Quand je repense à cet été-là, ce sont toujours les mêmes
images que je revois : les lieux, les rues, une chambre d’ami, la chambre d’un amant, les allers et retours de l’une à l’autre - et bien
sûr il faisait une chaleur à mourir. Pas seulement dans le Midi, d’ailleurs, mais également en Bretagne – la région que je venais de quitter. Une chaleur à mourir dans le
sens propre du terme. Au téléphone, ma mère ne m’avait-elle pas appris qu’un vacancier que nous connaissions bien était mort sur sa serviette bain, en plein soleil ? Un solide gaillard
pourtant, et on pouvait dire aussi un excellent nageur. Des estivants installés à quelques parasols de lui avaient réalisé en fin d’après-midi qu’il n’avait pas changé de position depuis un très
long moment.
A l’époque je connaissais encore très peu le
sud de la France, et je crois me rappeler qu’il n’avait pas été très simple de m’habituer à la dureté de ces paysages. Le bleu de la Méditerranée ? Il me faisait un peu l’effet d’une carte
postale où les couleurs sont retouchées - un bleu trop franc, pensais-je souvent, sans nuances, celui
d’une mer sans mouvement et que je ne parvenais pas vraiment à comprendre. La Montagne Sainte-Victoire, que je voyais tous les jours par la
fenêtre
de ma chambre ? En temps qu’objet, elle m’étonnait beaucoup. Vue depuis le village où habitaient mes amis, elle ressemblait très peu aux tableaux de Cézanne, qui montrent tous un cône
entouré de lumière douce. Ce que je voyais, moi, c’était un rempart granitique qui bouchait l’horizon, une barre rocheuse longue de plusieurs kilomètres, grise, aride, et qui semblait avoir pour
seule fonction de dégager la nuit la chaleur qu’elle emmagasinait dans la journée.
(à suivre...)