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Anodine (2ème épisode Le ciel est mon plafond)

Publié le 01 mars 2010 par Ctrltab

Anodine (2ème épisode Le ciel est mon plafond)

Pourquoi s’était-elle encore transformée en mouche cette nuit ? Anodine aurait pu rire de l’incongruité de ce rêve si l’absence de sommeil ne lui avait pas faire perdre son sourire. Après tout, c’était plutôt pratique d’être une mouche. Au moins, sous cette forme, elle pouvait observer et espionner les autres tout son saoul.

Non, ce n’était ni l’aspect velu des pattes, ni les gros yeux globuleux, encore moins la combinaison intégrale cuir de la mouche qui l’avaient tant horrifiée mais plutôt sa ressemblance avec sa propre vie…

Certains se réveillent sous forme de cafard et en écrivent un best-seller, d’autres s’imaginent en mouette ou en albatros et font des grands succès, théâtraux au mieux, scolaires au pire, d’autres encore aimeraient être des vampires pour vraiment sucer le sang de leurs victimes, Anodine, elle, se contentait de virevolter en insecte noir dans ses cauchemars diurnes.

Vite, elle devait se doucher, se coiffer, s’habiller, se brosser les dents, prendre le bus, monter les étages et retrouver enfin son ordinateur chéri dans son open space honni.

Toute la journée, Anodine traquait la vie des people et tous ces petits ragots et mesquineries qui font le bonheur du grand public. Quoi ? Miss Lola-Donna-Lourdes a encore été surprise dans les chiottes du Club à sniffer de la coco ? Comment ? Mister X retrompe sa femme avec sa fille adoptive ? Où ? On aurait vu le chanteur des Bébés Hurleurs roulait un palot au bassiste des Fuck You Mama au zoo ?

Aujourd’hui, Anodine prendrait son petit déj au bureau. Elle n’avait ni le temps de s’attarder dans la cuisine ni l’envie de se tartiner les bisous d’amour de sa coloc Anna avec son sweety-newby-boyfriend, un DJ austro-pakistanais toujours à moitié scotché à sa bière, sa girlfriend ou son acide, selon l’heure de la journée.

Avant de partir, ne surtout pas oublier de rayer la journée de la veille ! Et encore une petite victoire sur le temps passé ! Anodine avait gardé cette sale petite manie de considérer toute l’année comme un éternel calendrier de l’Avent. En prévision de quel jour, de quel événement béni des Dieux, de quel miracle annoncé? Elle-même n’aurait pu le dire. Anodine vivait simplement le temps sous le régime de l’attente et du « enfin-terminé »…

Le froid glacial l’accueillit d’une claque à sa sortie. Il lui restait deux minutes pour attraper son bus de 7h40 et s’installer avec les têtes habituelles du bus de 7h40. Toujours les mêmes, à moitié réveillées, encore embrumées dans les effluves du pub de la veille et du thé au lait du matin…

8h34, Anodine devait sauter du bus maintenant, courir encore sur le pont, ne pas tomber malgré ses escarpins haut perchés, ne pas transpirer surtout sous peine d’être gênée toute la journée. Il ne lui restait plus qu’un virage et à sourire au clodo du coin et elle serait parée pour ses douze heures de travail.


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