J'ai donc passé avec succès les 3 examens annuels, je dois reconnaître que comme un certain nombre de mes collègues, j'étais très motivé, et je voulais être capable de réussir quelques belles guérisons homéopathiques, comme je le lisais sous la plume de certains précurseurs ou en écoutant certains orateurs vus dans des congrès ou séminaires d'homéopathie. Étant Généraliste, je commençais à prescrire très prudemment des traitements homéopathiques, et je me rendais compte assez rapidement que l'homéopathie 'marchait' au moins aussi bien que les traitements conventionnels avec la différence de taille, c'est qu'il y n'avait pas d'effets secondaires ni de réaction d'intolérance médicamenteuse. Bien sûr, il y avait quelques échecs, nécessitant des thérapeutiques plus lourdes de temps à autre, mais dans l'ensemble, le résultat était globalement positif. Il y avait cependant quelques points qui me 'chiffonnaient' un peu, certaines pathologies où l'échec était 'garanti' et donc où j'avais arrêté de prescrire des traitements homéopathiques ainsi par exemple toutes les pathologies thyroïdiennes. Était-ce la méthode qui était inadaptée ou était-ce le prescripteur qui était en cause ?
Grâce à mon ami, le Docteur Pilard, qui était alors Président des Écoles de biothérapie, j'avais été enrôlé dans l'équipe d'enseignants de l'École d'homéopathie de Rennes dès les années 85-86, ce qui m'a obligé à travailler, plus que ce que je n'aurai fait autrement. Car, il faut bien le dire, être médecin homéopathe, nécessite de longues études, études à vie, études médicales conventionnelles, je vais dire, normales, car tout médecin, une fois le diplôme en poche, se doit de parfaire et de remettre à jour ses connaissances, c'est l'enseignement post-universitaire, mais le médecin homœopathe doit aussi travailler sans cesse ses connaissances homœopathiques, travail de la matière médicale homœopathique, des pathogénésies, (je reviendrai plus loin sur ces termes barbares, mais on peut dire que c'est le Dictionnaire Vidal du médecin homœopathe), travail également sur les principes du diagnostic et du choix du remède homœopathique.
Ce travail de préparation de cours à des étudiants m'a été profitable et je remercie encore le Docteur Pilard de m'avoir fait très tôt confiance… En même temps, dans les années 92-95, j'étais chargé d'inviter quelques conférenciers 'étrangers' à l'école de Nantes. J'ai pu inviter ainsi quelques médecins que j'ai pu côtoyer de près. Je pourrai citer les Docteurs Majer-Jullian, la fille du Docteur O.A. Julian, qui a fait beaucoup pour l'homéopathie, le Docteur Ziegel, une psychiatre homéopathique qui est capable par sa gentillesse et sa 'pétulance' de passionner un auditoire sur des sujets pourtant très difficiles. J'ai eu la chance également de pouvoir réceptionner et accompagner une personne charmante, aujourd'hui disparue, il s'agit du Docteur Jacqueline Barbancey, l'aînée de Madame Ziegel, peut-être la première véritable psychiatre homéopathe, tout au moins en France, avec une grande expérience professionnelle en cabinet mais aussi en tant qu'expert auprès des Tribunaux… Je me souviendrai toujours de ces mots dits en tête à tête, après une longue discussion sur les enfants en général, où avec toute son expérience personnelle et professionnelle, elle me disait: "Une grande règle avec les enfants, il faut qu'ils sachent que la porte de la maison est toujours ouverte, quoi qu'ils aient fait antérieurement.."
Enfin le dernier que je citerai dans cette liste, est celui également qui m'a fait littéralement 'imploser', c'est le Docteur Édouard Broussalian. J'avais lu quelques articles qu'il avait écrit dans des revues professionnelles, et j'avais été attiré par ses compétences et son expérience d'homœopathe uniciste.
Il faut préciser ici qu'en Homœopathie, il s'est formé plusieurs écoles, représentant plusieurs courants de pensée; on a d'un côté,
les pluralistes, (dont je faisais partie, puisque c'était ce que j'avais appris pendant mes études à Rennes..), les pluralistes prescrivent plusieurs remèdes, s'appliquant à des symptômes particuliers, ou à des groupes de symptômes, associés éventuellement à d'autres remèdes en doses, s'appliquant à traiter le terrain, la constitution du patient, sa diathèse, les causes éventuelles de la maladie actuelle, les barrages éventuels au traitement (des événements dans la vie du patient ayant pu le déstabiliser, tels une intervention, des traitements conventionnels à répétition, etc..)
les complexistes qui associent des remèdes en nombre parfois très important dans des préparations alcoolisées,
les unicistes, quant à eux, cherchent à n'utiliser qu'un seul remède dont les symptômes se rapprochent le plus de ceux du patient dans sa globalité, je reviendrai plus loin sur ce que cela sous entend plus précisément.
Édouard Broussalian était l'un de ces derniers, on m'avait présenté l'unicisme à Rennes comme l'idéal en thérapeutique homœopathique, mais en précisant bien que cet idéal était souvent impossible à atteindre devant la complexité des cas en pathologie courante. On disait aussi que les unicistes étaient de doux rêveurs…D'un autre côté, répétant moi-même des pathologies hivernales, type rhinites à répétition, se compliquant de laryngites et parfois de sinusites, j'avais essayé de me traiter moi-même en bon pluraliste, mais j'avais abandonné au bout de quelques jours, oubliant très rapidement mon traitement, ce sont toujours les 'cordonniers qui sont les plus mal chaussés'. Aussi j'étais en recherche…
J'avais appelé le Docteur Broussalian en début d'année 'scolaire' en Septembre-octobre, et je craignais fort un refus le sachant très occupé, mais par chance, Édouard me répondait très gentiment qu'il pouvait bien passer à Nantes, il pourrait ainsi faire d'une pierre deux coups, puisqu'après une matinée à Nantes, il devait se rendre à Rennes sur l'invitation du Dr. Le Texier de Saint Malo.
Ce fut un 'choc' pour moi, ébranlant mes convictions pluralistes, ce qui a peut-être été l'élément déclenchant de toute une cascade d'événements dans ma vie personnelle et professionnelle. J'ai profité au maximum du passage du Dr. Broussalian, le pilotant à Rennes et le ramenant le Dimanche à l'aéroport de Nantes. J'ai pu ainsi profiter de ses deux conférences, de plus les temps de voyage furent riches en discussion, ainsi que les repas pris en commun avec le Docteur Le Texier que j'estime beaucoup, je le connaissais bien car j'avais assisté aussi à ses cours à Nantes et il m'avait permis de l'assister durant ses consultations.
Plus que les résultats que nous avait détaillés Édouard Broussalian, plus que ses méthodes unicistes qui méritaient pour être assimilées et appliquées beaucoup de travail, ce qui m'avait frappé, c'était la découverte de l'ouvrage écrit par Samuel Hahnemann, l'Organon, ouvrage réécrit 6 fois par l'auteur tout au long de sa vie, ouvrage auquel notre conférencier faisait régulièrement référence.