Magazine Journal intime

Hiver 2010

Publié le 20 février 2010 par Lephauste

Il faut vivre ici, il faut chaque jour prendre la route pour ce qu'elle est, une long fleuve de boues nauséeuses sur le dos duquel on gagne un peu sa vie, et du côté de la banlieue sud-est lanterner dans les encombrements dus à ces milliers d'éco-citoyens, seul à seul dans leurs automobiles, de plus en plus volumineuses, du plus en plus rutilantes d'échappemments gras qui sont comme les jappements d'une meute participant à son propre massacre, avec au ventre la peur de ne pas pouvoir y arriver. ll faut cela entre autres moyens, pour y voir, dans les plaines bordant la monstruausité des zones faites d'entrepôts ventripotents, ces villes qui firent en 58 la réputation d'un abbé. A l'époque la colère n'était pas un sujet  d'étude psychiatrique, à cette époque le froid s'occupait déjà de la misère, en petit frère des pauvre, et éliminait la paresse et le vice du tableau d'honneur des "Trente glorieuses". Le pauvre était sale, fainéant et vicieux, c'était sa nature, voila tout. De plus il se reproduisait comme font les lapins. L'oisiveté était reproductrice.

Ces villes dont je parle ici, naissent comme des "jungles" à Calais et pas un ministre pour y conduire lui même l'assaut des bull-dozer ? Et pas une caméra pour y aller faire le bon beurre des annonceurs ? Et pas un "humanitaire" pour y aller se faire photographier en vue de la prochaine récolte de dons : Non madame pas de nourriture ! De l'espèce, rien que de l'espèce. Les frais de fonctionnement, vous comprenez.

Ces villes de bidons, de carton, de bâches bleues, de palettes, fûmantes d'ordures montagneuses à leurs abords, ces villes sont européennes. De cette Europe qui vous échappe tant elle est de moins en moins du domaine des fraternités artificielles. Plus jamais ça ! Disaient-ils. Et deux fois l'europe les invita à la tuerie. Plus jamais de misère ici, clamions nous en suivant les camions d'où les mégaphones crachotaient des slogans ridicules, nous n'étions, nous voulions l'ignorer que la clientèle bonasse de partis politiques pour qui aucune souffrance ne devait rester à l'écart d'un beau résultat électoral, d'une grande défaite qui promettait beaucoup, pour peu qu'un spécialiste vienne nous expliquer qu'il sentait dans cet échec un renouveau des forces vives de la citoyenneté. Un regain d'intérêt, comme on dit. Mais le regain ne nait que des terres cultivée en vue de quelque chose qui pourrait s'appeler : un avenir commun. Nous savons à présent que l'avenir n'existe pas.

Et grasses elles engrossent la banlieue parisienne ces villes de bidons. Des enfants y traînent dans les crassiers, des enfants qui ne vont pas à l'école, sinon à l'école de la mendicité : Tu ne peux pas donner à chaque fois que l'on te tend la main, tout de même !? J'essaie, si! Et j'ai tort, il ne faut plus rien donner, ni à Haïti ni nulle part ailleurs. La charité n'est pas une idée. Elle permet seulement aux banquiers, aux entrepreneurs des BTP de signer par devers les pauvres des contrats pour salir encore et toujours la paradis, dont la porte est défoncée. Comme sont défoncés les rêves d'une Europe des peuples. L'europe est morte-née et aux portes de Paris, du grand Paris, vivent des milliers de gens que la chute du mur de Berlin a jeté sur des routes qui menaient aux pied des forteresses de la consommation de masse, de la consommation des masses par la masse. Ce que nous sommes devenus, la masse. Cette masse dont on fait les peuples belligérants.

Je dirais : Révoltons-nous ! Je me ferais rire tout seul. Mais quand vous prenez l'autoroute, en famille, heureux que les vacances soient enfin là, tournez un peu la tête vers le paysage bucolique, ce paysage qui vous fait enfin sentir ce que la nature a de primordial pour votre conscience téléguidée ... Ils sont là, vos frères, vos soeurs, ces enfants que vous abandonnez au prochain conflit européen.


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