Mon blog, encore...

Publié le 15 février 2010 par Didier Vincent



Un blog est un livre qu’on ne tient pas à refermer, qu’on laisse ouvert, là, au hasard, comme dans une vitrine. Les gens passent, s’arrêtent ou ne s’arrêtent pas, jettent un regard furtif et puis vont. Les gens… C’est comme quand on furète de livre en livre dans une librairie en caressant du regard quelques bribes. Rien d’essentiel.

Parce que vous recherchez l’essentiel en tenant un blog ? Vous le loupez. Ici, tout est accessoire, furtif, volage, très vite vieillissant, jeté, oublié, passé, terni, forclos dans un pli du passé. Le blog est une rivière et le visiteur est sur un pont n’en apercevant qu’un tronçon, une courte partie. « Ha ! Tiens, il y a du courant ! » Le visiteur ne sait pas trop pourquoi il y en a, un si fort courant. Il ne cherche pas l’amont, les altitudes neigeuses. Il s’en fout de l’aval, la mer immense où la singularité va se fondre. Il n’est qu’un passant qui extrapole, vous jugeant sommairement sur un billet, un post, la simple page ouverte, offerte, dans cette vitrine du présent.

Si le blogueur est un nombriliste qui surdimensionne ainsi son ego, sa solitude, le visiteur, lui, a d’autres chats à fouetter. Le blog qu’il lit n’est qu’un maillon de son voyage dans sa navigation, une ile dans un archipel hétéroclite. Asymétrie. Incompréhension. Perte de temps, au fond.

Comme on n’a qu’une idée des visiteurs qui butinent, ces derniers édulcorent une identité au propriétaire des lieux. Les deux passent leur temps à se tromper dans ce lieu de non rencontre.

Le blog est ainsi interfacique entre deux univers complètement disparates. C’est un non lieu.

L’internet nous condamne ainsi à, nous informant, ne pas nous comprendre, nous éviter de justesse. Les commentaires n’étant qu’un leurre, une balise, un clin d’œil connivent, un échange de politesses radieuses : du pur symbolique, ce qui, en fait, diffracte les uns des autres.

Et c’est sans doute aussi pour cela que tenir un blog est une incessante et épouvantable addiction, un besoin à jamais épuisé de compréhension qui racole sur des signes si faux, au fond, qui montrent si gauchement ce qu’on tient si fort à cacher, telle cette lettre volée de Poe : une fêlure.