qu’on lui a proposé comme nouvel horizon que ce rituel hebdomadaire qui a viré au vaseux, hein ? Ça nous arrangeait bien qu’il n’ait comme référents  que ses deux frères aînés, ce regard énamouré qu’il nous a toujours porté, est-ce qu’on est prêts à s’en passer ? Réponds-moi…

Vlad : Pourquoi on devrait s’en passer ?

Fred : Justement, on s’en passera pas s’il tombe amoureux, au contraire ! On va l’aider sans qu’il le sache et ça va éclairer nos vies, c’est moi qui te le dis…

Vlad :  Sois plus concret, parce que là je me sens un peu con, tu vois. Je comprends pas bien…

Fred : Si t’es d’accord sur le principe, je te raconte tout mais d’abord je veux ton aval…

Vlad : Ah ? Faut que je signe un chèque en blanc ?

Fred : Mais non, juste que tu te décides à nous faire un peu confiance. Surtout à Vincent, on l’a tellement protégé qu’il est incapable d’agir seul et ça, je sais pas ce que tu en penses, mais c’est grave quand même…

Vlad : Bon, ok, banco. Qu’est-ce qu’il faut faire ? Faut que je m’excuse auprès de la prof ?

Fred : Même pas ! C’est beaucoup plus simple que ça, tu verras…

Vlad : Si c’est simple, je suis l’homme de la situation…

Fred : Alors, voilà ; il faut simplement que tu sois là ce soir, ici même au cabinet. Il vient de m’installer un nouveau logiciel qui va faire péter le système. Je vais l’appeler à l’aide.

Vlad : C’est quoi ce problème ? Je m’y connais un peu en informatique, je peux peut-être t’aider…

Fred : Mais non, hahhahha, ça fait partie de mon plan machiavélique. Tout ce que tu as à faire c’est te pointer ici vers 19 heures, t’auras qu’à me dire que tu t’inquiètes pour un grain de beauté qui s’est mis à saigner. Fais-moi confiance, tu sauras tout ce soir… Promis ! Avec un peu de chance tu seras à l’heure à ton deuxième rendez-vous. A ce soir, je compte sur toi !

Vlad : Si tu m’avais dit tout ça au téléphone, j’aurais compris  pareil…

Fred :  Pas sûr, vue la tête que tu fais, allez file, tu vas être en retard

Acte 3 Scène 3

Vincent : Bon voilà, c’est réparé. Je me demande comment tu t’es débrouillé pour faire planter le système ; je crois qu’il va falloir que je revienne pour mieux t’expliquer.

Fred : J’ai l’impression que Gilberte n’a pas osé m’avouer ce qu’elle avait bidouillé. Bon allons-y, j’ai réservé la table, tu verras c’est sensas…Et j’te dois bien ça..

Vincent : Si Mina ne m’avait pas averti qu’elle s’absentait deux jours, sans connexion, je pourrais penser à un guet-apens tu sais…

Fred : Mina ? C’est une idée fixe ma parole ! Non, simplement  je tenais à te remercier et ce restau propose une de ces vodkas polonaises, mon vieux, j’te dis que ça…. Allez go, les tables sont chères là bas, j’aimerais pas me voir voler la place

Vincent : Tu n’as pas réservé ?

Fred : Bien sûr que si ! Justement,  le patron m’a annoncé que si l’on ne se présentait pas à l’heure, il ne pouvait se permettre de conserver la table.

Vincent : Ok, allons-y alors. Si c’est si bien que tu le dis et puis ça me familiarisera avec un décor que Mina apprécie.

Fred : Des nouvelles d’elle ?

Vincent : Yes sir ! Mais comme tu me l’as si bien conseillé, je garde la main à présent

Fred : Et tu fais bien…. Tiens, Vlad, qu’est-ce qui t’amène ? Tu te joins à nous, nous partions dîner..

Vlad : C’est le dermato que je viens voir ; excuse-moi, j’ai pas appelé mais j’voudrais te montrer quelque chose qui me tracasse un peu.

Fred : T’as l’air tout bizarre…Entre, je vais regarder ça….Vlad, tu n’as qu’à nous précéder, on te rejoint, ça marche ?

