Magazine Journal intime

La dame, à la radio…

Publié le 12 février 2010 par Stella

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C’était la toute fin de l’émission, l’animateur expédiait vite fait les derniers témoignages : “Nous vous écoutons, madame…” Alors, puisqu’on l’écoutait, elle a parlé. Elle avait attendu sagement son tour avec, au coeur, un mélange de trac, d’espoir secret et de peur parce que l’heure qui tourne signe inexorablement la fin des émissions et clôt la bouche de leurs participants. Mais voilà, elle avait eu de la chance et c’était le moment.

Pour ne pas balbutier, pour contenir son émotion, elle avait écrit son texte. Mais il était rédigé comme on parle et seule une oreille avertie, habituée du Téléphone sonne, puisque c’est de cette émission qu’il s’agit, pouvait déceler le subterfuge. Elle a raconté :

“Voilà, je m’appelle X, j’ai 54 ans. J’ai été mariée pendant trente-cinq ans et j’ai eu quatre enfants, qui travaillent tous. Mon mari est médecin. Dès le début de notre mariage, j’ai arrêté de travailler pour élever mes enfants. Quand ils ont été grands, j’ai aidé gratuitement mon mari dans son cabinet, pendant des années. Mais il y a deux ans, mon mari est parti vivre avec une autre femme. Le jugement de notre divorce va être rendu dans quelques semaines. Je vais recevoir 250 euros de prestation compensatoire. J’essaie, depuis des mois, de trouver du travail mais je n’intéresse pas les employeurs parce que j’ai un certain âge et que mon expérience professionnelle date d’il y a longtemps. Je ne peux rien prouver de toutes ces années passées au service de mon mari. Quand je prendrai ma retraite, avec mon niveau actuel de revenus, je toucherai 350 euros par mois…”

Et là, Monsieur Alain Bédouet je vous en veux beaucoup, vous avez coupé la parole à cette dame en lui balançant un “merci, merci pour votre témoignage…” qui semblait brutalement hors de propos. Vous avez redonné la parole à Elisabeth Badinter - oui, c’était elle le thème de votre émission, elle venait pour son livre Le Conflit, la femme et la mère, qui est certainement appelé à être abondamment commenté. Elisabeth Badinter a tenté un peu de compassion, désarçonnée qu’elle était par cette intervention à laquelle elle ne s’attendait probablement pas.

Monsieur Alain Bédouet, vous avez bouclé la fin du Téléphone sonne en temps et en heure et tout va bien. Mais cette dame, là, avec son pauvre témoignage qui n’a même pas été commenté, elle méritait mieux que le journal de 20 heures en guise de remerciement.


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