Magazine Journal intime

La Rose Blanche

Publié le 14 février 2010 par Moinillon

« C'est une liturgie très différente de celles d'Europe centrale qui sont très sobres. On pénètre dans une grande nef. La voûte est noircie par la fumée, le sol est en bois ; une douce semi-obscurité remplit l'espace et seuls les cierges sous l'autel et sous les icônes donnent une couleur dorée aux images sacrées. Les personnes se répartissent en groupes désordonnés, des hommes barbus avec des visages empreints de bonté, vêtus du safran le plus beau, des femmes avec des châles de couleur sur les cheveux s'inclinent en traçant d'un geste très beau la Croix de saint André[*]. Certains inclinent profondément la tête, touchant et baisant le sol. Les veilleuses dorées donnent des reflets rouges à leurs visages ; leurs yeux brillent et alors que le murmure s'apaise, le pope commence à chanter à haute voix. Un chœur lui répond avec des accords magnifiques. Le pope[**] chante à nouveau, et le chœur lui répond encore, soutenu par de nombreuses voix, de merveilleuses voix claires de ténor et des basses suaves. Les cœurs des croyants vibrent avec la musique, on sent le mouvement des âmes qui s'épanchent après un long silence parce qu'elles ont enfin trouvé leur vraie patrie. Je voudrais pleurer de joie, car des chaînes se défont en moi l'une après l'autre ; je voudrais aimer et rire parce que je vois qu'au-dessus de chacune de ces personnes se trouve un ange plus fort que les pouvoirs de l'abîme. »
Extrait de La Rose Blanche de J.-M. García Pelegrín (Ed. de Guibert, Paris 2009, p. 67).

Il s'agit des impressions de Hans Scholl — l'un des «héros martyrs» de la Rose Blanche, le mouvement chrétien de résistance au nazisme en Allemagne — lors d'un office dans une église orthodoxe de Russie pendant la guerre. En juillet 1942, Hans était envoyé en Russie pour un stage de trois mois dans le Corps sanitaire avec ses amis étudiants en médecine. 
Je touchais un mot de ce livre il y a quelque temps. Comme on sait, l'un des membres de ce mouvement — Alexandre Schmorell — était orthodoxe et paroissien de l'église russe de Munich. Mais la majorité d'entre eux étaient ou étaient devenus catholiques, très influencés par la philosophie chrétienne de J. Maritain.
Un petit livre très intéressant qui donne un aperçu objectif de cette époque tragique à travers ces quelques jeunes et leurs enseignants qui ressentaient  de la honte pour leur peuple, qui serait condamné à expier tous ces crimes. Il est réconfortant de savoir qu'il existait des jeunes Allemands, chrétiens de surcroît, décidés à faire quelque chose... avec rien. Leur martyre (la canonisation locale d'Alexandre Schmorell par l'Église russe HF est en cours) est sûrement le fruit le plus évident de leur «mission».
[*] Il ne s'agit pas, en fait de la croix de saint André, mais du signe de croix orthodoxe.
[**] Le mot «pope» a une connotation péjorative en russe, il est préférable d'utiliser le mot «prêtre».
Schmorell
Hubert Furtwängler, Hans Scholl, Willi Graf, Alex Schmorell en Russie dans la Compagnie sanitaire.

Retour à La Une de Logo Paperblog

Magazine