J’ai fait l’autre nuit un rêve étrange, d’une absurdité plaisante vraisemblablement causée par la pleine lune, et ce songe, je pense, fera quelques envieux ici même. Au début, cela ne ressemblait en rien à un rêve. Je marchais paisiblement, accompagné de ma chienne Fauvette récemment guérie d’un ennui digestif, comme chacun sait. Je pensais être éveillé, en possession de toutes mes facultés ou du moins des plus importantes. Cela ressemblait réellement à la vie quotidienne et ordinaire ; mon compagnon à quatre pattes courait devant moi, refusant d’obéir et fouillant le sol de sa fière truffe bicolore. Telle une folle elle se roulait par moments dans l’herbe, ou encore observait les fourmis, animée comme toujours d’une insatiable curiosité intellectuelle. Tant de détails d’une grande banalité qui, en somme, étaient là pour faire vrai. L’instant suivant, sans transition, je me retrouvais dans la maison de mon enfance et de mon adolescence. Il n’était pas difficile de la reconnaître : même jardin, mêmes rosiers et même véranda. Je m’étonnais de ces retrouvailles, et une autre partie de moi ne s’en effrayait cependant pas. Vraiment ma maison ? Oui. Sans aucun doute. Ma chambre de jeune homme était demeurée intacte. Il s’agissait bien de la mienne et je pouvais reconnaître sans peine le poster de Marilyn sur le mur gauche, et celui de Frankenstein, situé juste en face. Il n’y avait pas que leurs pâles images, plates et sans vie. Ils étaient là devant moi, en chair et os. Immobile, Frankenstein était allongé sur mon lit, faisant assez pitié à voir et émettant de monotones
- Vous tombez bien, chéri. Dîtes, vous n’auriez pas un peu de Gin pour retaper ce pauvre chou ? Il est tout glacé. - Je dois avoir ça, Madame. - Pas Madame, petit idiot. Vous savez bien que vous pouvez m’appeler par mon prénom. - D’accord, Marilyn. Mais, du Gin, c’est bien recommandé dans son état ? - Oh, je doute qu’une petite secousse puisse lui faire du mal. - Je peux vous servir quelque chose tant que j’y suis ? - En fait je vous ai devancé. J’ai ouvert une bouteille de Pommery qui traînait dans le frigidaire. Par contre, je n’ai pas trouvé de verre. J’ai versé dans ce que j’ai pu. Tenez. Buvez. J’enlève juste une petite trace de rouge à lèvres, là. - Pas là-dedans, quand même ? - Je n’aurais pas dû ? Je suis terriblement ennuyée si j’ai gaffé. C’est mignon comme récipient, non ? - Vous savez ce que c’est, Marilyn ? - Oui, bien sûr. C’est un petit pot de chambre bleu. Mais je l’ai lavé, rincé, et le Champagne est parfait je vous assure. - C’était mon petit pot, à moi. Celui où j’ai appris à devenir grand. - Tant mieux alors. Comme vous êtes un grand garçon il y a donc longtemps que vous n’avez pas dû faire dedans. Enfin je suppose. - Qu’est ce qu’on faire de lui, là ? - Franck ? On va le remettre sur pieds. Et dès que ce sera fait on file acheter une autre roteuse au village. On vous a déjà dit que vous ressemblez à Miller ? - Je ne trouve pas ça flatteur comme comparaison, ce salopard vous a laissé tomber comme une merde. Si encore vous aviez dit Di Maggio. - C’est vrai, Jo était un type bien. Et au lit un tir au but ça le connaissait. Vous ressemblez quand même à Arthur. J’aime les hommes qui ont des lunettes. C’est amusant de faire de la buée dessus. Erotique, même. Je l’ai fait sur Tony Curtis dans Certains l’aiment chaud. Cette scène où je suis vautrée sur lui à bord du yacht. - C’était trop chaud ! - Vous auriez bien voulu être à la place de Tony, pas vrai ? - Non. A la vôtre, si vous voulez tout savoir. - Alors comme ça vous êtes une chochotte ? Comme Rock Hudson ? Ca ne se voit pas tant que ça. - Je ne vais pas le hurler dans un mégaphone. Je vous en parle parce que vous êtes une copine. - Vous êtes chou de dire ça. Les hommes ne me l’ont pas souvent dit. Ils m’ont souvent pris pour la conne de