Magazine Humeur

sève électrique

Publié le 15 février 2010 par Cecileportier


connexion
Que se passe t-il? Il semble qu'extérieurement tout soit comme avant dans la vie de Nathalie, et pourtant tout a changé. Dans l'opacité des pensées de Nathalie, peut-être à la faveur d'un heureux hasard, ou bien d'une légère surchauffe, un infime court-circuit a eu lieu. Le temps d'un millionième de seconde, les flux de pensées de Nathalie se sont dirigées, non plus vers le verbe "faire", mais vers le verbe "accomplir". Elle a senti au bout de ses doigts comme un grésillement, et depuis, à l'intérieur d'elle-même, c'est toute une syntaxe nouvelle qui se déploie. C'est peu de choses, de remplacer le verbe faire par le verbe accomplir. C'est peu de choses mais les conséquences sont immenses.
Il n'y a plus de devoir. Il y a de l'intensité.
Il n'y a plus la vitesse, nécessaire et mesurable. Il n'y a plus la lenteur, soupçonnée de vouloir saboter la performance. Il y a seulement la fulgurance. Et depuis cet exact point de fusion entre la vitesse et la lenteur, la pensée de Nathalie prend son essor.
En elle coule une sève électrique qui la rend vivante et femme, qui la rend humaine. Les visages des gens lui parlent comme jamais.
Ensemencée ainsi par la pensée de l'accomplissement, Nathalie se découvre plus grande qu'elle n'était. Elle voit désormais qu'elle ne se limite pas à cette petite parcelle cultivée, dont l'hygrométrie, le niveau de production, la quantité d'engrais attribuée, sont sans cesse mesurés, surveillés. (Car savez-vous comment on fait pousser les fruits commercialisables ? En stressant la plante, au bon moment, par une petite carence d'irrigation)
Elle découvre en elle de vastes territoires inexplorés, où aucune digue n'existe contre les crues.
L'intensité qu'elle ressent n'a rien à voir avec l'idée d'en faire quelque chose, pour la consommer, pour l'épuiser. Elle se promet au contraire de tenir le plus longtemps possible cette situation intenable, où la douceur est une infinie violence, où la violence ne blesse pas, ne meurtrit pas, mais dénude et caresse seulement.
Sa puissance elle n'en veut rien faire qui la galvauderait en pouvoir. Elle ne veut pas non plus la monnayer.
Elle voudrait seulement la donner, et qu'autour d'elle petit à petit le don se propage. Qu'on puisse entendre : ce que tu m'as donné, je le redonne, et je n'en suis pas pourtant dépossédé.


L'image que je redonne ici ne m'appartient pas. Empruntée sur le web à un projet reconstituant les chemins de pensées à partir d'un tableau lumineux d'itinéraire de métro. Plus ici.

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Cecileportier 349 partages Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte