Prières de la 2ème semaine de carême (samedi)

Publié le 06 mars 2010 par Hermas

HYMNE de Prudence sur le Jeûne (5) (samedi) : le jeûne de Ninive (habituellement utilisée le Lundi de la Passion 5° semaine)

Je raconterai, à la gloire du jeûne, un fait antique rapporte dans le livre sacré ; je dirai comment la foudre du Père des hommes retint ses feux, et pardonna aux habitants d'une cité qu'elle devait dévaster.

 

Un peuple jadis avait mis le comble à son orgueil et à son insolence; la licence des mœurs l'avait fait descendre tout entier à une indigne corruption ; et , plonge dans une stupide insouciance, il avait mis en oubli le culte du grand Dieu.

 

Après une longue indulgence, la justice divine offensée s'indigne et arme sa main d'un glaive de feu. De sombres nuages éclatent avec fracas ; des feux livides et tonnants ébranlent la voûte du ciel sur la tète des coupables.

 

Toutefois un délai leur est accordé pour se repentir ; il leur est libre encore d'interrompre le cours de leurs infâmes débauches; ils peuvent, s'ils le veulent, arrêter les désordres dans lesquels ils ont vieilli ; la vengeance miséricordieuse daigne suspendre ses coups ; et la sentence prononcée retarde son exécution.

 

Le juge plein de douceur donne mission au prophète Jonas; il le charge d'annoncer à ce peuple le châtiment qui le menace. Il savait, le prophète , que ce juge redoutable aime à pardonner plutôt qu'à frapper et à punir. Il ose donc se dérober à ses ordres, et s'enfuit secrètement vers Tharsis.

 

Il prend place sur un navire des plus imposants; bientôt on lâche le câble, et l'on s'avance dans la haute mer ; mais tout à coup s'élève une furieuse tempête. L'équipage alarmé cherche quel peut être l'auteur d'un si grand péril; et le sort tombe sur le prophète fugitif.

 

Il est le seul coupable : seul il doit périr, lui dont le nom est sorti de l'urne avec son crime. On le précipite dans les flots, et l'abîme l'engloutit. Un monstre marin le reçoit. et le prophète descend tout vivant dans les vastes flancs de l'animal.

 

Enfin, après trois nuits, le monstre le vomit sur un rivage, à l'endroit où le flot expire avec un léger bruit, et où l'écume vient blanchir le rocher. Délivré par l'effort de la bête, le prophète s'étonne de se sentir encore vivant.

 

Contraint par la volonté divine, il se dirige sans délai vers Ninive. Censeur austère, il reprend les habitants ; il dénonce leurs crimes honteux. « La colère du vengeur suprême, dit-il, est sur vos têtes ; sous peu de jours la flamme dévorera votre cité : croyez à ma parole. »

 

Il monte ensuite sur la cime d'une haute montagne, afin de voir de là les épais tourbillons  de fumée qui s'élèveront de l'incendie, les ruines et les désastres qui vont s'accumuler. Il se tient sous le feuillage d'une plante aux nœuds abondants, qui, tout à coup, est sortie de terre pour lui prêter son ombrage.

 

Mais à peine la cité a reçu la lugubre nouvelle du fiéau qui la menace, qu'une dernière émotion la saisit ; dans la vaste enceinte de ses murs on voit s'agiter le peuple, le sénat, les citoyens de tous les âges, la jeunesse pâle d'effroi, les Femmes poussant des lamentations.

 

On décrète un jeûne public, pour tâcher d'apaiser la colère divine; il n'est plus question de repas dans la ville. La matrone jette loin d'elle ses brillantes parures, et se revêt d'habits sombres ; la cendre répandue sur sa chevelure y a remplacé les réseaux de soie et les pierreries.

 

Les patriciens paraissent en habits vulgaires et négligés ; dans sa douleur, chacun porte sur son corps de rudes tissus de crin ; la jeune fille fait subir à ses membres le contact de ces soies cruelles,  et couvre d'un voile noir son visage ; l'enfant lui-même languit étendu sur le sable.

 

Le roi détache l'agrafe qui retenait sur ses épaules le manteau teint delà pourpre de Cos. Il dépouille son front du bandeau sur lequel éclataient l'émeraude et le diamant; et ses cheveux ne connaissent plus que la poussière qui les souille.

 

Le manger et le boire sont oubliés; la tendre jeunesse livrée au jeûne ne se souvient plus des festins ; l'enfant à la mamelle réclame en vain le lait par ses vagissements ; ses larmes arrosent son berceau ; la nourrice sévère lui refuse l'aliment qui le soutenait.

 

Les troupeaux eux-mêmes ont leur part à cette abstinence ; on retient avec soin leurs pas dans la prairie. On les empêche de toucher le gazon numide de rosée, de se désaltérer aux eaux murmurantes des fontaines ; en face de sa crèche vide, le taureau fait entendre ses mugissements.

 

Bientôt, apaisé par ces expiations , Dieu retient sa colère. Il révoque son arrêt; de terrible qu elle était, sa sentence est devenue favorable. C'est ainsi que la clémence divine se montre facile à pardonner les crimes des mortels, lorsqu’ils l’implorent , et qu'elle prend bientôt le parti de ceux qui répandent les larmes du repentir à ses pieds.