Qui est-ce que je n'ai pas hâte de voir partir?

Publié le 14 février 2010 par Claudel
Jour de la Saint-Valentin. Habituellement, le dimanche, c’est mon frère qui va voir ma mère au CHSLD. Moi, c’est le mercredi ou jeudi. Mon frère étant en voyage, ma mère m’a demandé d’aller diner avec elle, ce dimanche. Y suis allée. Au CHSLD, le nôtre en tout cas, tout est prétexte à fêtes, activités spéciales, décorations, musique, chants, alors on y fête la Saint-Valentin, ce qui n’a jamais été le cas dans ma vie d’enfant ou ma vie d’adulte.
Tout en chipotant dans son assiette, elle a parlé des amies qu’elle a eues dans sa jeunesse, de ces autres avec qui elle a travaillé. Depuis 1970, personne sinon une en hiver lors de séjours au Portugal. Veuve depuis 2006, elle est restée deux ans toute seule dans sa maison, c’est ce qu’elle voulait, elle était bien. Incapable de marcher très longtemps, elle ne sortait plus. Mots croisés, journaux, lectures, repas, télévision le soir, je ne l’ai jamais entendue parler d’avoir besoin d’une amie.
Mais depuis qu’elle est au CHSLD, elle s’en cherche. Pourtant, elle n’a jamais reçu tant d’attentions des infirmières, préposés, techniciennes de tout genre. Des dizaines de bonjours par jour. Paradoxalement, elle ne va pas au-devant au cas où quelqu’un lui parle et qu’elle ne comprenne pas ce que cette personne lui dirait. Au cas où ce soit un fatiguant. Parce qu’elle est très sélective ma mère, ne veut pas n’importe qui. Il ne faut pas qu’il ait de « bédaine », que ce ne soit pas une « tit-vielle », qu’elle ne comprenne pas ce qu’elle dit. La perle rare, quoi.
Au retour, je me suis demandée quelle sorte d’amie-ami-amies-amis j’ai. J’ai fait le tour. La question qui tue : « Qui est-ce que j’ai hâte de voir arriver? Qui est-ce que je n’ai pas hâte de voir partir? » Réponse : personne. J’en ai bien une, une extraordinaire, une dont je ne peux pas me passer, depuis 47 ans, avec un petit trou d’une dizaine d’années, mais c’est une amie par écrit. Presque chaque jour, chaque semaine c’est certain. On ne se téléphone jamais, on se voit rarement, et quand on se voit, ce n’est pas trop longtemps.
Conclusion? Pas de conclusion. Et vous, que répondez-vous à la question qui tue?