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La rançon du succès (7ème épisode du Ciel est mon plafond)

Publié le 23 février 2010 par Ctrltab

La rançon du succès (7ème épisode du Ciel est mon plafond)

Quel succès ! Pour la première fois de sa vie, Anodine réussit à vendre son papier à un journal d’une autre envergure que Salace Mag : le prestigieux Monde Dubitatif. Et le lendemain de sa parution, Steven croulait déjà sous les guitares de tous genres: électriques, classiques, baroques, basses, luths, ouds, etc. Il pouvait remercier l’incroyable solidarité qui s’était exprimée de toutes parts. Il avait de quoi ouvrir un magasin de musique…

Ni Anodine ni Steven ne s’étaient attendus à un tel retentissement. Un service d’ordre de la police avait été affrété au près de Steven afin de juguler le flot des fans et journalistes qui voulaient voir et parler au « trader déchu ». Jour et nuit, les caméras le filmaient et traquaient le mystère de cet homme qui avait préféré la misère à la fortune.

Car tous les médias s’enivraient de cette histoire. Steven était pour eux l’incarnation même de « l’inéluctable déclin de l’empire occidental », « le symbole de la pourriture du système financier », « le signe de la fin du capitalisme ultra-libéral » ou « l’annonce de la nouvelle ère chinoise » au choix…

Déjà les mauvaises langues dénonçaient une habile mise en scène. Tout ceci était faux, ce clochard n’était qu’un comédien mal payé et prêt à tout. D’ailleurs, toute cette affaire n’avait-elle pas été révélée par une ancienne pigiste de Salace Mag ? N’y avait-il pas là doute à suspicion ? Et pourquoi ce clochard s’obstinait-il tant à rester sur son bout de trottoir alors que les opportunités les plus alléchantes s’offraient à lui ?

Le bassiste des Fuck You Mama était déjà venu jouer à ses côtés. Le chanteur des Bébés hurleurs avait aussitôt répliqué en restant deux jours et deux nuits avec Steven, ne vivant que de bières, de musique et des flashs de caméra. La femme du président avait déclaré vouloir reverser tous les bénéfices de son dernier disque à une Fondation d’aide psychologique aux courtiers en détresse afin que « les meilleurs éléments de notre société ne soient pas sacrifiés à l’autel du Dieu Argent. »

Quant à l’héritier de la couronne, il réfléchissait sérieusement à attribuer à ce célèbre clochard le titre d’ancien combattant et lui offrir la pension affiliée. Son exemple édifiant éduquerait la jeunesse de ce pays : la guerre économique est une guerre comme une autre. Il était aussi temps que ce perturbateur public dégage de ce trottoir et trouve un petit meublé discret en proche banlieue.

Tout ceci commençait à coûter un peu trop cher : l’embouteillage était quasi permanent sur le pont entre les cars de touristes japonais qui en avaient fait une nouvelle halte dans leur parcours,  l’arrêt du « broker cassé », et les badauds de tout genre. Il était temps de rétablir l’ordre public dans la cité.


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