«Ficarra» et «Picone» sont les noms de scène des deux humoristes siciliens les plus célèbres du moment. Théâtre, télévision, cinéma, ils sont partout. Dans leur sketch intitulé «Siciliens», ils évoquent la Suisse. Tous les clichés y passent, mais transpercés de part en part, car les deux lurons ne s’en servent que pour forcer un peu plus le trait de leur propre caricature. L’extrait qui suit en donne une idée (bien pâle évidemment, puisque la substance est dans la performance). Il est tiré de Diciamoci la verità, Milano, Mondadori, 2005, p. 74-75 (traduction libre).
Ficarra (entrant le dos courbé et en grimaçant): Aïe, aïe, aïe, aïe, aïe… (S’asseyant avec peine) Aïe!
Picone: Fatigué?
Ficarra (surpris): Non, non. Aujourd’hui, ça va bien.
Un temps.
Ficarra (heureux): Je suis allé en Suisse.
Picone: C’est où, ça?
Ficarra (ennuyé) : Pfff… En sortant de l’Italie, la première à droite.
Picone: Et qu’est-ce que tu es allé faire en Suisse?
Ficarra: À ton avis, qu’est-ce qu’on va faire en Suisse? (Secouant la tête) Si quelqu’un dit: “Je suis allé en Suisse”, en général L’AUTRE comprend…
Picone: Et… L’autre, c’est moi? Et… Toi, tu es celui qui est allé en Suisse?
Ficarra (agacé): Par exclusion… On est deux, non?
Picone: Et qu’est-ce que tu es allé faire en Suisse?
Ficarra (énervé): J’ai trait une vache, regardé l’heure qu’il était, mangé un morceau de chocolat et je suis rentré! À ton avis, qu’est-ce qu’on va faire en Suisse?
Picone: Mais pourquoi est-ce que tu es aussi aggressif? Je ne sais pas, moi.
Ficarra (las): J’ai pratiqué l’évasion fiscale.
Picone: L’évasion fiscale?
Ficarra (baissant la voix): On ne peut plus garder ses sous ici, mon cher. Les impôts… Alors, on les amène en Suisse. Là-bas, ils sont comme dans leur habitat naturel. Ils paissent librement.
Picone: Et… Toi, tu leur as fait confiance?
Ficarra: Hein?
Picone: Tu leur as fait confiance, aux Suisses? (Stupéfait) Tu as pris tes sous et tu les leur as donnés? Sainte Vierge…
Ficarra: Ah! Mais attention! Je les ai photocopiés et j’ai gardé les originaux! Pour qui est-ce que tu me prends?!
Picone (soulagé): Ah bon, comme ça d’accord.