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Le ciel est mon plafond (1er épisode)

Publié le 02 mars 2010 par Ctrltab

Le ciel est mon plafond (1er épisode)

Steven

La ville m’appartient et j’ai un tapis d’étoiles en guise de lustre. Autour de moi, les pingouins s’agitent, pressés d’aller gagner leur croûte. Dès l’aurore, je les vois arriver au loin, bataillant avec le vent, les parapluies haut dressés. Costume gris et grand imper pour les hommes, escarpins rouges et manteau tailleur pour les femmes.

Money, money ! Entendez-vous l’appel de l’argent qui claque au même rythme que les hauts talons sur le pavé ? Bien sûr, qu’ils entendent mes ouailles, ça les aspire, ça les subjugue, ça les emporte dans le tourbillon quotidien de labeurs et de tristes peines.

Moi, je sors un bras de mon duvet. Il faut que j’aille pisser et ça m’emmerde. Le froid glacial et la bruine permanente, je m’en balance pas mal. Mais devoir lever ma grande carcasse, ça, ça me fait chier. Allez, mes os, wake up ! Allez, ma chair, en place ! Allez, mes jambes, en route !

Ca grince, ça coince, ça se tord, me voilà enfin debout ! Je ne suis qu’un grand machin flasque et creux. Depuis trois mois, je ne me nourris plus que de bière. Tout à l’heure, j’essaierai de prendre un café au pub d’à côté. Je vous parie une pinte que je ne vais pas manquer de le dégueuler.

Je pisse, enfin, avec difficulté. Je vous passe les détails mais ça me fait mal à la queue. Voûté, je reviens à mon magnifique lupanar. Tout est bien à sa place : ma guitare, mes couettes, mon matelas jaune et mes quelques effets personnels, comme on dit en société.

Les passants les plus audacieux osent me saluer : quelques gamins de l’école sikh d’en face, les mères de famille poussette en tête, les jeunes loups avides ou les commerçants du coin. J’ai cette chance qu’on me voit encore. A croire que j’aspire confiance. Peut-être parce que je ne demande rien.

Imaginez : il vous suffit d’échanger un regard avec moi et vous avez fait la BA de votre journée ! Sans peine et sans dépenser un seul kopek. En un clin d’œil, vous voilà affranchi des conventions sociales en reconnaissant en moi – la vermine, le moins que rien par terre – l’être humain. Ce n’est pas cher payé la noble action, non ?

Attention, ne me croyez pas cynique. Non, à qui veut bien m’adresser la parole, je lui proclamerai toujours haut et fort que je suis l’homme le plus heureux sur terre. Et que je n’échangerai pour rien au monde mon bout de trottoir contre des murs et un plafond en béton…


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