Bon, on a fait les Victoires, on a fait les Oscars, on va essayer d'être cohérents jusqu'au bout et on va égrener quelques catégories des César, même si on n'a pas le cinéma français chevillé au corps. "Chevillé au corps", ou la private joke qui a fini par me poser un problème de mémoire, mais bon, c'est une autre histoire, sois pas relou (ah, nan, en fait, c'est moi) (je suis très fatigué).
Donc cette année, les César sont supposés faire un triomphe à Jacques Audiard, car s'ils l'ont fait en 2006 pour De battre mon cœur s'est arrêté, qui était sympa mais pas aussi génialissime que l'on a bien voulu le clamer, il n'y a pas de raison qu'Un Prophète, un film "grosse claque" qui fait office de fleuron hexagonal depuis le dernier Festival de Cannes, y échappe. Je vais donc essayer de pronostiquer sans que ce soit trop chiant, puisque les trophées des différentes catégories sont quasiment attribués d'avance.
Meilleur film
À l'origine de Xavier Giannoli
Un prophète de Jacques Audiard
Welcome de Philippe Lioret
Le Concert de Radu Mihaileanu
Les Herbes folles d'Alain Resnais
La Journée de la jupe de Jean-Paul Lilienfeld
Rapt de Lucas Belvaux
Si on fait la revue des troupes, on a deux favoris évidents qui sont Un Prophète et Welcome. A côté, les autres ont un peu l'air d'être là pour faire nombre. Il faudra peut-être se méfier du Xavier Giannoli, qui a dû totaliser 35 spectateurs en salles mais qui s'en sort avec 12 nominations au final, signe que l'Académie a peut-être l'ambition de corriger le bilan bof bof du box-office. L'absence du Mic-macs à Tire-Larigot de Jean-Pierre Jeunet montre que le réalisateur du Fabuleux Destin d'Amélie Poulain ne surprend plus avec son esthétique vieille France et ses filtres jaunes pisseux (et pis bon, Dany Boon, quoi). Les Herbes folles, d'Alain Resnais, était intéressant mais un peu chiant, il est surtout là parce qu'il a eu un prix spécial à Cannes, et parce que si on veut fourguer de nouveaux César à Resnais (87 ans), va falloir se dépêcher. Il n'est pas trop risqué, à mon sens, de parier sur Un Prophète, prix Louis-Delluc et représentant de notre beau pays aux Oscars.
Meilleur réalisateur
Jacques Audiard pour Un prophète
Lucas Belvaux pour Rapt
Xavier Giannoli pour À l'origine
Philippe Lioret pour Welcome
Radu Mihaileanu pour Le Concert
A mon sens, cette catégorie est plus ouverte qu'il n'y paraît : Audiard l'a déjà eu, et comme la compétition est supposée faire rage entre Welcome et Un Prophète, les votants auront peut-être eu à cœur de récompenser Philippe Lioret, trois ans après Je vais bien, ne t'en fais pas (mais pense à prendre le pain avant de rentrer et ne le dis à personne), que tout le monde avait adoré. En plus, comme le film a fait polémique au moment de sa sortie, les César pourront, comme leurs prestigieux cousins de Hollywood, passer pour de vilains artistes gauchistes redresseurs de torts. Par ailleurs, Lucas Belvaux est brillant, et Giannoli est vachement souvent nommé cette année, quand même...
Pour équilibrer avec le meilleur film, peut-être Philippe Lioret y aura-t-il droit...
Meilleur acteur
Yvan Attal pour Rapt
François Cluzet pour À l'origine
François Cluzet pour Le dernier pour la route
Vincent Lindon dans Welcome
Tahar Rahim dans Un prophète
Lorsque Welcome est sorti en salles au printemps dernier, tout le monde (enfin, tous ceux qui pensent aux César dix mois avant) (les pervers comme moi, quoi) se sont dits : ah, bah enfin, Lindon va l'avoir son César, bordel ! Faut dire que ça fait des années qu'il en bouffe, le Vincent Lindon, du rôle de mari dépressif, de père dépassé ou de chef d'entreprise déboussolé. Et tout le monde le trouve sympa, Vincent, en plus, c'est vraiment pas de bol que chaque année un autre acteur ait un meilleur rôle dans un meilleur film ! Mais là, Welcome, c'est le rôle de sa laïfe, il DOIT gagner. Oui mais... Cet été, Un Prophète, déjà auréolé de son Grand Prix cannois et des rumeurs insistantes sur la performance formidable de Tahar Rahim, sort en salles, et dès lors il devient difficile d'ignorer sa prestation. Si l'on se réfère à la jurisprudence Marina Hands (2007, nommée Meilleur espoir féminin pour Lady Chatterley, elle ne l'aura pas mais remportera pour le même rôle celui de la meilleure actrice), on devrait donc être fixés assez vite : si en début de soirée, Tahar Rahim n'obtient pas le César du meilleur espoir masculin (ce qui serait un peu bizarre), il deviendra difficile de ne pas le césariser au moins une fois pour son rôle. François Cluzet est aussi favori, mais avec deux nominations, les voix des votants risquent de trop se diviser. Ou pas.
