Caroline Sagot Duvauroux/Je dissone

Publié le 18 février 2010 par Angèle Paoli
« Poésie d'un jour
(Pour faire défiler les poésies jour après jour,
cliquer sur les flèches de navigation)



Ph., G.AdC


JE DISSONE

Je dissone. Vous ignorez qu’outre mesure un chant
bat.

Je me délivre de l’étreinte nauséeuse du logos.
Le rouge est ma couleur, celle du règne animal, celle
de la vie par dévoration et par abomination. Je
tranche ma gorge sans revendiquer l’oiseau car
empoisonnée je le fus dès ma naissance par naître.
Que la langue des poètes protège encore un temps le
rouge-gorge. Je suis le clou dans l’être. Je suis
immunisée contre les sirènes, l’intelligence et autres
poisons. Rendez-moi la lune.
Je suis crapaud.

                                              piurie* de bouche ils ont pensé

Je suis le lieu sauvage où la femme a fui l’apocalypse.
Le dragon vomit le fleuve mais je m’ouvre et
l’engloutit. Alors le dragon s’attaque à sa
descendance et c’est vous.

             lui ont enfoncé le diable par les narines et l’anus

Je vous ai empêché d’inventer une idée de
vous-mêmes qui permette d’être paisible et heureux.
Vous êtes tourmentés et malheureux ? Vous
vous êtes laissé chasser par intérêt de la libre
puissance, comment pourriez-vous désirer un roi
qui soit plus qu’un objet ridicule et pathétique ?
Vous vous êtes retournés contre l’attrait héroïque
de la bonté avec venin. Vous guignez le pouvoir
de la médiocrité insensible et brutale. Baisez les
mains des vilains que vous consacrez.

C’est moi, médiocre, infernale, que vous possédez.
Une esclave !

            faut que ça sorte ils ont pensé du cul du vieil an
                                                                    comme pet d’agonie


Caroline Sagot Duvauroux, L’Herbe écrit in Le Vent chaule, José Corti, 2009, pp. 159-160.


* Note d’AP : Caroline Sagot Duvauroux écrit bien piurie et non pas pyurie.


Retour au répertoire de février 2010
Retour à l' index des auteurs

» Retour Incipit de Terres de femmes