Vincent : Euh… Bon, mais ça va aller ? T’es sûr ? Ça va, Vlad ?

Vlad : Oui, t’inquiète c’est peut-être rien mais comme je pars demain, j’ai préféré régler ça se soir. Si je suis pas de trop je vous accompagnerai

Vincent : J’y vais dans ce cas. Tardez pas trop, je goûterai à cette fameuse vodka en vous attendant.

Fred : Oui, c’est ça ; je suis sûr que ce n’est rien, Vlad est un hypocondriaque, tout comme toi. Allez, à tout de suite…

( Vincent s’en va)

Vlad : Alors, c’est quoi cette mise en scène ? Ça fait partie de ton plan machiavélique ?

Fred : Tout juste ! Mais d’abord, chapeau ! Tu as joué ton rôle à merveille ! Même moi j’y ai cru…

Vlad : Et alors ? Tu oublies le conservatoire quand on était mômes ?

Fred : Ah, mais tu as raison ! J’avais complètement oublié ! Je ne me souvenais pas que tu étais aussi doué… Bravo !  On va fêter ça ! Tu vas goûter cette vodka, le p’tit Jésus en culotte de velours, j’te dis que ça…

Vlad : Nasdrovié… On fête quoi au fait ?

Fred : Le couronnement de mon plan machiavélique ! Dans quelques minutes, Vincent sera face à Mina qui s’avancera vers lui, lui prendra la main pour le conduire à table. Sur ce, trois violonistes accompagneront ce premier et tendre regard en leur tendant une coupe de champagne qu’ils boiront les yeux dans les yeux. Au fait, elle a pas les yeux marron Mina, mais bien les yeux noirs !

Vlad : Et tu as organisé tout ça ? Toi tout seul ?

Fred : Non, tu sais bien que je n’ai aucune imagination ! Non, tout vient de Mina. Elle est extra, je te dis !

Vlad :  Mais, si je comprends bien, tu as trahi Vincent ! T’as tout balancé à la petite, imagine qu’elle ait mal pris la nouvelle, tu te serais trouvé dans de beaux draps…

Fred : Ah mais non ! Ça s’est pas du tout passé comme ça ; elle avait tout compris en moins d’une demi-heure. Et là, j’avoue qu’elle s’est montrée magistrale. A notre deuxième vodka, excellente tu trouves pas ? Une vraie révélation en ce qui me concerne….

Vlad : A la deuxième vodka donc…

Fred : Elle s’est penchée au dessus de la table et m’a dit franco, mais alors tout de go : «  et si vous me disiez votre véritable prénom maintenant. Les blagues les plus courtes sont les meilleures… »

Vlad : Ah ouais ? Mais comment elle a fait ? Elle lit dans l’herbe de bison ?

Fred : Ah oui, faut que j’te dise, Vincent lui avait avoué qui tu étais…

Vlad : Ah d’accord, j’passe encore pour le dindon de la farce !

Fred : C’est pour la bonne cause. Sur ce, elle l’a invité au restau et comme de bien entendu, il a paniqué une fois de plus

Vlad : D’accord, je suis :; tu y es allé et elle t’a démasqué ! Comme quoi, moi au moins, j’ai joué mon rôle à la perfection…

Fred : Si tu veux. Donc elle me dit ça, ce qui me décontenance un chouïa quand même et j’avale une troisième vodka, décidément exceptionnelle, le temps de trouver la parade

Vlad : Maline, la Mina, elle a trouvé ton point faible

Fred : Alors, subitement tout s’est éclairé ; elle l’aime, il l’aime, il manquait juste un petit coup de pouce…

Vlad : Exactement, t’as tout compris ! Nasdrovié, vieux frère ! ET vive l’amour ! Et tu crois que ça va marcher ?

Fred : Oh oui ! J’ai aucun doute là-dessus. Tu te rappelles de Vincent au ski ? Il fallait toujours le pousser et puis une fois lancé c’était le premier à se régaler, là c’est pareil sauf qu’on l’a d’office envoyé sur une piste noire ; mais il sera à la hauteur, tu crois pas ?

Vlad : Sans doute…Mais dis-moi, Fred, que va-ton faire désormais le vendredi ?

http://www.youtube.com/watch?v=hwjJVWKA7MY&feature=related


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