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Al Capone

Publié le 07 octobre 2007 par Filippo Zanghi

La chaleur approche. Les voitures commencent à se parquer à l’ombre.

J’ai revu l’homme aux lunettes Valentino.

Il a 75 ans. Il a vécu à Genève une douzaine d’années. Deux ou trois ans après son arrivée, il s’est mis à son compte. Il gérait plusieurs stations essence – ou bien il s’occupait de la fourniture dans une chaîne de stations essence. Il avait des voitures, des grosses cylindrées – ou bien une seule, une américaine, mais gigantesque. Et puis, il avait un motel à Corsier.

C’était un caïd. Il a été condamné à plusieurs reprises. Il en est très fier. Un jour, il a tiré sur quelqu’un. Mancato omicidio. Tout le monde le craignait, même les flics. On le surnommait Al Capone. Une fois, il a fait quarante jours de prison. Ils sont venus le cueillir dans l’hôtel d’un ami qui l’hébergeait. À sa sortie, l’ami lui a facturé les quarante nuits. Il dit: «Tu vois comment naissent les disputes.» Quand il a voulu récupérer les 100'000 francs de dépôt du motel, on ne les lui a pas rendus.

Il s’est séparé de sa femme. Aujourd’hui, il n’a plus rien. De retour en Sicile, il avait ouvert un hôtel-restaurant dans la région de Patti. Mais tout le monde en avait après lui. Un flic en particulier. Sauf que lui, il avait un réseau. Des Palermitains notamment. Ils lui ont proposé de liquider l’importun. Magnanime, il a refusé.

Il fait de grands gestes, par exemple celui de se masturber. Il répète mìnchia et cugghiùni toutes les trente secondes. Du temps de la Suisse, il prétend avoir donné du travail à une cargaison de jeunes du village. De manière générale, il est assez prétentieux.

Quand je suis arrivé sur la place, avant de boire mon café et de m’installer sous la véranda, il s’est approché de moi. «Alors?

– Alors on travaille, je lui dis.

– Comment ça, on travaille? Personne ne travaille, ici. C’est interdit.»


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