Meilleure actrice
Isabelle Adjani dans La Journée de la jupe
Dominique Blanc dans L'Autre
Sandrine Kiberlain dans Mademoiselle Chambon
Kristin Scott-Thomas dans Partir
Audrey Tautou dans Coco avant Chanel
Avis à l'Académie des César : Kristin Scott-Thomas VEUT UN CESAR, BORDEL A QUEUE !!! Après Il y a longtemps que je t'aime, elle revient donc cette année avec un autre rôle de femme forte torturée et rongée de l'intérieur. Pas de bol, c'est l'année du come-back d'Adjani qui, dans un film qui est certes filmé comme un épisode de Julie Lescaut, est toujours aussi possédée et déglinguée. Dominique Blanc, l'une des meilleures actrices de sa génération singulièrement peu connue du public, est un outsider intéressant, mais comment résister à l'envie de voir Adjani prononcer un discours de remerciements ?
Meilleur acteur dans un second rôle
Jean-Hugues Anglade dans Persécution
Niels Arestrup dans Un prophète
Benoît Poelvoorde dans Coco avant Chanel
Joeystarr dans Le Bal des actrices
Michel Vuillermoz dans Le Dernier pour la route
Michel Vuillermoz est, lui aussi, trop peu connu du grand public, et un César du meilleur second rôle n'y changera pas grand'chose. Joeystarr n'est pas mauvais dans le par ailleurs très intéressant et malheureusement ignoré Bal des Actrices, et Poelvoorde commence à fatiguer tout le monde à jouer au comique qui prend des rôles sérieux, mais je pense que, cette année encore, c'est Niels Arestrup qui sera récompensé pour le rôle sur mesure que lui a proposé Jacques Audiard.
Meilleure actrice dans un second rôle
Aure Atika dans Mademoiselle Chambon
Anne Consigny dans Rapt
Audrey Dana dans Welcome
Emmanuelle Devos dans À l'origine
Noémie Lvovsky dans Les Beaux Gosses
Catégorie pas évidente, où émergent deux favorites à mon sens : Emmanuelle Devos, que les César aiment beaucoup, et Noémie Lvovsky, en mère marrante (c'est cool, les rôles de mères marrantes). Audrey Dana a échappé au César du meilleur espoir il y a deux ans pour Roman de Gare, de Lelouch, c'est peut-être le moment de lui valider son côté bankable, dans un rôle d'ex-femme sympa et compréhensive qui a plu à tout le monde. Je parie sur Devos, c'est encore ce qui me paraît le moins risqué...
Meilleur espoir masculin
Fyrat Ayverdi dans Welcome
Adel Bencherif dans Un prophète
Vincent Lacoste dans Les Beaux Gosses
Tahar Rahim dans Un prophète
Vincent Rottiers dans Je suis heureux que ma mère soit vivante
Si Tahar Rahim ne l'a pas, donc (ce qui paraît improbable, mais après tout...), il y a de bonnes chances pour que ce soit pour Vincent Rottiers, excellent dans un rôle principal très ambivalent dans le lourd et anxiogène Je suis heureux que ma mère soit vivante.
Meilleur espoir féminin
Pauline Étienne dans Qu'un seul tienne et les autres suivront
Florence Loiret-Caille dans Je l'aimais
Soko dans À l'origine
Christa Theret dans LOL
Mélanie Thierry dans Le Dernier pour la route
Soko ferait un très joli César "belle histoire", de MySpace à la reconnaissance du milieu professionnel. Et pis, c'est une bordelaise, donc ça me ferait plaisir. Toutefois, Florence Loiret-Caille et Mélanie Thierry ne sont pas les premières venues non plus, au point qu'on se demande ce qu'elles foutent encore dans la catégorie espoir. Enfin, je n'ai pas vu Qu'un seul tienne et les autres suivront, mais j'ai entendu dire beaucoup de bien de Pauline Etienne. Si LOL obtient un César genre "On en avait aussi donné un à Sophie Marceau pour La Boum 2, qui raconte exactement la même chose, oh la la, trop rigolo", je saute par la fenêtre. On termine donc sur une petite lâcheté : je ne me prononce pas.
Par contre, comme je suis trop déglingo, je vais quand même parier que Un Prophète aura aussi des César technique et sera couronné Meilleur scénario original. Trop ouf.