Chère Isabelle Condou,
J’ai beaucoup aimé votre roman. Une histoire argentine.
Deux femmes, sa mère adoptive appropriative et sa grand-mère biologique, attendent chacune de leur côté la visite d’une jeune fille en ce jour de ses 18 ans. La première, femme d’officier et stérile, s’est approprié un nouveau-né pendant les années de dictature grâce à la position de son mari. La seconde, ayant compris qu’elle ne reverrait jamais son fils et sa belle-fille qui était enceinte lors de sa disparition, a un jour laissé son ADN aux Grands-mères de la Place de Mai. La troisième, en pleine crise d’adolescence, s’est fait faire une prise de sang après que sa date de naissance, le métier de son père, les incohérences de l’album familial et son physique peu ressemblant lui aient fait prêter attention aux avis de recherches des dames aux foulards blancs.
Votre livre retrace l’attente des deux femmes en ce dimanche particulier. Chacune ressasse le passé. Vous restituez leurs sentiments, leurs blessures, leurs faiblesses et leurs contradictions avec réalisme et sensibilité.
Est-ce vous ou votre éditeur qui avez fait le choix de ne pas insérer de saut de ligne pour marquer les innombrables allers-retours du récit dans le temps ? Cela m’a perturbée et agacée.
Votre livre m’a profondément touchée, aussi je ne crains pas de vous dire que votre style remarquable souffre des incursions dans le langage cru dont vous émaillez votre récit de temps à autre. Ils me paraissent indignes de vous. Ah, cet amour immodéré pour le verbe pisser ! A mettre en parallèle avec les détails dégoûtants et sans intérêt, que vous ne nous épargnez pourtant pas, sur les habitudes ès-WC de votre personnage Gustavo. Beurk !
Vous avez passé du temps en Argentine, à tenter de comprendre le pays, ses habitants, leurs coutumes, leur histoire, cela se sent à chaque page… malgré quelques fausses notes de taille ! Les Argentins n’ont pas la moindre idée de ce qu’est une bûche de Noël, et encore moins une bûche glacée, cela m’a bien fait rire. Et pour rester dans les glaces, chez les glaciers argentins, la glace à la vanille est presque inconnue, et on paie toujours avant d’avoir son cornet en main. Ah, l’invention des promeneurs de chiens, c’était si naïf. Et la neige, qui n’est tombée sur Buenos Aires qu’une seule fois au XXème siècle, et pas dans les années 70. Et surtout le plus invraisemblable : la viande coûtant moins cher que les légumes à Buenos Aires, il est impossible d’être végétarien faute de moyens !
Enfin, je vous invite à la méfiance vis-à-vis de la langue espagnole. Comadreja est un nom féminin, il s’agit d’un rongeur nuisible, et je mettrais ma main à couper que vous n’avez pas fait relire vos remerciements en espagnol par quelqu’un qui le parle couramment !
Est-il exact que certaines mères appropriatives aient eu une connaissance précise de la provenance des bébés, voire se rendent personnellement dans les maternités clandestines comme Violetta dans votre roman ? Je l’ignorais, je voudrais en savoir davantage.
Vous concluez en laissant entendre que les parents appropriatifs de Malvina-Rosa ne seront jamais poursuivis. Si j’en crois l’actualité récente, c’est faux, le Ministère Public s’en charge, parfois contre la volonté des principales victimes elles-mêmes.
Je croyais en commençant votre livre que la Perrita (petite chienne, de perro = chien) était cette jeune fille prise entre deux identités. Et pourtant, non. J’espère avoir donné à ceux qui passeront par cette page l’envie de découvrir qui elle est.